Baye Waly fit une entrée triomphale à Ndar, au milieu des cris et des vivats de la population au premier rang de laquelle, nous les militants de And Jafandu. Les gens s’égosillaient à qui mieux mieux pour se faire entendre du leader, se bousculaient pour le voir de plus près et, pour les plus chanceux, lui serrer la main ou tout simplement effleurer un pan de son magnifique grand boubou immaculé qui froufroutait sous la caresse du vent tiède de cet après-midi du mois de janvier. En plus d’être un grand leader politique, un grand homme tout court, Baye Waly est aussi un vrai dandy dont la prestance n’est pas sans rappeler celle des ndanaan des temps anciens ! Avec tout cela, il est d’une ponctualité exemplaire, qualité aussi rare que le diamant chez nos « poloticiens » qui n’aiment rien autant que faire poireauter leurs malheureux militants sous le chaud soleil ou même sous une pluie battante. Un dicton des toubabs le dit bien : « la ponctualité est la politesse des rois »
Évidemment, n’est pas roi qui veut et la noblesse ne se trouve pas dans le portefeuille mais bien dans le caractère ! Sagement assise dans la luxueuse0 limousine décapotable de son mari, madame Baye Waly souriait de toutes ses dents d’une éclatante blancheur et un charme irrésistible se dégageait de toute sa personne. De temps en temps, d’un geste gracieux de la main, elle adressait des bisous à la foule chaleureuse qui les accueillait en grandes pompes, elle et l’homme de sa vie.
Ma chère sœur, le meeting de ce mois de janvier fut in véritable régal au cours duquel Baye Waly nous enchanta en faisant miroiter à nos yeux un avenir, radieux, un avenir plein de promesses, un avenir dont les prémices nous emplissaient le cœur d’espoir. Il renforça notre envie de nous engager avec encore plus de conviction dans And Jafandu, notre parti, le parti de la vérité et de la sincérité, où les paroles ne sont pas que paroles et finissent un jour ou l’autre par se transformer en actes, par devenir des réalités. N’eût été ce malheureux incident dont je te relaterai les détails et qui, de l’avis unanime était un coup monté de toutes pièces par nos adversaires politiques pour gâcher cette grande fête populaire, notre meeting eût sas aucun doute été le plus réussi, le plus brillant de toute la campagne électorale. Mais ce qui était parti pour être une apothéose devait malheureusement se transformer en un véritable cauchemar !
Oui ma sœur, ce meeting que la branche locale de And Jafandu avait préparé si longtemps et avec tant de ferveur, ce meeting qui aurait pu, qui aurait dû être une réussite parfaite sur tous les plans a au contraire été un parfait fiasco. Hélas, nous avions oublié la haine, la haine et la jalousie de nos ennemis tapis dans l’ombre et qui, sans le moindre scrupule, n’ont pas hésité à verser du sable dans notre couscous ! Maudits soient-ils !…
Ces sinistres individus sont capables de tout et n’hésitent pas à faire appel aux plus dangereux féticheurs, adeptes de la magie noire, qui concoctent pour eux de redoutables xërëm afin de neutraliser leurs adversaires politiques. Bien évidemment, jamais Baye Waly ne se rabaisserait à de telles pratiques, tout à fait contraires à la loi divine, mais que veux-tu, les autres ne lui ressemblent pas. Il est trop au dessus d’eux et il ressemble à un lion assiégé par une meute de chacals. Un militant de notre parti disait un jour « Baay Waaly dafa mèl ni ndox muy walangaan te kune mën see naan » et si je n’avais pas la crainte de Dieu, j’aurais ajouté « Baay Waaly,walliu la ! » ; mais il ne faut tout de même pas pousser le bouchon trop loin comme le bouillant Djibril Watt par exemple, qui a proposé d’ériger une statue géante de Baye Waly, aussi haute que le monument de la renaissance, à la place de l’indépendance en plein cœur de la capitale !
Évidemment, modeste comme il l’est, notre leader n’a pas accepté, préférant se contenter des noms de rues qui lui ont été données dans toutes les grandes villes du pays En vérité ma sœur, l’histoire de Baye Waly, c’est avant tout celle de la rencontre d’un homme avec son peuple, celle de leur relation fusionnelle, indéfectible, qui ne peut se comprendre qu’en remontant aux lointaines origines de l’un et de l’autre. Baye Waly nous ressemble et nous lui ressemblons. Nous ne pouvons que souhaiter qu’il continue, même à distance, à nous guider sur la bonne voie, la voie du yoonu kooluute. Il va partir en nous laissant d’innombrables bienfaits, non seulement sur le plan matériel mais également sur le plan des valeurs morales et spirituelles. Grâce à lui, la justice et la sécurité ont été renforcées. Nos braves policiers et gendarmes sont désormais bien équipés, armés jusqu’aux dents (il le faut bien) et les bandits, les terroristes qui semaient le désordre et s’attaquaient aux bien d’autrui sont maintenant tous en prison. Plus aucun trouble-fête n’ose broncher ! Niaw ! Upp baaxna si laax wu tang !
À présent la paix règne partout, les gens mangent à leur faim, il y des routes goudronnées partout, de l’eau et de l’électricité même dans les coins les plus reculés. Les élèves et les étudiants poursuivent leurs études tranquillement et les malades peuvent se soigner dans des hôpitaux de dernière génération. Tout cela grâce à qui?…La réponse coule de source et je devine à qui tu penses, celui dont tes lèvres murmurent le nom. Et tu as bien raison ma sœur, Baye Waly est un don du ciel à ce pays ! On ne le dira jamais assez : notre leader bien aimé est un grand homme qui porte Sunugaal au plus profond de son cœur. C’est un bâtisseur, un visionnaire dont le génie dépasse l’entendement du commun des mortels !
Il aurait pu rester là où il était s’il l’avait voulu, mais il a préféré s’effacer et céder la place à un autre. Quelle noblesse ! Quelle grandeur d’âme ! Ce geste grandiose survivra au temps et restera à jamais gravé dans l’histoire de notre pays. En ce mois de janvier, début de la nouvelle année, nous lui souhaitons longue vie et succès dans sa future mission de pèlerin de la paix dans le monde. Avec le recul, il verra de ses propres yeux les fruits de l’œuvre gigantesque qu’il a accomplie en si peu de temps. Il aurait pu faire encore beaucoup mieux, mais yalla baaxna, nous avons confiance en celui dans les mains duquel il nous laisse, Baba Gallé, l’homme serein, qui saura à coup sûr faire fructifier le fabuleux héritage de notre leader. Quoiqu’il en soit, Baye Waly va nous manquer et chaque fois que je pense à son départ maintenant si proche, les larmes me viennent aux yeux. Mais ainsi va la vie, et rien n’est éternel ici-bas. L’essentiel est de bien accomplir sa mission comme lui-même a su le faire. Pour en revenir à nos moutons, ou plutôt, à notre meeting, je disais donc qu’il avait commencé sur les chapeaux de roue et qu’il promettait d’être exceptionnel.
En effet, après l’hymne de And Jafandu exécuté par la chorale des jeunes du parti et repris par la foule qui chantait faux, certes, mais y mettait tout son cœur, Seydou Fofana, le responsable local et porte parole du parti au niveau national, avait pris le micro pour annoncer que le meeting allait bientôt commencer. Majestueusement assis à côté de sa douce moitié, Baye Waly affichait cet air serein que certains prennent, à tort, pour de la sévérité et attendait calmement que la fête commence. ( à suivre…)