
chers amis
je vous invite à découvrir quelques extraits de mon essai sociopolitique actuellement dans le circuit d’édition
(Ou quand des pratiques politiques manipulatrices servent de caution à la bonne gouvernance en trompe-l’œil)
Introduction
Dans une de ses acceptions, la politique est définie comme étant le gouvernement de la cité . Aussi fait-elle appel à une pratique et à une gestion d’un pouvoir légitime découlant de valeurs et principes reconnus par la société . C’est en cela que la politique met en jeu des manières de faire, des méthodes, des modalités d’intervention… qui l’élèvent au rang d’art dans toute la beauté, toute l’élégance qui se rattachent à ce concept pourtant si galvaudé sous nos cieux.
En tant qu’observateur d’une société, très tôt ouverte sur le monde, qui a connu nombre innovations démocratiques depuis quelques siècles, j’ai toujours été surpris par la manière dont les décideurs de mon pays battent en brèche, depuis 1960, date marquant l’accession du Sénégal à la souveraineté nationale et internationale, l’idée noble que l’on pourrait avoir de la politique, à tel point qu’elle est assimilée, de nos jours, par chaque Sénégalais, au mensonge, au reniement et à la trahison .
Il est étonnant que les leaders politiques de ce pays francophone, réputé pour son sens du dialogue, qui se montrent d’une rare lucidité lorsqu’ils sont dans l’Opposition ou au niveau des fora internationaux, trouvent toujours le moyen de justifier des choix contraires aussitôt qu’ils accèdent au Pouvoir ou dès qu’ils s’allient avec ses détenteurs.
Dans ce pays qui m’a vu naître, les modalités d’accession au Pouvoir (système électoral) ou de gestion (réglementation) du Pouvoir, la manière dont on considère l’Opposition et les formes d’opposition (débats, grèves, marches, casses…) et tant d’autres choses évoluent, selon les stations qu’occupent les hommes incarnant la chose politique.
En tant que citoyen ayant vu le jour l’année où Fougeyrollas s’inquiétait pour mon pays, le Sénégal, mon intérêt sans doute prédestiné par rapport aux modes d’action de nos dirigeants et aux motivations qui sous-tendent leurs décisions, que je ne saurais juger de cohérentes en dépit de toute la bonne volonté qui est la mienne, m’a conduit à rédiger, en 2005, cet essai. Un écrit, complété au fil des années Wade, confié, auparavant à certaines personnalités pour publication, avant d’être complété à la fin du régime Sall.
A l’image de mes compatriotes, je me suis toujours demandé si la rationalité constitue un compagnon fidèle des hommes politiques de mon pays tellement cette engeance semble peu attachée à l’Etat de droit . Cette question est encore restée vivace après le passage de Wade au pouvoir tant ce dernier a marqué le Sénégal par sa restriction de la définition de la politique à l’art de la tromperie élevé à un niveau rarement égalé. Ce fait, à lui seul, eu égard à l’orthodoxie socialiste, fait de cet opposant devenu Président un homme de rupture qui semble avoir inspiré la plupart de ses contemporains.
Plus que tous les autres dirigeants qui l’ont précédé, le Vieux a fait ressortir, à travers ses actions, combien les énoncés et les résultats de politique sont peu congruents à l’idée que l’on devrait se faire de cette noble activité. Faut-il le rappeler, selon l’usage courant, celle-ci s’assimile à une pratique devant réguler la gestion d’un pays, d’une cité, d’un espace accueillant des hommes ayant un commun vouloir de vivre ensemble.
Pour sortir de l’environnement global de cet essai et déflorer très délicatement les blanches pages noircies par cette analyse d’un homme qui s’est depuis fort longtemps réfugié dans un silence réflexif , soulignons que, depuis son indépendance, le Sénégal a connu, en un demi-siècle, cinq chefs d’État dont le dernier en date va bientôt étrenner sa première année de gouvernance, ce qui nous exonère quelque peu de la possibilité de nous étendre sur son magistère.
Tous ont marqué leur temps d’une façon ou d’une autre. Léopold Sedar Senghor, le premier président du Sénégal, était un poète avec tout ce que cela implique de rêverie. Il a cependant laissé l’image d’un homme qui savait tenir le pays sous une férule paternaliste mais ferme pour ne pas dire absolutiste. D’une intelligence redoutable, ce despote éclairé, qui fait partie d’une double minorité, communautaire et confessionnelle, a su laisser au Sénégal ce qu’il a de plus précieux, l’Etat nation, une réalité à consolider. Inlassablement !
