Chapitre 1 : Bagou, un cadre de vie Page 9
Dès l’incipit du roman, le narrateur parle de cadre de vie, de l’habitat de ses personnages. On parle alors d’éco littérature. Il faut dire que le centre principal de la littérature de ce siècle, ce sont essentiellement des préoccupations du bien-être de l’homme dans une biosphère en bonne santé, ce que justement j’appelle Humanitude : l’être humain épanoui dans une biosphère en bonne santé.
Dans ce premier chapitre on remarque surtout la solitude du personnage principal Loulou, qui a grandi orphelin, et une insatisfaction comme qui dirait morale, sociale de son environnement proche ; en plus de cela, il y a un vide dans son cœur malgré même qu’il soit cadre très tôt.
Le voilà sitôt en idylle avec Zeyna, les voilà sitôt en rupture pour encore confirmer le vide dans le cœur de Loulou.

Chapitre 2 : un amour Page 18
Ici encore se prolonge le champ lexical de la solitude caractérisée par Loulou. Mais on remarque notamment une peinture de Mister Dolls, haut fonctionnaire en retraite reconverti en homme d’affaires et ex copain de Zena. Le narrateur précise que Dolls est un diminutif de Dollar, autrement dit, Mister Dolls est un distributeur de Dollars…
Il faut dire que l’histoire de ce milliardaire continue encore de heurter douloureusement la conscience de Loulou.

Chapitre 3 : entre rêve et réalité
Dans cette partie on remarque surtout le narrateur qui décrit la misère d’une classe sociale défavorisée, pauvre, analphabète, mendiant etc.
Loulou jette un regard pointu sur l’urbanisation de sa cité, sur le cadre de vie des populations de sa ville. Et ces regards sont en quelque sorte des brèches qui vont enflammer les ambitions politiques de Loulou.

Chapitre 4 : impossible deuil sentimental
Dans cette partie on voit que Loulou, fortement courtisé par les politiques, préfère garder ses distances, sans doute pour une insatisfaction intérieure… cependant, il a fait ses humanités politiques depuis le lycée dans un parti clandestin, donc clandestinement la politique.
On observe ici que la transhumance, en dépit des idéologies, demeure le sport favori des politiques afin de se maintenir au pouvoir, de marquer leur constance dans l’appareil d’Etat, tous les jeux sont permis au nom de l’opportunisme. En effet le narrateur le dit habilement : la politique est le moyen le plus facile d’accaparement de richesses.

Chapitre 5 : Ambitions et tentations Page 47
Manager hors-pair, les compétences de Loulou finissent par convaincre presque tous. Et beaucoup de problèmes sociaux comme celui du transport en commun en milieu urbain avec l’étudiante qui attend le bus plus d’un quart d’heure et des initiatives de développement comme le projet d’approvisionnement du monde rural de Mata sont habilement peints dans cette partie.
Il y a aussi la débauche peinte avec des filles de joie en partance pour appâter des touristes Blancs : ce regard est en même temps une critique envers la société et envers le secteur du tourisme.

Chapitre 6 : Waranka, une audace aux atours de séduction
On voit ici que la popularité de Loulou, jeune cadre professionnel, célibataire, gentleman de surcroît, commence à lui poser des problèmes : les défis de sa carrière professionnelle et le vide dans son cœur.
Et voilà le problème central du roman autour duquel toute la narration s’est construite.
En dehors de son travail, la vie de Loulou est rythmée par des femmes dont Zeyna qui n’est plus qu’un passé et War, une étudiante qui incarne la femme intellectuelle moderne avec une culture générale immense… Elle est aussi une fervente militante du féminisme qui évite les excès, la discrimination positive.

Chapitre 7 : L’amitié une forteresse à vie Page 67
Loulou est un être sociable, malgré son vide intérieur, sa bande d’amis témoigne de sa sociabilité. Mais il faut aussi lire que tous les amis de Loulou sont de hauts cadres. Et justement c’est cette bande d’amis avec qui il va cheminer jusqu’à sa candidature à la magistrature suprême…
Dans la vision de Loulou, laquelle vision inspirée par le regard de War qui continue d’influencer intellectuellement Loulou sur certaines problématiques dont celles du genre, à la page 74, il y a comme qui dirait une réinvention de la lutte des classes de Karl Marx dans la problématique genre : rapports sociaux, politiques et économiques entre hommes et femmes. Et c’est évident avec War que ces relations sont le moteur de l’histoire des sociétés humaines. On note ici une forte influence de l’euphorie des années soixante-dix dans le monde. Ces années constituent le moment phare d’expansion du féminisme. Dans un contexte politique en plein bouleversement qui favorise les métissages entre des espaces militants différents, les féministes portent leur influence de plus en plus loin, notamment en direction des organisations représentatives du mouvement ouvrier, elles-mêmes fortement bousculées par « l’insubordination ouvrière ». Les mouvements féministes instaurent une rupture obligeant les centrales syndicales à se placer sur le terrain, « celui des rapports hommes/femmes et des familles et du lien nécessaire entre travail salarié et travail domestique », ce que l’historienne Jane Jenson appelle un « féminisme syndicaliste ». Le féminisme de War est alors ce qu’on appelle un féminisme syndicaliste, il est propulsé un peu partout dans le monde à partir des années 70.
Et au narrateur de poser la fameuse question de Sigmund Freud : « Qui sont les femmes et qu’est-ce qu’elles veulent ? »
Nietzsche dira : « La femme est une surface qui mine la profondeur. »

