
Dans Les Fumées de la Folie, publié en 2014 aux éditions L’Harmattan Sénégal, Boubacar Ndiaye plonge le lecteur dans un univers troublant, celui d’un jeune homme déchiré entre deux identités opposées : celle d’un citoyen modèle et celle d’un consommateur de drogue. À travers une narration originale et introspective, ce roman interroge les dangers de l’addiction, les conséquences du silence familial et les tourments d’une jeunesse en quête de repères.
Le narrateur, dont on ne connaît pas le nom, raconte son expérience du dédoublement. Il se voit simultanément dans deux situations contraires : d’un côté, il est un jeune homme bien éduqué, issu d’une famille nombreuse et respectueuse des valeurs sociales ; de l’autre, il est un fumeur de cannabis, pris dans un cercle d’amis qui partagent cette habitude.
Ce phénomène étrange devient pour lui un cauchemar éveillé. Il est à la fois acteur et spectateur de sa propre descente aux enfers, conscient du danger mais incapable de s’en détacher. Ce procédé narratif original donne au roman une dimension psychologique forte, où la frontière entre la réalité et l’illusion devient floue.
Une grande partie du roman se déroule dans une chambre, un lieu qui devient le symbole de la perte de contrôle. L’auteur décrit avec beaucoup de précision cet espace clos, rempli de fumée et de confusion, où le narrateur et ses amis Aziz et Demba Diop se laissent aller à leurs illusions.
Le narrateur sait que la drogue est un piège, mais il se persuade qu’il peut arrêter quand il le voudra. Pourtant, plus il avance dans son récit, plus il prend conscience que la dépendance ne se contrôle pas aussi facilement. Il se retrouve prisonnier d’une spirale, incapable de savoir s’il est encore maître de ses choix.
Au-delà du récit personnel, Les Fumées de la Folie pose une question essentielle : pourquoi les jeunes se tournent-ils vers la drogue ? L’auteur met en lumière le rôle de l’éducation et de la famille dans la prévention de ces dérives.
Le narrateur souligne que la drogue est souvent un sujet tabou dans les foyers sénégalais. Ce silence, au lieu de protéger, pousse beaucoup de jeunes à expérimenter sans mesurer les conséquences. Le roman dénonce aussi l’indifférence de la société face à ces réalités, où la consommation de drogues devient un phénomène courant, sans véritable solution pour ceux qui veulent s’en sortir.
À travers son histoire, le narrateur lance un avertissement. Il veut prévenir les autres du danger de cette « herbe qui tue l’âme ». Il sait qu’il est en train de sombrer, mais espère encore trouver une issue.
Son témoignage est un cri d’alerte, une invitation à réfléchir sur les choix que nous faisons et les influences qui nous entourent. Son combat intérieur, entre lucidité et illusion, fait de Les Fumées de la Folie un roman fort et poignant, qui rappelle que la dépendance est un piège dont il est difficile de s’échapper.
Boubacar Ndiaye signe alors un roman marquant, à la fois réaliste et introspectif, qui pousse à la réflexion sur la jeunesse, la drogue et les responsabilités collectives.