Alors que le Sénégal continue d’affirmer sa place sur la scène littéraire internationale, un paradoxe persiste : malgré un vivier de jeunes écrivains talentueux, l’accès aux ressources nécessaires pour publier et promouvoir leurs œuvres reste limité. La littérature sénégalaise, riche d’un héritage issu de figures telles que Léopold Sédar Senghor Mariama Bâ…, voit de nouvelles voix émerger, mais ces dernières peinent à franchir les obstacles institutionnels et financiers.


De jeunes auteurs, pleins de passion et d’idées novatrices, cherchent à mettre en lumière les réalités sociales, historiques et politiques du pays à travers leurs écrits. Ils explorent des thèmes variés allant de la vie quotidienne à des fictions marquées par la tradition orale wolof, sérère ou pulaar. Pourtant, comme dans de nombreux pays africains, la publication reste un parcours du combattant. Le manque de maisons d’édition locales accessibles et de dispositifs de financement rend la diffusion de leurs œuvres difficile.


Si les grandes maisons d’édition internationales existent, peu de jeunes écrivains sénégalais ont les moyens ou le réseau pour y accéder. Les éditions locales, bien que présentes, sont souvent confrontées à des contraintes budgétaires qui limitent leur capacité à soutenir pleinement la scène littéraire nationale. Par ailleurs, l’absence de subventions dédiées et de soutien de l’État laisse ces talents à la merci de mécènes rares ou d’efforts personnels, souvent coûteux.
Pourtant, des solutions existent et mériteraient d’être mieux exploitées. D’une part, l’État sénégalais pourrait jouer un rôle actif dans la promotion de la littérature nationale en soutenant des initiatives telles que la création de fonds dédiés à la publication et à la promotion d’auteurs locaux. De tels fonds permettraient aux écrivains

de publier à des coûts réduits et faciliteraient la diffusion de la littérature sénégalaise au-delà des frontières.
De plus, la mise en place de concours littéraires financés par des institutions publiques ou privées offrirait une opportunité aux jeunes auteurs de se faire connaître et de bénéficier de bourses pour leurs projets. Les concours internationaux, comme ceux proposés par des organisations culturelles telles que l’Organisation internationale de la Francophonie, pourraient également servir de tremplin pour promouvoir la créativité sénégalaise. L’État pourrait jouer un rôle de facilitateur en finançant la participation de jeunes écrivains à ces compétitions et en offrant des bourses pour des résidences littéraires à l’étranger.


Par ailleurs, les plateformes numériques constituent une voie prometteuse pour contourner les obstacles traditionnels de l’édition. En encourageant la numérisation des œuvres et en soutenant la création de plateformes en ligne dédiées à la littérature sénégalaise, l’État pourrait offrir à ses jeunes écrivains une visibilité accrue, à moindre coût.
Des écrivains comme Cheikh, un jeune poète de Dakar, témoignent de cette lutte quotidienne : « J’ai tant à dire, tant à partager sur mon pays et ma culture, mais les obstacles à la publication sont énormes. Un soutien de l’État ou des institutions locales changerait la donne pour nous ».
Fatou, une autre auteure émergente, partage une vision similaire : « Il nous faut plus de concours et de résidences littéraires. Ce sont des opportunités qui permettent de nous faire connaître et d’améliorer notre art. Mais sans soutien, il est difficile de participer à ces initiatives internationales ».
Il est urgent que l’État prenne des mesures concrètes pour répondre à ces besoins. La mise en place de politiques culturelles en faveur de la littérature, comme l’organisation régulière de salons du livre et de

concours littéraires à l’échelle nationale et internationale, serait une première étape essentielle. Soutenir les jeunes écrivains, c’est préserver et enrichir le patrimoine culturel du Sénégal, en lui offrant les moyens d’atteindre un public plus large.


Enfin, l’ouverture de centres de création littéraire, où des ateliers d’écriture, des conférences et des résidences seraient organisés, pourrait permettre à ces jeunes talents de se former, de se perfectionner et d’élargir leur réseau. Ces lieux, en collaboration avec des maisons d’édition et des universités, serviraient de pont entre les écrivains et le monde littéraire.
Ainsi, avec des actions concrètes, le Sénégal pourrait pleinement faire rayonner ses jeunes écrivains sur la scène internationale, leur offrant enfin la reconnaissance et les moyens nécessaires pour enrichir et transmettre la richesse culturelle du pays. Ne pas agir, c’est risquer de priver la nation d’une nouvelle génération de voix vibrantes et essentielles.

Mouhamadou Gueye, étudiant en science juridique, écrivain
Sénégal, Dakar
19 septembre 2024