
Par Adama Samaké
Figure emblématique du savoir africain, Cheikh Anta Diop fut un penseur de renommée mondiale, l’un des intellectuels les plus connus du continent au XXè siècle. Ses travaux ont certes suscité d’énormes controverses dans les milieux universitaires. Mais ils ont imposé l’Afrique dans l’Histoire universelle de la rationalité scientifique à telle enseigne que l’UNESCO a adopté une part considérable de ses idées ayant trait à l’Histoire africaine et au développement des langues africaines , sans oublier que le Festival mondial des arts nègres de Dakar (en 1966) l’a honoré et reconnu comme le théoricien qui a produit l’attraction la plus féconde sur le XXè siècle. En outre, des personnalités illustres du monde ont célébré sa stature iconoclaste : Laurent de Saint Perier , Aimé Césaire, Amadou Mahtar Mbow, Jean Marc Ela… Le cofondateur du mouvement de la Négritude Césaire voyait en lui la personnalité qui a restitué à l’Afrique son passé, l’ex secrétaire général de l’UNESCO Mbow le qualifiait de symbole majeur de la pensée réflexive et du sens moral de l’Afrique nouvelle », et le célèbre essayiste théologien sociologue Camerounais Ela relevait qu’il incarnait naturellement ce que le Continent noir a engendré d’incomparable, d’exceptionnel dans l’histoire de la connaissance scientifique. Ce pharaon du savoir se présente ainsi comme une immense source d’interrogation, de réponse dans le débat contemporain sur la question de la souveraineté dans la quête, la conquête d’une Afrique nouvelle.
1/ UN HOMME PLURIEL
Cheikh Anta Diop naît dans une famille aristocratique le 29 décembre 1923 à Thieytou ou Thiaytou ou Caytou : un village fondé par son grand-père dans la région de Djourbel (Colonie du Sénégal). Il décède le 07 février 1986 à Dakar au Sénégal. Son itinéraire scolaire commence à l’école coranique, puis française dans sa région natale. Le Certificat d’Etudes Primaires en poche, il intègre en 1937 le lycée Van Vollenhoven à Dakar où il obtient deux Brevets de capacité coloniale (équivalent du Baccalauréat) en Mathématiques et Philosophie en 1945. En clair, il est reçu à un double baccalauréat. Il se rend à Paris en 1946 pour une classe préparatoire aux écoles d’ingénieurs au lycée Henri IV et s’inscrit parallèlement à la Sorbonne pour suivre des études en philosophie et sciences. Il obtient une licence en philosophie en 1948. Parallèlement à ses études, il entreprend une investigation linguistique sur le Wolof et le Sérère et publie en 1948 dans la revue Présence Africaine un article dans cette discipline : Origine de la langue Valaf.
En 1949, il s’inscrit pour une thèse de doctorat de troisième cycle ès-Lettres sous la direction du professeur Gaston Bachelard ; thèse intitulée L’avenir culturel de la pensée africaine. Il est reçu aux certificats de chimie générale et appliquée en 1950. En 1951, il soumet son projet de thèse secondaire sous la direction de Marcel Griaule dont le sujet est De l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui. A la question fondamentale Qu’étaient les Egyptiens prédynastiques ?, la réflexion d’Anta Diop répondait que l’Afrique antique était noire. Ce projet est refusé parce que cette idée fondamentale est jugée trop audacieuse. Mais l’argument officiel est qu’il ne parvient pas à réunir un jury. Cheikh Anta Diop en fait un ouvrage en 1954 qui aura une notoriété considérable : Nations nègres et culture . Il dépose un nouveau sujet de thèse d’Etat en 1956 dont le titre est : L’Afrique noire précoloniale. Etude comparée des systèmes politiques et sociaux de l’Europe et de l’Afrique noire de l’Antiquité à la formation des Etats modernes. En 1959, il soumet une thèse secondaire sous la direction de Henri Bergson portant sur L’unité culturelle de l’Afrique noire qui est soutenue le 9 janvier 1960 et sanctionnée de la mention honorable. De retour au Sénégal avec son doctorat, il est nommé comme assistant le 1er octobre 1960 à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN) dirigé par Théodore Monod. Il y crée le premier laboratoire de datation par Carbone 14 (radiocarbone) en 1961. Ce n’est qu’en 1981 qu’il est nommé professeur associé d’histoire à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’université de Dakar qui porte aujourd’hui son nom.
