« Que l’Afrique désire l’Afrique, qu’est-ce que cela veut dire? Que les Africains sont engagés dans la réalisation de l’idée panafricaine, en ayant parfaitement conscience de l’histoire de cette idée et de la différence entre le panafricanisme d’hier, avec la force émancipatrice qu’il a représenté, et le panafricanisme d’aujourd’hui, articulé à ce que signifient les nouvelles avancées de l’indépendance. Désirer l’Afrique, c’est vouloir faire de l’unité dans le pluralisme. C’est là, je le répète, la signification du remembrement. Il s’agit d’abord d’abolir les frontières internes au continent à une époque, la nôtre, où les ethno-nationalismes à l’extérieur s’emploient à contrôler et à limiter la mobilité de certaines populations – dont les populations africaines bien sûr -, et s’effarouchent de la notion, qu’ils considèrent comme la catastrophe ultime du « remplacement » des autochtones par les migrants, que la Terre est le seul pays où aucun être humain, ainsi que le répète inlassablement le pape François, n’est « déplacé ».
Offrir un espace africain sans frontières aux initiatives et à la créativité de citoyens non plus marocains, maliens, rwandais, etc., mais africains, ce n’est pas ignorer que le Maroc n’est pas le Rwanda; c’est désirer un futur africain. L’avenir du projet d’Afrique n’est pas donné, mais il sera ce qu’ensemble nous ferons. C’est en cela que l’Afrique n’est et ne sera l’invention de personne d’autre que les Africains eux-mêmes. Et cet avenir d’unité a commencé de se dessiner ».
Souleymane Bachir Diagne & Jean-Loup Amselle, EN QUÊTE D’AFRIQUE (S). UNIVERSALISME ET PENSEE DECOLONIALE, Paris, Albin Michel, 2018, p. 233-234.