Abdou Diouf, son successeur, est un homme fin qui sait cacher son jeu. Grand champion du jeu de dames, ce manager habile qui sait donner au temps le temps a su, comme son maître, compter parmi les personnalités les plus appréciées au monde. Toutes choses égales par ailleurs, ces deux Socialistes ont cependant été des présidents gestionnaires avec Diouf, un homme de dialogue, solide comme un chêne mais aussi souple qu’un roseau, qui a eu foi en la démocratie et en la bonne gouvernance dont il fut le précurseur au Sénégal.
Quant au troisième président du Sénégal, Abdoulaye Wade, il est connu pour ne guère s’embarrasser de faux-fuyants. Wade dit les choses comme il veut, dans une insouciance totale. C’est en cela qu’il occupe une place importante dans cet essai où il est à la fois sujet et objet, tout comme ses compatriotes. L’homme, le troisième sur les cinq, situé, au plan chronologique, au milieu de ses pairs, a su durablement imprimer sa marque sur les Sénégalais mais aussi sur son environnement tant il a poussé la désinvolture à des sommets jusque-là inconnus. En effet, ne l’a-t-on pas vu donner des leçons de démocratie à ses pairs ou, mieux encore, renvoyer ces mêmes gens, comme de vulgaires élèves, à ses écrits ?
Ce maitre de l’imposture ou de l’illusion démocratique ne fait que renverser les rôles puisque lui-même subit le poids de la génuflexion à chaque fois que le temporel qu’il incarne rend visite au spirituel. Cette position désavantageuse, il la partage, avec beaucoup de bonheur, avec bon nombre d’intellectuels sénégalais dont l’aplatissement devient une seconde nature et un peuple aux abois qui perd ses repères.
La faute aux Socialistes ! accuse-t-il facilement sans mesurer le fait que ses propos peuvent fouetter l’ardeur de ceux d’entre ses partisans qui sont loin de penser que le pouvoir n’est pas une sinécure, mais un véritable sacerdoce . Ceux-ci ont, comme de bien entendu, appris de leurs prédécesseurs et font douter le peuple qui a choisi entre le moins bon et le pire . Il faut dire que, pour avoir duré dans l’opposition, Wade et ses Libéraux connaissent bien le Sénégal et les Sénégalais.
C’est sans doute pourquoi aussi machiavélique qu’il fut, son successeur Macky Sall a su le dépasser dans ses calculs politiques. Que dis-je, en tout ! Que cela soit sur la volonté d’associer son nom à l’histoire du Sénégal, sur la gestion choquante des affaires et des hommes, sur la manière de considérer l’Administration et les procédures sécurisant l’Etat, sur la façon dont il a su hisser le plus hideux politicien sur les frêles épaules des serviteurs de l’Etat décrédibilisés, sur le choix de construire et s’appuyer sur de faux référents afin de détourner l’attention des citoyens de l’essentiel, sur le style de gouvernance et, en fin de compte, sur la volonté de rester plus longtemps que nécessaire au Pouvoir.
Alors qu’il avait tout pour réussir, Macky Sall a été à la base d’une gouvernance autoritaire qui explique bien des errements que le pays a connu et à l’origine d’une opposition calibrée à ses agissements, ce qui éclaire, en partie, les conditions dans lesquelles la nouvelle alternance est survenue avec un duo fait d’un homme, Ousmane Sonko, qui, en raison de ses excès, a été obligé de céder la place à son second, Bassirou Diomaye Faye, un homme plus posé, devenu le 5e Président de la République du Sénégal.
Après avoir essayé de dribler tout le monde jusqu’à s’emmêler les pinceaux, Sall, dont l’intention était tout autre, a été rattrapé par le destin immuable. Oubliant sa posture d’homme d’Etat, le politicien Sall a transmis le Pouvoir à ses pires adversaires avec lesquels il essayé de recoller les morceaux d’une relation forgée sur le néant, un compagnonnage qui n’a jamais existé. La réconciliation, bâtie sur du faux, a donné naissance à un duo inversé dont il faut souhaiter, pour le bien du pays, qu’il sache évoluer en tandem harmonieux, à l’heure où les Libéraux, affairistes en diable, ont saccagé l’âme et les ressources du pays dont les moindres ne sont pas nos valeurs de société.
La gouvernance Diomaye Faye, si elle résiste à la tentation d’embrayer sur la violente manière avec laquelle le PASTEF s’est opposée, s’éloigne du fait partisan et écoute le bras séculier de l’Etat que constitue l’Administration, pourrait valoir au pays beaucoup de satisfaction dans un contexte où le Sénégal est devenu riche en hydrocarbures. Les Patriotes, dont le leitmotiv est la révolution, doivent se garder de s’embourgeoiser en appliquant juste ce qu’ils promettaient et en s’éloignant de ce qu’ils dénonçaient. Et surtout ne pas céder au confortable césarisme démocratique, tentant pour tout gouvernant aux partisans trop passionnés qui n’aime le mot rupture qu’en ce qu’il s’applique aux autres. Le pourront-ils ! that is the question !
