
Note de lecture : L’Encre des étoiles d’OUSMANE TALL
Les éditions al Fârûq
Et si on écoutait enfin ceux qui murmurent dans l’ombre ?
Il y a des poètes dont la voix ne cherche ni projecteur ni tonnerre d’applaudissements. Ils murmurent dans l’ombre, mais leur silence est tonitruant. Ousmane Tall est de ceux-là. Timide, discret, presque effacé, il laisse sa poésie parler à sa place. Et quelle parole ! Dans L’Encre des étoiles, couronné du prestigieux Prix Ibrahima Sall de poésie, l’auteur offre un recueil incandescent, un cri cosmique lancé depuis les ténèbres vers les hauteurs stellaires.
Chaque poème semble naître d’un combat intérieur, entre le spleen et la lumière, l’absurde et le sens, le cri et le murmure. Dans un style à la fois lyrique et méditatif, empreint d’un désespoir philosophique, Ousmane Tall s’aventure dans les méandres du temps (Tempus), de l’exil (Nowhere), de l’abandon (La falaise), ou encore de la mémoire amoureuse (Je t’haine, Last time, Oubli).
Mais ce qui frappe dès les premières pages, c’est la maîtrise formelle de l’auteur. La rime y est omniprésente, non comme un ornement, mais comme un socle, une architecture solide sur laquelle repose toute la puissance du verbe. Qu’elle soit plate, croisée ou embrassée, la rime est chez lui fluide, naturelle, jamais forcée — une preuve éclatante de son exigence poétique et de son oreille musicale. Rares sont les jeunes poètes qui osent encore la rigueur de la forme sans sacrifier la sincérité du fond. Ousmane Tall en fait partie.
Le recueil déborde d’images fortes, de références culturelles contemporaines — de Kaneki à Gaara, d’Itachi à Baudelaire — et d’une sincérité à fleur de peau. Ce jeune poète ose dire l’angoisse d’être, la douleur d’aimer, l’enfance bafouée (Talibé), la société qui abandonne les siens (Foyer misérable), le féminicide social (Bled), la solitude du différent (Madness, Le malheureux).
Mais derrière cette noirceur, une luciole persiste. La luciole, justement, revient dans l’un des plus beaux poèmes du recueil, comme métaphore de la poésie elle-même : fragile, lumineuse, en lutte contre l’obscurité. C’est peut-être cela, Ousmane Tall : une luciole dans l’obscurité de notre monde, dont la lumière minuscule mais tenace éclaire bien plus qu’elle ne brille.
Un jour, dans une confidence à demi-mot, il m’a soufflé ceci : j’ai participé à ce concours pour montrer ce que je savais faire, pour faire découvrir mon univers, mais surtout pour répondre aux détracteurs de la poésie, à ceux qui prétendent que « la poésie n’existe plus au Sénégal ». Je voulais prouver qu’elle existe, qu’elle vit, qu’elle brûle encore. Et il l’a prouvé. Mais paradoxalement, son recueil, même primé, est passé presque inaperçu. À qui la faute ? À un public désintéressé ? À des institutions qui ne savent pas valoriser leurs lauréats ? À l’organisateur du prix lui-même ?
“La poésie est belle et universelle”, écrit-il dans Les érudits, et il en est la preuve vivante. Avec L’Encre des étoiles, Ousmane Tall ne fait pas qu’écrire : il veille, il résiste, il transcende. Il confirme ce que nous savons déjà : les poètes ne cherchent pas la lumière. Ils sont lumière.
PREITTY WRITER