Chapitre 8 : Amy, une assistante dévouée
Dans ce chapitre il y a une fraternité et une grande complicité entre Loulou et sa secrétaire de direction Amy. Le narrateur use du subterfuge du calembour, A.M.Y pour ne pas dire A.M.I.E., histoire de ne pas compromettre la peinture faite sur la perfection du style de management de Loulou ; à juste titre, ce manager est ambitieux : sa solitude, son vide et sa grande insatisfaction en témoignent largement.

Chapitre 9 : Un rapport de direction, miroir d’un engagement futur Page 87
On voit clairement ici la vision de Loulou à travers son rapport de direction : insuffisance et absence de coordination et d’harmonisation des structures d’intervention dans le monde rural ; l’introduction de l’alphabétisation des langues nationales dans les enseignements au Centre, etc.
Des critiques sont aussi notées dans ce chapitre avec des agents irresponsables, des détournements d’objectifs, de deniers publics, l’enrichissement illicite, la concussion, la corruption et la trahison, érigées en règles.

Chapitre 10 : le séminaire de Loulou Page 97
De son rapport mentionnant la place prépondérante de l’alphabétisation dans le processus de développement, Loulou convainc son Directeur, John Chris qui introduit ce volet d’alphabétisation dans la formation des Agents du Centre. Loulou assure alors ses séminaires et y rencontre Maître Khoussa Diané ; un coup de foudre naît de cette rencontre.

Chapitre 11 : société et politique autour d’une table P. 113
Cette partie est en vérité une discussion entre Loulou, War et le père de War sur la société et la politique…
Le père de War y évoque surtout la démocratie non plus politique, mais sociale avec la stigmatisation de certains castes jugés inaptes à porter certains projets, surtout dans le monde rural…

Chapitre 12 : Une belle synergie dans la campagne P. 129
Il s’agit surtout dans cette partie pour Loulou de recueillir les doléances de la campagne et d’harmoniser sa stratégie de développement avec ces doléances-là…

Chapitre 13 : Maitre Khoudia Diané, Khoussa P. 139
Maître Khoussa, une avocate célèbre, célèbre célibataire de surcroît, cherche des hommes à appâter, afin de maintenir son niveau de vie super élevé.
A juste titre, Jean Paul Cofsky dit à ce propos : « Une femme qui a un amant est une femme heureuse ; une femme qui en a deux fait preuve de beaucoup de tempérament, mais une femme qui en satisfait trois… c’est du commerce ! »

Chapitre 14 : Plonger dans un lac de bonheur n’est pas sans conséquences P. 147
Dans cette partie, Loulou découvre très rapidement, par le biais de sa bande d’amis et de sa secrétaire de direction le véritable visage masqué de Maître Khoussa, une parfaite brouteuse de revenus, et de ses complices comme pour répéter Jean Cocteau : « L’homme est naturellement masqué. »

Chapitre 15 : Un homme avertit en vaut deux P. 159
Dans cette partie, l’étau se serre sur la personne de Maître Khoussa. Tous les personnages autour de Loulou l’accusent d’être une brouteuse de revenus…

Chapitre 16 : Difficile d’appâter un homme bien entouré P. 169
Loulou est encore bien mis en garde, sa discussion avec War lui rouvre les yeux sur la cupidité sadique de Maître Khoussa Diané.

Chapitre 17 : Engagement politique, instinct à dompter P. 185
Dans cette partie il devient clair que Loulou va être candidat aux prochaines élections présidentielles, encadrés par sa bande d’amis, sa Secrétaire de direction Amy et sans doute War qui exige un respect intellectuel sur des sujets comme la problématique genre et développement…

Chapitre 18 : Opportunisme des femmes, vice ou vertu ?
Cette interrogation du chapitre qui résume le contenu de ce chapitre renvoie à celles d’avant avec Sigmund Freud : « Qu’est-ce que veulent les femmes ? » puis Nietzsche qui dit bien avant Freud : « Ne dépouillez pas la femme de son mystère. » Freud s’est bien rendu compte que sa question est pertinente si elle reste à l’état de question…

Chapitre 19 : Un PDG en vaut un autre P. 201
Ici c’est l’ascension professionnelle de Loulou qui passe de directeur de CFAD à PDG de la Fondation pour le Développement à la Base, poste précédemment occupé par John Chris.