Cet itinéraire scolaire et universitaire atteste que Cheikh Anta Diop est un intellectuel polyvalent, transdisciplinaire qui a étudié l’anthropologie, la chimie, l’histoire, la linguistique, la physique, la philosophie, l’archéologie, les mathématiques. Il convoque aussi la craniométrie, l’étude des groupes sanguins, de la dépigmentation épidermique et l’iconographie pharaonique dans ses recherches. Il s’affirme comme un être de rupture. Odile Tobner relève cet aspect quand elle dit : « Cheikh Anta Diop est le fondateur d’une anthropologie africaine qui, vouée au développement, au mépris et à la caricature, résiste obstinément, tel un roc, sûre de sa force » . Premier égyptologue d’Afrique noire, Cheikh Anta Diop lisait les hiéroglyphes.
Il se détermine simultanément comme un homme de recherche, de réflexion, d’action. Ainsi l’on notera qu’il fut le président de l’Association des chercheurs et des savants du monde noir, membre du bureau de l’union internationale des sciences préhistoriques et protohistoriques, membre du comité scientifique international pour la rédaction de l’histoire générale de l’Afrique suscitée par l’UNESCO, codirecteur de la revue d’égyptologie et des civilisations africaines ANKH etc. En France, en tant qu’étudiant, il fut un animateur principal de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire Francophone (FEANF), Secrétaire général des étudiants du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) de 1950 à 1953. A ce titre, en 1951, il est à la tête de la délégation des étudiants du RDA qui va rencontrer la West African Students Union (WASA) à Londres en Angleterre. Cette même année, il prend part au premier Congrès panafricain des étudiants africains à Paris. Au Sénégal, il mène des actions politiques d’envergure qui le conduiront à créer avant tout un parti politique : le Bloc des Masses Sénégalaises (BDS) en 1961. Il est emprisonné en 1962 pour son opposition au président Léopold Sédar Senghor qu’il juge néocolonial. Son parti dissout en 1963 par le pouvoir, il crée aussitôt un autre : le Front National Sénégalais (FNS) qui sera également dissout l’année suivante (1964). Le 03 février 1976, il crée le Rassemblement National Démocratique (RND) qui ne sera reconnu qu’en 1981 avec l’avènement d’Abdou Diouf au pouvoir. Son action politique se singularise par une ferme détermination de rassembler les forces démocratiques et de lutter contre toute forme de néocolonialisme.
2/ PENSER L’HISTOIRE AFRICAINE POUR RECONQUÉRIR SA PLACE DANS LA MODERNITÉ.
Les travaux de Cheikh Anta Diop portent essentiellement sur la connaissance de l’Afrique. Ils posent le problème de l’histoire de ce continent en s’investissant dans l’étude de l’origine de la race humaine. Ses œuvres sont centrées sur la thématique de l’Afrique, à l’exception de Physique nucléaire et chronologie absolue , bien que l’application des principes de cette discipline lui permette de marquer des artefacts et époques historiques, et débouche sur la thématique du métabolisme de la civilisation africaine. Elles sont articulées sur trois interrogations principales : quel rôle a joué l’Afrique dans l’évolution progressive universelle des institutions socio économico politiques? Qu’est-ce qui justifie sa condition d’asservissement dans le monde contemporain ? Quels enseignements peut/doit-on tirer de son passé historique pour construire solidement son futur ? Cheikh Anta Diop part d’un postulat : « Le Nègre doit être capable de ressaisir la continuité de son passé historique national, de tirer de celui-ci le bénéfice moral nécessaire pour reconquérir sa place dans le monde moderne » . Il entend avant tout trouver scientifiquement l’origine du Noir et le mode de peuplement de l’Afrique.
