
Cheikh Aliou Ndao s’impose comme une figure incontournable de la littérature africaine. Tantôt poète, tantôt romancier, nouvelliste ou dramaturge, son œuvre se déploie avec une richesse et une diversité qui témoignent d’un profond engagement culturel et d’une volonté affirmée de valoriser les langues et traditions de son continent. Son corpus, publié tant en français qu’en wolof, reflète la dualité de son identité littéraire et culturelle, oscillant entre modernité et héritage, entre universalisme et spécificités locales.
EN FRANÇAIS
Poésie
La poésie de Cheikh Aliou Ndao ouvre le bal de son œuvre avec une force d’expression singulière.
– Kaïrée (Imprimerie Eymond, Grenoble, 1964) marque une première incursion dans l’univers poétique de l’auteur. Ce recueil, empreint de modernité, explore les thèmes de l’existence, de l’identité et du lien profond entre l’homme et ses racines.
– Mogariennes (Présence Africaine, 1970) consolide cette approche en proposant une réflexion sur la condition humaine et les métamorphoses culturelles au cœur d’un monde en pleine mutation.
Nouvelles
Le genre de la nouvelle permet à Ndao de capturer des instantanés de la vie africaine avec acuité et sensibilité.
– Le Marabout de la sécheresse (NEA, 1979, Dakar) se présente comme une chronique incisive des défis socio-économiques qui jalonnent l’existence quotidienne. À travers des récits courts, l’auteur brosse le portrait d’une société en quête de repères, confrontée aux aléas d’un environnement hostile et aux dérives de certaines pratiques traditionnelles.
Romans
Le roman, pour Cheikh Aliou Ndao, est un espace d’exploration des tensions et contradictions de la modernité africaine.
– Buur Tilleen, le roi de la Médina (Présence Africaine, 1972-1988) s’inscrit dans une dynamique d’évolution narrative, oscillant entre la tradition et la modernité, et interrogeant la place de l’individu dans un monde en transformation.
– Excellence vos épouses (NEA, 1983, Dakar) aborde des thèmes sociaux et familiaux avec une ironie mordante, dénonçant les dérives d’un système parfois oppressif.
– Un bouquet d’épines pour elle (Présence Africaine, 1988) poursuit cette quête en mêlant émotions intenses et réflexions sur le destin féminin au sein d’une société en pleine mutation.
Théâtres
Le théâtre de Cheik Aliou Ndao, quant à lui, se distingue par sa dimension à la fois esthétique et engagée, faisant de la scène un véritable lieu de contestation et de prise de conscience.
– L’Exil d’Albouri, couronné par le 1er Prix du festival Pan-africain d’Alger, suivi de La Décision (P.J. OSWALD, 1967), pose les jalons d’un théâtre aux accents subversifs et résolument modernes.
– Le fils de l’Almamy, suivi de La Case de l’homme (1973, P.J. OSWALD), offre une méditation sur l’héritage et le pouvoir, mettant en scène des conflits d’identité et de générations.
– L’île de Bahila (Présence Africaine, 1975) et Du Sang pour un trône (L’Harmattan, 1983) achèvent ce panorama théâtral en interrogeant les rapports entre tradition, pouvoir et modernité, et en confrontant les destinées individuelles aux grandes forces historiques.
EN WOLOF
La richesse de l’œuvre de Cheik Aliou Ndao se manifeste également à travers sa production en wolof, langue maternelle et vecteur primordial de sa culture. Cette écriture autochtone permet à l’auteur d’aborder ses thématiques avec une authenticité et une immédiateté particulières.
Woy (Poésie)
– Lolli – Taataan (éditions de l’IFAN, 1990) et Bàkku Xaalis (éditions de l’IFAN) offrent une poésie qui puise dans le vécu et les rythmes de la tradition orale. Ces œuvres mettent en lumière la musicalité intrinsèque du wolof, tout en abordant des questionnements existentiels et sociétaux profonds.
Nettali (Roman)
– Buur Tilleen (Présence Africaine) en version wolof, Mbaam aakimoo (OSAD, 2009) et Signali (OSAD, 2013) constituent une trilogie romanesque qui revisite des thèmes chers à l’auteur, tels que l’héritage, l’exil et la quête d’identité. En renouant avec sa langue d’origine, Cheik Aliou Ndao enrichit son propos d’une dimension culturelle indissociable du contexte africain.
Mayé (Nouvelle)
– Jigéen faayda (1997) s’inscrit dans la tradition de la nouvelle, offrant un éclairage incisif sur la condition féminine et les dynamiques sociales en Afrique. Cette œuvre, à la fois brève et percutante, témoigne de la capacité de l’auteur à distiller des vérités puissantes en quelques pages.
Kilib (Théâtre)
– Guy Njulli (OSAD, 2003) et Dige Géej (OSAD, 2019) illustrent la vitalité du théâtre en wolof, où la scène devient le théâtre des passions et des luttes quotidiennes. À travers ces pièces, Cheik Aliou Ndao explore les méandres des rapports humains, tout en offrant une critique sociale acérée, invitant le public à une réflexion sur les défis contemporains.
La bibliographie de Cheik Aliou Ndao, tant en français qu’en wolof, est le reflet d’un parcours littéraire d’une rare densité. Par son écriture, l’auteur transcende les frontières linguistiques et culturelles pour offrir des œuvres qui interrogent les enjeux sociaux, politiques et identitaires de notre temps. Chaque genre – de la poésie aux romans, en passant par les nouvelles et le théâtre – constitue une facette de son engagement intellectuel et artistique. Bien que la liste présentée ici ne soit pas exhaustive, elle offre un panorama significatif d’une œuvre plurielle qui continue d’inspirer et de susciter la réflexion.
Babacar Korjo Ndiaye