Après « Le crépuscule des ténèbres », « Le roi du Djadjo », « La sorcellerie, un géant tigre de papier », « A la découverte des potentialités cachées en nous », Bali Nébié a dédicacé sa nouvelle œuvre toujours sur la même thématique, ce samedi 2 août 2025. « Tout savoir sur la sorcellerie en Afrique subsaharienne sans détour ni tabou », tel est le titre de l’essai réalisé par un de ses disciples dénommé Foras. Dans cet ouvrage, Grand maître Nébié (GMN) comme l’appellent ses anciens élèves, explique à la jeunesse et dans un style accessible, les fondamentaux sur la sorcellerie à travers 168 questions-réponses.

« Dis-moi qui tu suis, et je te dirai qui tu es », entend-t-on couramment. L’expérience de Bali Nébié au sujet des questions liées à la sorcellerie ne vient pas du néant, encore moins du surnaturel. « Très jeune, j’ai pris l’habitude de suivre un ami qui était un ainé. Avec lui, j’ai fait le tour de tous les charlatans dans ma localité, dans un rayon de 20 km. Chaque fois qu’on les rencontrait, c’est moi qui prenait des notes. Après lui, j’ai côtoyé mon oncle maternel, qui était devin. Avec lui, j’ai appris et compris beaucoup de choses », éclaire-t-il, soulignant au passage sa quête incessante de réponses sur certains phénomènes de la société, idées reçues, dogmes et stéréotypes sur la sorcellerie.

La sorcellerie a toujours existé

« Qui parle de sorcellerie, parle de mystère ou de force surnaturelle ; le mystère étant compris comme un phénomène ou un évènement dont I’homme ignore la cause. Dans I’imaginaire populaire, le sorcier est une personne possédant des pouvoirs surnaturels qu’elle utilise généralement pour nuire à autrui ou protéger les siens. Dès qu’on parle de sorcellerie, tout le monde se tourne automatiquement vers les parties du monde habitées par les peuples noirs. De nombreux Africains s’identifient effectivement avec fierté à la sorcellerie. Pourtant, l’Afrique n’a pas l’exclusivité de cette pratique », a révélé l’auteur. Selon ses explications, il ressort que l’homme, depuis son apparition sur la terre, est mu par le désir de comprendre et d’expliquer les phénomènes mystérieux qu’il vit : séismes, épidémies, etc.

« Le commun des mortels considère aussi ce qu’il ne conçoit pas humainement comme relevant de la sorcellerie », Hubert Bazié

« Acculés par leurs populations qui subissaient de plein fouet les terribles effets de ces calamités, les dirigeants des communautés faisaient recours à la bonne vieille méthode du bouc émissaire. Les victimes de cette méthode du bouc émissaire étaient des membres des communautés qui furent diabolisés par ces mêmes responsables qui les accusaient de détenir de puissants pouvoirs surnaturels leur permettant de déclencher ces phénomènes et de les maitriser. On les désigna par le mot « sorciers ». La sorcellerie a donc existé dans la plupart des sociétés humaines », a-t-il expliqué.

La sorcellerie, assimilable aux confréries en Afrique

« En Afrique subsaharienne, l’évocation de la sorcellerie fait penser automatiquement à des organisations », assimile Bali Nébié. « En effet la sorcellerie était indissociable de l’existence d’organisations secrètes fortement hiérarchisées et au sein desquelles régnait une discipline de fer : on parle souvent de confréries des sorciers où, pour accéder, il faut être un garçon, être physiquement et moralement irréprochable, être coopté. En Afrique noire, il en existait au moins sept, dont les plus répandues et les plus redoutables étaient la confrérie des hommes-lions, celle des hommes-crocodiles, et celle des hommes-léopards ou hommes-panthères », a dressé l’écrivain.
Trois moyens étaient utilisés par les confréries, en complicité avec les classes dirigeantes, pour atteindre leurs objectifs : la peur, la mystification et la rigueur dans le respect des interdits. « Et pour perpétrer cette vision prosaïque de la sorcellerie, les confréries ont mis en place un système éducatif dont la finalité était de former des adultes respectueux des valeurs sociales et des traditions. Le système consistait à étouffer la curiosité chez l’enfant, ensuite à graver dans son subconscient des dogmes. Ce système éducatif, transmis de générations en générations par tous les membres des communautés, faisait de la sorcellerie un acte de foi et personne ne pouvait échapper à ce dressage mental. »

« Ceux que vous voyez et qui sont accusés de sorciers ne le sont pas. Ce sont des boucs émissaires », Bali Nébié

« L’ouverture des communautés africaines au monde extérieur, fatale au règne des confréries »

Pour lui, les Africains, y compris les personnes instruites, sont victimes aujourd’hui de ce conditionnement intellectuel, dont les conséquences aux niveaux individuel, collectif et national sont désastreuses par rapport à l’évolution actuelle de la société. « Les moyens d’intimidation les plus utilisés étaient les proches de sorcellerie. Les procès de sorcellerie ne visaient nullement à sanctionner des soi-disant mangeurs d’âmes, c’est-à-dire des meurtriers. Non ! Ces procès avaient pour seul but d’écarter temporairement ou définitivement des communautés, leurs membres jugés fauteurs de troubles », a-t-il développé.

« L’ouverture des communautés africaines au monde extérieur a été fatale au règne sans partage des confréries qui n’ont pas pu s’adapter aux nouvelles donnes. Elles se sont alors désagrégées, abandonnant les membres des communautés désormais sans repères. Il s’en est suivi une prolifération d’individus détenteurs de pouvoirs surnaturels entrainant un désordre indescriptible qui s’est traduit, entre autres, par une recrudescence des accusations de sorcellerie observées dans les villes et les campagnes. Les causes principales de ces croyances à la sorcellerie étant la pauvreté et I’ignorance, pour les éradiquer, une ferme volonté politique de la part des décideurs africains s’impose », a-t-il ajouté.

« Les secteurs sur lesquels l’accent doit être mis sont : le système éducatif, le système judiciaire et l’économie », alerte Bali Nébié

« Il y a toujours beaucoup à dire sur la sorcellerie »

Ce qui a été relaté plus haut ne sont que des pans du livre « Tout savoir sur la sorcellerie en Afrique subsaharienne sans détour ni tabou », la cinquième œuvre de Bali Nébié, qui a fait son parcours professionnel en tant que professeur certifié des Sciences de la vie et de la terre (SVT). Selon l’auteur, l’on ne devrait pas s’arrêter au titre pour clore le débat sur la sorcellerie. « Il y a toujours beaucoup à dire sur la sorcellerie, beaucoup à développer. Le sujet est très vaste », a-t-il lâché.
Rappelons que l’ouvrage a été édité aux éditions IKS. On peut se le procurer au +226 66158655 ou à l’adresse mail suivante : bedoa@gmx.fr. Il coûte 5 000 francs CFA.

Erwan Compaoré