En vérité, il y a tout lieu de craindre que ce beau pays qu’est le Sénégal n’ait confié son destin, en 2024, à des bourgeois grimés en révolutionnaires. L’on sait, pourtant, comme le rappelle le Général Niang , l’un des plus illustres fils du Sénégal, qu’un loup dans une bergerie est un danger mortel pour le troupeau.
Dans tous les cas, le bon fumet présage de la bonne cuisson, dit une sagesse populaire sénégalaise. Même s’il est trop tôt pour juger une situation qui vient à peine de débuter, l’on peut dire que ça ne sent pas trop la rose. L’unanimité n’existe pas mais, pour faire comme Oumar Boun Khatab (R.A) ou son petit-fils Oumar Boun Abdoul Aziz , point n’est besoin de tergiverser ou de verser dans une verbeuse volubilité avec les politiciens de chez nous qui n’aiment rien de moins que surfer sur la crédulité des citoyens.
Dans ce pays de cocagne où les actions poursuivent les paroles sans jamais les rattraper, la confiance est la chose la moins partagée puisque les contre-valeurs ont le vent en poupe. Les hommes politiques, dont le degré d’innocuité est à nul autre pareil, changent de vérité comme on change de chaussettes. Ce qui plonge le Sénégalais moyen, qui attendait trop des promesses de changement de la première alternance démocratique intervenue le 19 mars 2000, dans une pathologie dont il ne sortira que grâce à une salvatrice catharsis consistant en une rupture avec nos démons antérieurs qui ont nom diabolisation de leurs prédécesseurs, ignorance du principe de continuité de l’Etat et revirements démocratiques.
Les hordes socialistes ont déserté le navire Sénégal honnies des leurs ; les Bleus nous les ont rendues de loin plus beaux qu’elles n’étaient du fait d’une incapacité à les surpasser qui, si on n’y prend garde, risque de devenir létale pour les Sénégalais.
En effet, à l’orée du premier quart de siècle du troisième millénaire, nous voici encore en ce monde, espérant, pour la troisième alternance de 2024, qu’en dépit de débuts désenchanteurs, elle infirmera les propos de Thucydide selon lesquels l’histoire est un éternel recommencement. Que dire d’autre quand on voit, après le cycle Wade et Sall, PASTEF mettre ses pas dans les leurs ! Pourtant, il est notoirement admis que les alternances de 2000 et 2012 ont permis aux Libéraux d’établir irréfutablement qu’ils excellent dans la politique du pire eux qui se sont adjoint une élite affairiste, non démocratique et peu tolérante !
Gouvernail avarié, voilà le navire en détresse : c’est le Sénégal en déshérence qui affronte ses propres contradictions en cette aube d’une nouvelle alternance intervenue en 2024. La renaissance est possible mais encore faudra-t-il que les cendres ne se dispersent point. On doit bien cela au phénix Sénégal. À moins qu’on ne se résigne à admettre que les Sénégalais n’ont que la démocratie qu’ils méritent, pour parler comme Saves !
Tel est brièvement résumé le produit de ces tranches de vie volées aux politichiens de mon pays que je me suis efforcé, par intérêt, engagement citoyen et curiosité scientifique à la fois, de graver sur cette œuvre tel un peintre armé de son pinceau restituant l’image qu’il observe.
Pour être honnête, j’ajouterais que cet essai traduit surtout une manière de voir. La mienne et celle de beaucoup de gens qui, comme moi, s’appuient sur une lecture à rebrousse-poil d’une réalité politique hideuse qui déborde sur la tranquillité des uns et des autres, renforçant la conviction de ceux qui pensent qu’une politique sans vertu est une politique sans gloire, vouée à l’échec.
Pour autant, cette narration, qui s’appuie sur l’historique, l’évènementiel et l’analytique pour documenter un vécu d’acteurs politiques qui agissent sur nos petites vies, ne se veut point un prétexte à des polémiques inutiles. Je cultive mon jardin .
Que ceux qui s’identifient en bien ou en mal à tel ou tel autre passage de cet essai cultivent eux aussi simplement le leur, tel qu’il se doit en régime de démocratie ! C’est le seul mal qu’on leur souhaite. Pour le reste, le temps sera le seul juge des faits.
Oumar El Foutiyou BA
ps : je reviendrais d’ici quelques jours sur l’analyse du rapport sur la Covid retracé dans cet ouvrage