Il entreprend ainsi une étude de la sociologie historique africaine qui lui permet de dévoiler un processus de sa falsification par l’ethnologie coloniale. Celle-ci, relevant de l’universalisme européocentriste, crée un Nègre mythique et fait croire que l’Egypte a été civilisée par l’Occident qui est naturellement vu comme le lieu du début de l’itinéraire du savoir. Des penseurs comme Arthur de Gobineau connu pour son Essai sur l’inégalité des races humaines paru en 1853, Lévy-Bruhl auteur de La mentalité prélogique , Friedrich Hegel font du Nègre un homme à « l’état animal ». En effet, dans son célèbre ouvrage La Raison dans l’histoire, Hegel soutient que l’Afrique, « c’est un monde anhistorique non développé, entièrement prisonnier de l’esprit naturel et dont la place se trouve encore au seuil de l’histoire universelle » .
Offusqué de cette idéologie raciste qui sous-tend l’impérialisme colonial, Cheikh Anta Diop fait l’amer constat : « S’il faut en croire les ouvrages occidentaux, c’est en vain qu’on chercherait jusqu’au cœur de la forêt tropicale, une seule civilisation qui, en dernière analyse, serait l’œuvre de nègres. » Ainsi se justifie sa lutte pour la déconstruction du discours dominant et la réappropriation de la mémoire collective.
Elle le mène à aborder une thématique diversifiée : l’origine africaine et nègre de l’humanité, l’origine de la civilisation égypto-nubienne, l’apport de la civilisation nègre à celle occidentale, les grands courants migratoires et la formation des ethnies africaines, la parenté linguistique entre l’Egypte et l’Afrique noire, l’origine du monde sémitique, l’air culturelle du monde noire, l’unité culturelle de l’Afrique, les structures culturelles et sociales du monde africain, l’univers artistique africain, les langues africaines et la pensée scientifique, la formation des Etats africains, l’indépendance de l’Afrique, l’Etat fédéral continental africain.
Partant du constat que les ouvrages sur l’histoire africaine ne vont pas au-delà de la fondation de Ghana, il interroge la source de l’Africain : « Que faisaient ses ancêtres sur le continent depuis la Préhistoire ? Comment se fait-il qu’ils aient tant attendu pour surgir de l’ombre avec une organisation sociale perfectionnée ? Ont-ils toujours habité l’Afrique ou venaient-ils d’ailleurs ? »
Les réponses instaurent une rupture épistémologique. En effet, Anta Diop affirme l’origine monogénétique et mono africaine de l’humanité. La diversification climatique est à la base de l’apparition des races en termes de couleur de la peau. Sa posture idéologico scientifique est sans appel : « Toutes les autres races sont issues de la race noire par filiation plus ou moins directe, et les autres continents ont été peuplés à partir de l’Afrique, tant au stade de l’Homo erectus qu’à celui de l’Homo sapiens » . Il observe que la Nubie (le Soudan) est à l’origine de la civilisation et de la religion. La civilisation égyptienne est fille de la Nubie. Autrement dit, l’Afrique s’est peuplée à partir de la vallée du Nil. La Mésopotamie est fille tardive de l’Egypte. Anta Diop est formel : c’est dans cette contrée qu’on trouve les preuves scientifiques de « la plus ancienne date historique de l’humanité » . L’Egypte, berceau de la civilisation demeure illuminée pendant plus de dix mille (10 000) ans tandis que le reste du monde est dans la barbarie. Cheikh Anta Diop peut affirmer :
« La Nubie apparaît donc comme étant étroitement apparentée à la fois à l’Egypte et au reste de l’Afrique Noire. Elle semble être le point de départ de l’une comme de l’autre civilisation. Aussi n’est-il pas étonnant de trouver aujourd’hui maints traits communs de civilisation entre la Nubie dont le royaume s’est prolongé jusqu’à l’occupation anglaise et le reste de l’Afrique noire (…) Les premières dynasties nubiennes se prolongent par les dynasties égyptiennes jusqu’à l’occupation de l’Egypte par les Indo-Européens, à partir du Ve siècle avant J.C. La Nubie restera l’unique foyer de culture et de civilisation jusqu’aux environs du VIe siècle ; puis Ghana prendra le flambeau du VIe siècle jusqu’en 1240, date à laquelle sa capitale fut détruite par Sundjata Keïta. »
