Le 3 janvier 2021, Abdoulaye-Bara Diop a quitté ce monde avec la discrétion qui le caractérisait, laissant derrière lui un héritage intellectuel majeur qui a profondément marqué les sciences sociales en Afrique, en particulier au Sénégal. Pionnier de la sociologie sénégalaise, il a été le maître incontesté, formant des générations d’étudiants qui occupent aujourd’hui des postes éminents dans l’enseignement, la recherche et l’administration gouvernementale.
Le Parcours d’un Brillant Chercheur
Né le 19 août 1930 à Saint-Louis, Abdoulaye-Bara Diop a tracé son chemin intellectuel dès ses études à l’École normale William Ponty à Sébikotane entre 1948 et 1953. Après des études à l’Université de Toulouse, il est revenu au Sénégal et a été recruté à l’IFAN en 1958. Son engagement dans la recherche l’a conduit à soutenir une thèse de doctorat en 1964 et à devenir le premier sociologue professeur titulaire de l’Université de Dakar.
Au fil des années, Abdoulaye-Bara Diop a assumé divers rôles, dirigé l’Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop entre 1986 et 1995, et continué à enseigner même après sa retraite officielle en 1995. Son dévouement envers l’enseignement et la recherche l’a amené à participer à des jurys de thèse au Sénégal et à l’étranger.
Un Homme de Principes et d’Engagement Politique
Doté d’une sensibilité politique de gauche, Abdoulaye-Bara Diop s’est engagé dans des initiatives importantes, notamment en tant que président de la Commission scientifique des Assises nationales du Sénégal. Son intégrité et son engagement envers le bien-être de la nation ont été reconnus par plusieurs distinctions, dont celle de Chevalier de la Légion d’honneur de la République française.
Contributions Majeures aux Études sur les Migrations
Bien que souvent salué pour ses travaux sur les Wolof, Abdoulaye-Bara Diop a également été un pionnier dans les études sur les migrations. Dès avant l’indépendance, il a dirigé une enquête majeure sur la migration toucouleur à Dakar. Ses travaux ont jeté les bases de recherches approfondies sur les migrations au Sénégal, abordant des questions cruciales liées à l’urbanisation et à l’évolution sociale.
Études Monographiques sur les Wolof
Les travaux magistraux d’Abdoulaye-Bara Diop sur les Wolof restent des références incontournables. « La société wolof, les systèmes d’inégalité et de domination » (1981) et « La famille wolof. Tradition et changement » (1985) explorent en profondeur la structure sociale, les systèmes d’alliance, les cérémonies matrimoniales, la polygamie et le divorce au sein de la société wolof. Il a utilisé une méthodologie précise et une approche multidisciplinaire pour dévoiler les changements et les défis auxquels la société wolof était confrontée sous l’influence du capitalisme.
Un Homme de Méthode et d’Éthique
Enseignant émérite, Abdoulaye-Bara Diop a partagé son savoir-faire avec des générations d’étudiants, soulignant l’importance de la préparation, de la planification et de la rigueur intellectuelle dans la recherche. Sa propre carrière a été caractérisée par une méthode rigoureuse, une créativité scientifique et une recherche constante de l’excellence. Il a incarné une éthique de travail et une intégrité morale qui ont inspiré ses étudiants et collègues.
Héritage et Hommage
Au-delà de son rôle dans l’université, Abdoulaye-Bara Diop a laissé un héritage durable en contribuant à la recherche sur les migrations, la société wolof et d’autres aspects cruciaux de la réalité sénégalaise. Sa disparition a laissé un vide dans le paysage intellectuel du Sénégal, mais son influence perdurera à travers les idées qu’il a semées et les esprits qu’il a formés.
La célébration de la vie et de l’œuvre d’Abdoulaye-Bara Diop ne devrait pas seulement être un hommage à un érudit émérite, mais aussi une occasion de réaffirmer les valeurs de rigueur, d’éthique et de liberté intellectuelle qu’il a incarnées tout au long de sa vie.