
Le Salon International du Livre de Thiès (SILT) 2025 s’enrichit cette année de la présence inspirante de son parrain, le Professeur Ibrahima Thioub. Né le 18 juin 1955 à Malicounda, cet historien et universitaire sénégalais s’est imposé comme une figure majeure de la recherche sur l’esclavage et les mémoires en Afrique. Son engagement intellectuel, sa rigueur scientifique et sa capacité à revisiter avec audace les récits historiques traditionnels font de lui un ambassadeur idéal pour un événement qui célèbre la littérature, la mémoire et le dialogue culturel sur le continent.
Ibrahima Thioub a consacré sa vie à l’étude de l’histoire africaine, en particulier celle de l’esclavage et de la traite. En tant que professeur d’histoire à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar depuis 1990, il a transmis sa passion et sa connaissance à plusieurs générations d’étudiants. Sa carrière universitaire est marquée par une profonde volonté de comprendre et de réinterpréter les événements qui ont façonné l’Afrique, tout en mettant en lumière les dimensions humaines, sociales et juridiques des phénomènes historiques.
La notoriété d’Ibrahima Thioub ne se limite pas aux frontières du Sénégal. Membre associé de l’Institut d’Études Avancées (IEA) de Nantes, il a été invité dans de nombreuses institutions prestigieuses à travers le monde. Parmi ses expériences internationales, on peut citer ses passages à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) en France, ainsi que ses interventions dans plusieurs universités aux États-Unis, en Europe, en Asie (Népal, Inde, Sri Lanka) et dans divers pays africains tels que la Gambie, la Sierra Leone ou l’Afrique du Sud. Son séjour de chercheur-résident au Wissenschaftskolleg zu Berlin en 2008-2009 et l’honneur qui lui a été fait par l’Université de Nantes, qui l’a nommé Docteur honoris causa en mars 2012, témoignent de la reconnaissance internationale de ses travaux et de son apport inestimable à la recherche historique.
Au fil des années, le Professeur Thioub s’est spécialisé dans l’étude de l’esclavage et des traites en Afrique, un domaine essentiel pour comprendre la construction des sociétés africaines contemporaines. Fondateur et directeur du Centre Africain de Recherches sur les Traites et l’Esclavage (CARTE) à Dakar, il a mis en place un espace de réflexion et de recherche qui permet de revisiter les mémoires collectives et de confronter les récits historiques aux réalités actuelles. Ses travaux, notamment la publication « Stigmates et mémoires de l’esclavage en Afrique de l’ouest », apportent une lecture nuancée des usages économiques, sociaux et juridiques des esclaves, révélant comment la couleur de peau et le sang sont devenus, dans l’imaginaire collectif, des symboles de fracture et de mémoire.
Ce qui distingue Ibrahima Thioub, c’est sa capacité à poser un regard critique sur les lectures traditionnelles de l’esclavage et de la traite atlantique. En déconstruisant les récits souvent figés dans l’histoire coloniale, il met en avant la complexité des rapports sociaux et la dynamique des mutations urbaines et environnementales. Son approche interdisciplinaire permet d’examiner, au-delà des simples statistiques économiques, les répercussions de l’esclavage sur les structures sociales et les rapports juridiques dans les espaces privés et publics. Cette démarche novatrice a contribué à enrichir le débat académique et à repenser la manière dont l’histoire de l’Afrique est écrite et comprise.
L’un des projets de recherche majeurs du Professeur Thioub porte sur les « Identités chromatiques en Afrique ». Ce projet vise à retracer l’histoire de la réappropriation de l’identité chromatique en Afrique et à analyser comment cette dernière a été mobilisée dans divers jeux de pouvoir contemporains. En s’intéressant à la généalogie intellectuelle des principaux courants – qu’il s’agisse des écrits panafricanistes de figures telles que Marcus Garvey, des réflexions de Firmin ou de Dubois, ou encore des apports de la Négritude – Ibrahima Thioub cherche à comprendre comment les catégories associées aux différences somatiques ont influencé la construction identitaire et mémorielle des sociétés africaines.
Cette recherche permet de mettre en lumière les liens complexes entre apparence physique, construction sociale et pouvoir, et d’explorer l’impact de ces dynamiques sur l’écriture de l’histoire en sciences sociales. En étudiant les trajectoires politiques et intellectuelles des théoriciens anticoloniaux, il offre une lecture renouvelée des héritages culturels et historiques qui continuent de façonner les sociétés africaines aujourd’hui.
Les travaux d’Ibrahima Thioub vont bien au-delà des simples recherches académiques ; ils sont le reflet d’un engagement profond pour la transmission de la mémoire et la compréhension des enjeux identitaires en Afrique. À travers ses études sur l’esclavage, il interroge les stigmates du passé et leur influence sur les sociétés contemporaines. Son analyse critique permet de déconstruire les mythes et de proposer des récits qui honorent la complexité des expériences humaines, tout en favorisant une prise de conscience des défis actuels liés aux inégalités et aux discriminations.
En participant activement à des panels, en présidant notamment le jury du court métrage à la sixième édition du Festival international du film sur la migration, il démontre également son intérêt pour l’art sous toutes ses formes et sa capacité à promouvoir des expressions culturelles variées comme vecteurs de réflexion et de changement.