L’Egypte était appelé Kémit qui veut dire noire en langue égyptienne. Les témoins oculaires que sont Hérodote, Diodore de Sicile, La Bible, Mizraïm soutiennent que les Egyptiens étaient des Nègres. Les Latins n’avaient pas d’impact dans/sur l’histoire avant – 500 av. J.C. En outre, la défaite du Général carthaginois Hannibal coïncide avec la fin de la suprématie du monde nègre et le début de celle européenne de la méditerranée septentrionale. Les Juifs ne comptaient pas dans l’histoire de l’humanité. Leur impact date de David et Salomon ; c’est-à-dire le début du premier millénaire, époque de la Reine de Saba. L’idée de l’antériorité de la civilisation nègre implique naturellement l’émergence de la raison en Afrique. Rome et Athènes ne sont pas les lieux d’émergence de la rationalité, encore moins les centres de la civilisation antique. La Grèce n’est en rien la référence première fondatrice de la vie intellectuelle. L’Egypte est antérieure à la lumière grecque. Ainsi peut-on comprendre que les Grecs ont emprunté l’architecture et leurs dieux à l’Egypte. Dionysos, le dieu national égyptien entre plus tard en Grèce. Cheikh Anta Diop insiste sur le fait que le sarcophage est la matérialité de l’espoir de conquérir l’immortalité. Mieux, l’Egypte est le seul lieu de la pratique de la chimie dans l’antiquité. Cette science n’est connue en Europe qu’à la fin du IIIe siècle après Jésus Christ. Dans L’Afrique noire précoloniale, le savant sénégalais souligne que « l’Egypte avait toutes les connaissances techniques et les moyens matériels nécessaires pour s’assurer la maîtrise des mers » . Le résistant ouest africain Samory Touré avait fait imiter les fusils français par ses forgerons. L’Egypte est à la base de l’invention du calendrier en – 4245.
En d’autres termes, l’Afrique se démarquait par une technicité très avancée. Elle a créé l’écriture : celles hiéroglyphique qui s’étendent jusqu’au Cameroun, syllabique des Vaï en Sierra Leone et cursive des Bassa.
Il en découle que l’Afrique a civilisé le monde. Cheikh Anta Diop s’évertue à montrer qu’elle est chargée d’un métabolisme socio économico politique dialectique et dynamique. L’Afrique noire précoloniale établit que ses Etats étaient dotés de constitutions : la constitution du Cayor, celles des empires Mossi, du Ghana, du Mali etc. Il prouve l’existence d’une société stable reposant sur une hérédité des fonctions sociales. L’Afrique précoloniale est en effet adossée à un système d’organisation sociale fondée sur les castes ; c’est-à-dire des professions prises dans leurs relations dialectiques avec la société. Leur caractère indispensable à la vie sociale est l’épicentre des préoccupations. Le luxe n’est pas une priorité, encore moins un objectif. Une monnaie, un système douanier, des centres commerciaux cosmopolites participent également de l’intégration sociale. Le taux de chômage est quasiment nul parce que la structuration de la société et son fonctionnement font que la demande est supérieure à l’offre. Le noble ne peut exploiter l’homme de caste sur le matériel, bien que ce dernier lui abdique sa personnalité sur le plan moral. Ainsi, seule la classe laborieuse peut accumuler les richesses. L’Afrique noire ne connait pas de féodalité. La possession de domaines fonciers n’est pas une obsession de la notabilité. La vente de terre est inconnue en Afrique noire précoloniale. Ces traditions ont été rompues par la colonisation. Mais la faiblesse majeure du système social africain précolonial demeure l’esclavage.
