Fara était endoctriné. Il avait délaissé son éducation de base qui reposait sur ses valeurs culturelles traditionnelles de respect de l’ancien et de la déférence à l’égard de ses père et mère. Avant l’enseignement des Arabadous, Fara avait reçu de sa mère Maaty une très bonne éducation si bien que partout où il était passé, il avait su résister aux épreuves pour les surpasser et revenir sain et sauf au bercail. Mais, il avait tout oublié. Il avait perdu la pudeur et la retenue. Il pensait que tout ce que les livres des Arabadous rapportaient était incontestable (…)
Les « mbokk » l’avaient endoctriné. Il alla jusqu’à considérer tous les fondateurs des voies soufies au Sénégal comme des égarés. Il estimait que ces derniers vivaient tous dans l’associationnisme, péché capital que Dieu sanctionne par la géhenne. Son petit savoir avait fait de lui un homme hautain, prétentieux qui pensait détenir la totalité du savoir. Il croyait fermement que seule sa nouvelle communauté des Arabadous était sur la bonne voie (…)
Même si elle n’avait pas appris dans les livres, Maâty avait appris dans la vie. Elle avait de nobles caractères, particulièrement la générosité et l’amour de son prochain. Combien de fois elle avait donné à manger à des personnes qui passaient à la maison par hasard ? Combien de mendiants avait-elle- lavés, vêtus et donnés à manger ? Combien de mariages avait-elle réparés et sauvés par son immense sagesse? Maâty était une personne exceptionnelle. Elle était, elle-même, le prototype de la femme vertueuse. Même si elle ne connaissait pas les actes obligatoires (farata) et les actes recommandés (la sunnah) dans la prière, elle avait vraiment acquis de nobles caractères. Savoir prier sans incarner la vertu n’a pas de sens. La prière doit bonifier le musulman et l’écarter des mauvais caractères (…).
- Fara, tu ne dois pas nous imposer le voile. Tu n’es pas plus croyant que nous !, disait l’une d’elle, Astou.
- – Le voile est une obligation pour toute musulmane, vous devez le portez ! insistait Fara.
- – Je sais bien, mais le voile nécessite une préparation psychologique. Je ne veux pas le prendre et l’enlever au bout de quelques temps. Franchement, je ne suis pas encore prête.
- Connais-tu le jour de ta mort ? Que vas-tu dire à Dieu si tu meurs avant de prendre la décision de te voiler ?
- – Que Dieu m’en préserve ! Je suis encore jeune et je prie pour que Dieu m’accorde longue vie.
- – La mort ne connait pas d’âge. Quand ton heure arrive, tu partiras. Alors obéis à Dieu avant que la mort vienne à toi.
- Je sais. Mais mon seul problème, c’est que, dans mon for intérieur, je ne suis pas encore prête et on dit que tout acte d’adoration que l’on fait à contrecœur ne sera pas agréé par Dieu (…).