Par ELGAS
Je l’avais suivie à Ségou, jeune héritier d’un empire mandingue dont il ne me restait hélas que les récits d’écrivains, d’historiens et de Griots. Et puis, elle vint ! Sous sa plume, vaste chemin clair qui donne au voyage toute sa portée d’échappée aventurière et de cap vers une ruche bourdonnante de trésors pour l’esprit, je m’étais laissé dangereusement séduire. Voyage dans une école de l’érudition, de la maîtrise, du mot savant, d’un art du récit et d’un souci de la précision qui m’avait alors presque tétanisé. Connaître, comprendre, et seulement après, écrire. Quelle somptueuse éthique littéraire. Il y a toujours quelque part dans le monde, un écrivain si pointu, si épais, qui semble si infaillible et à la lecture duquel, on sort, rincé, promis au mieux à l’anonymat, pire à la renonciation. Voilà ce qu’était pour moi Maryse Condé, la boussole et le cryptage. L’astre et son éteignoir. L’exaltation et la fébrilité. Une dualité qui engendre un respect déférent, un amour, une inspiration, et cette certitude : l’exigence est une mise littéraire que le temps rétribue toujours. Lire cette immense dame m’avait donné si généreusement une grand-mère naturelle, un totem, dont l’ombre survivra à la mort, comme Toni Morrison, veillera avec son œuvre, son charisme, et sa voix, sur une humanité fébrile et des enfants étourdis comme nous. Maryse Condé a été aussi journaliste à RFI, j’en ai souri. Plaisir clandestin : écouter tous ses entretiens avec tous les grands auteurs africains au fil des années dans les archives inestimables de la maison. Il me reste cette voix, entêtante, chaude ; cette langue, toujours riche et limpide ; et cet honneur sien : le refus de la complaisance avec les détricoteurs malfaisants de l’Histoire. Si rare de trouver émerveillement par la langue, transcendance par l’esprit, souplesse virtuose par l’empathie et éthique dans la conviction.
Allez en paix !
Merci Maryse.
Votre aura restera éternelle. 🖤