Chaque vision du monde ou idéologie utilise des éléments de langage collés à une terminologie qui lui est favorable. Pour vous en convaincre, suivez France 24 ou écoutez RFI. Dans ces deux chaines, ceux qui prennent le pouvoir par les armes sont différemment nommés selon qu’ils garantissent ou non les intérêts de la France. Ainsi, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, on parle des juntes militaires. Au Gabon et en Guinée, il s’agit de gouvernements de transition, tandis qu’au Tchad, c’est un Président démocratiquement élu. Pourtant tous ses pays sont dirigés par des militaires qui ont pris le pouvoir par les armes. Aucune différence de ce point de vue. Si une religieuse (femme d’église) se couvre les cheveux avec un tissu, c’est un foulard. Le même serre-tête porté par une musulmane est appelé voile. L’intention de diabolisation est patente. Au Proche-Orient, quand Israël bombarde les Palestiniens, tue en masse des femmes, des enfants et des vieillards, il s’agit pour les médias d’Etat français de frappes contre le Hamas, une branche armée palestinienne étiquetée « Terroriste ». Donc, chaque fois que l’armée israélienne sévit contre le Peuple martyr de la Palestine, ce ne sont pas des Palestiniens qui meurent, mais des terroristes. Voilà le narratif auquel ils nous ont habitués. Malheureusement, la plupart des journalistes africains reprennent les dépêches tendancieuses rédigées aux fins de manipulation, pour nous les balancer crues. Nous consommons. La manœuvre opère avec succès. De la même manière, par l’utilisation d’éléments de langage, l’Occident, la France la première, nous inocule insidieusement leur vision du monde. Arrêtons-nous sur l’appellation « Première Dame » Dans la vision occidentale, un chef d’Etat ne peut avoir qu’une seule épouse ; First Lady ou Première Dame. Mais le monde évolue. Nous avons maintenant des Présidents de la République polygames (Gambie, Sénégal …) L’Afrique authentique résiste à toutes les velléités d’assujettissement culturel qui s’appuie encore sur des éléments de langage bien travaillés ; Première Dame en fait partie. Nous disons « SOUVERAINETE ». Pour cela, nous devons employer des termes et des concepts qui expriment nos idées, disent nos ressentis et définissent notre conception des choses ainsi que nos choix de vie. Dans cette perspective, comment devons-nous appeler les épouses de nos Présidents polygames ? Première Première Dame et Deuxième Première Dame me semblent des expressions barbares. D’un autre côté, si nous disons en français, Première Dame et Deuxième Dame ou Première épouse et Deuxième épouse, même si cela peut indiquer un classement d’ordre chronologique, ça peut susciter dans le contexte polygamique, quelques ressentiments venant d’un soupçon de favoritisme. Et, dans les deux cas, nous restons dans la culture occidentale (Une épouse légitime et une concubine). Que faire ? Personnellement, je crois que notre solution se trouve hors de la langue française. Une langue s’impose par son expansivité, sa cap acité d’adaptation et sa richesse. Ainsi, elle charrie aisément les éléments de la culture qui l’a produite. Les français l’ont bien compris. Leur école a bien joué son rôle. Elle a fait de nous des aliénés culturels. Mais, puisque, suivant Aimé Césaire, la langue française est pour nous, ex colonisés, une arme que nous avons ramassée sur le champ de bataille, retournons-la contre la culture et les manières de voir de ceux qui nous l’ont imposée. Des mots wolofs sont déjà entrés dans le dictionnaire français : Niébé, bisaab (bissap), ceebu jén (thiébou dieun) … On a qu’à y ajouter ‘’Aawo‘’ et Ñaareel (Niaarêl). Et on dira : la Aawo du Président et la Ñaareel du Président. Le français est une langue souple et poreuse. Elle les absorbera. Que journalistes et autres communicateurs s’y mettent sans complexe. Ça passera comme mektoub, youyou, mafé, tchip et bien d’autres mots d’origine africaine introduits dans le dictionnaire français. Au Sénégal, la presse a installé l’institution « Roi de l’arène » qu’elle a imposée à tout le monde : lutteurs et autres promoteurs. Alors, qu’elle y aille pour la Aawo du Président et la Ñaareel du Président. Chers cousins et cousines de la Gambie, l’anglais et le français font barrière entre nous, mais le wolof nous est commun. Alors, à votre génie ! Mbegaan Koddu Ps : De grâce, ne dites plus la Ñaareel du Président dafa tubaabe (dafa toubaabé) c’est-à-dire, elle est comme une tubaab (toubaab). Cela est une catastrophe. Toutes deux doivent être fières de montrer partout leur africanité, d’afficher leur sénégalité, car la souveraineté ne se proclame pas, elle se vit. Si vous les trouvez élégantes, dites qu’elles sont Jongoma (Diongoma) c’est-à-dire grâcieuses, adorables …