Sur le plan politique, les recherches de Cheikh Anta Diop font ressortir des républiques non laïques, des pouvoirs démocratiques et égalitaires dans lesquels le griot joue un rôle considérable de catalyseur de la cohésion sociale et sur le moral des armées. Il affirme en effet : « Les Africains n’ont donc jamais vécu l’expérience d’une république laïque, bien que les régimes aient été presque partout démocratiques, avec des pouvoirs équilibrés. » L’équilibre démocratique trouve son explication dans la culture dont le point centralisateur est le matriarcat. Selon Anta Diop, « toute la société africaine noire est convaincue de l’idée que le sort de l’enfant dépend uniquement de sa mère et, en particulier, du labeur que celle-ci aura fourni dans la maison conjugale » .
La puissance du fait sociologique africain réside dans ce système matrilinéaire qui institue l’égalité entre l’homme et la femme. La femme et l’homme sont égaux en liberté et droits. La femme n’a rien d’une esclave. Elle peut occuper toutes les fonctions. C’est le cas de la Reine Saba qui est la première femme à gouverner en Ethiopie. Face aux controverses des historiens qui posent la question de savoir si elle a régné en Ethiopie ou en Arabie, Cheikh Anta Diop répond que « jusqu’à la naissance de Mahomet, l’Arabie méridionale est inséparable de l’Ethiopie ; leur destinée historique fut commune ; la suzeraineté de l’Ethiopie fut à peine interrompue par moments (…) Il apparaît donc, d’après les minces documents historiques que nous possédons, que c’est davantage à l’Ethiopie et non à l’Arabie ‘‘Sabéenne’’ qu’il faut rattacher la Reine de Saba » .
On pourrait aussi citer dans ce pays Candace qui a été Reine et générale de son armée. En Egypte, l’héritage politique incombe à la femme, bien que ce soit le mari qui gouverne pour des raisons de supériorité physique. C’est le lieu de dire que l’Egypte est le premier pays au monde à être gouverné par une reine : Hatschepsout. Anta Diop insiste sur le fait qu’ « elle est la première reine régnant seule dans l’histoire de l’humanité » et que son accession au trône est un des traits particuliers de l’histoire égyptienne qui intrigue le plus les historiens modernes » . Le savant sénégalais relève son courage, sa grande capacité à organiser ses troupes comme ce fut le cas de la première expédition sur la Côte des Somalis, au pays de Pount, sa lecture clairvoyante qui lui permit de développer le commerce, et son sens de la spiritualité par la construction du somptueux tombeau de Deir-el-Bahari.
Sur le plan culturel l’Afrique se détermine par son unité. La construction de tombeau en est une marque. Ce continent, par essence, n’incinère pas les morts. Son mode de vie sédentaire justifie l’existence de tombeau. Par ailleurs, l’art africain se caractérise par sa liberté audacieuse, ses rythmes puissants, son invention plastique toujours valable. Il est dominé par deux courants : le réalisme et l’expressionnisme. Il est toujours engagé. Cheikh Anta Diop explique cette orientation en ces termes : « L’art africain a toujours été au service d’une cause sociale comme il doit le rester » . Les langues locales en sont des vecteurs essentiels. Elles ont cette capacité de créativité, d’inventivité, d’innovation nécessaire à l’expression conséquente de l’imaginaire social. Car elles sont riches. Aucune langue n’ayant le privilège du vocabulaire cognitif, Anta Diop appelle à mettre les langues africaines en valeur en les étudiant scientifiquement, en y introduisant des concepts et des modes d’expression à même d’exprimer les idées scientifiques et philosophiques du monde moderne. Cette démarche est indispensable dans l’élaboration d’une nouvelle mentalité qui permettra au peuple africain de construire de nouvelles humanités.
Autrement dit, il est plus efficace d’améliorer les capacités d’une langue nationale que d’entretenir une langue étrangère. Cheikh Anta Diop affirme à juste titre : « Il est plus efficace de développer une langue nationale que de cultiver artificiellement une langue étrangère ; un enseignement qui sera donné dans une langue