Chapitre 20 : Un symptôme d’attachement, le succès P. 205
Inutile de redire que le succès attire du monde…

Chapitre 21 : Changer l’idéal d’une femme matérialiste
On se demande ici si Loulou veut convaincre Maître Khoussa de changer et de cesser d’être une opportuniste, une brouteuse de revenus… comme pour lui insuffler cette pensée du psychanalyste des profondeurs, Carl Gustav Jung : « les gens pourraient apprendre de leurs erreurs s’ils n’étaient pas si occupés à les nier. »

Chapitre 22 : Un compagnonnage prometteur P. 233
Il s’agit ici d’une collaboration, d’une coalition politique reciproquement gagnante entre Loulou et War…

Chapitre 23 : Une voile de secrets prend la grande voile
Très beau titre fait par le biais d’une métaphore allégorique construite avec deux homographes pour parler de la disparition de la secrétaire de direction de Loulou, Amy, une sœur jumelle et une amie du personnage principal…

Chapitre 24 : Un nouveau cap pour Loulou P. 261
Dans cette partie du livre, Loulou prête serment en tant que candidat d’un mouvement citoyen de base, investi aux prochaines élections présidentielles…

Chapitre 25 : La bande d’amis craque P. 271
Il s’agit ici d’une peur bleue de la bande d’amis de Loulou et de Loulou suite à un malaise de l’un d’eux, en l’occurrence Paul, le Professeur et tête à penser du groupe, sans doute conseiller principal de Loulou pour sa campagne prochaine électorale…

Chapitre 26 : Frappe à la porte de ton cœur, il te dira ce qu’il sait P. 273
Dans ce dernier chapitre, le titre renvoie à William Shakespeare, auteur de cette fameuse citation dans Hamlet.
Ce passage montre en vérité que dans le cœur de Loulou, n’y figure qu’une seule femme, Zeyna ou War…

Schéma narratif du roman Frissons de société
Après cette étude, le devoir critique nous donne le droit de poser un regard critique sur le schéma narratif de cette œuvre.
En vérité, ce roman d’Alassane Mbengue est une narration classique avec les étapes suivantes :

  1. La situation initiale (faite sous forme d’éco littérature) qui occupe presque tout le premier chapitre.
  2. L’élément perturbateur ou déclencheur : Loulou, jeune Ingénieur d’une trentaine d’années, est nommé Directeur Général du CFAD. Paradoxalement, cette nomination de Loulou est le début du problème dans cette œuvre : un jeune Ingénieur devenu manager, riche et célibataire. C’est justement la raison pour laquelle Loulou, hormis sa bande d’amis, est entouré de femmes : Zeyna, War, Khoussa… c’est cela même qui est le prétexte de la thématique de l’amour dans ce roman.
  3. Les péripéties ou rebondissements du problème binaire de ce roman ; le management et l’amour ou l’un dans l’autre ; la bipolarité de ce problème, c’est la réussite du management du personnage principal, Loulou et l’amour de sa vie…
    La bipolarité de ce problème fait que cette histoire est longue avec déjà plus de 280 pages.
    Les rebondissements de l’histoire : D’une part, le style de management de Loulou le conduit à poser un regard plus pointu sur tous les secteurs de la société, de la cité, du politique et de la chose politique, du développement économique du pays et d’autre part la recherche de son amour qui lui fait vivre des aventures différentes avec des femmes différentes.
  4. Après les péripéties, c’est le dénouement de l’histoire ou la résolution du problème : Zeyna, réconciliée avec Loulou, contribue largement au financement de sa campagne électorale.
  5. Enfin la situation finale : Loulou, nouveau PDG avec une marge de manœuvre plus grande dans les décisions pouvant changer le fonctionnement du centre qui en vérité est un institut de formation d’agents de développement, a bien élu la Première dame de son cœur, Zeyna ou War, à la fin du roman.

Enjeux du roman Frissons de société

Ce roman de mœurs a une forte connotation politique et pose le problème du développement économique en général : Quelles voies suivre et quelles solutions de sortie de pauvreté proposer pour le Sénégal et pour l’Afrique ? Il pose également le problème du statut de la femme moderne dans cette société fortement occidentalisée et le poids de cette femme moderne dans le tissu économique du pays.
Concernant la problématique du développement économique, il ressort dans ce roman qu’un pays ne peut se développer sans l’utilisation et la valorisation des langues nationales.
Concernant le statut de la femme, il ressort clairement dans ce roman que pour promouvoir plus d’équité sociale et plus de dynamisme économique, la femme africaine moderne doit incarner l’image de War ; croire en ses potentialités, bien s’instruire, se battre pour son autonomie, ne point dépendre d’un ou des hommes comme Maître Khoussa, et respecter ses alter ego.
Voilà le message fort que Monsieur Alassane Mbengue a enfanté pour son premier livre, le roman Frissons de société.

Fait à Dakar le vendredi 12 juillet 2024 par l’Editeur de la Maison Plumes d’ébène.