
Abidjan, 15 mai 1991. Ce jour-là, l’Afrique perdait l’un de ses plus grands penseurs. Amadou Hampâté Bâ, écrivain, historien, philosophe, ethnologue et immense figure de la culture africaine, rendait son dernier souffle à l’âge de 91 ans. Trente-quatre ans plus tard, son œuvre continue de rayonner, tant par la richesse de sa pensée que par l’engagement qu’il a porté toute sa vie en faveur de la tradition orale africaine.
Né en 1900 à Bandiagara, au Mali, Hampâté Bâ fut toute sa vie un passeur de savoirs. Il s’est illustré dans de nombreux domaines, alliant rigueur scientifique et fidélité à la parole des anciens. À une époque où les récits africains étaient souvent déformés par le prisme colonial, il s’est donné pour mission de collecter, préserver et transmettre les traditions orales de l’Afrique de l’Ouest. Il est ainsi devenu un maillon essentiel dans la chaîne de la mémoire africaine.
Célèbre pour sa phrase devenue proverbiale — « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » —, Amadou Hampâté Bâ n’a eu de cesse d’élever la parole des griots et des sages au rang de source historique légitime. À travers ses recherches, ses contes, ses récits initiatiques et ses interventions à l’UNESCO, il a défendu avec conviction l’idée que la tradition orale est un vecteur de connaissance aussi noble que l’écrit.
Les dernières années de sa vie, il les a passées à Abidjan, en Côte d’Ivoire, classant ses innombrables archives et rédigeant ses mémoires. Un travail monumental entrepris avec la même exigence intellectuelle qui a guidé toute son œuvre.
Amadou Hampâté Bâ laisse derrière lui un héritage inestimable. Des ouvrages tels que *L’étrange destin de Wangrin* ou *Amkoullel, l’enfant peul* demeurent des piliers de la littérature africaine contemporaine. Mais au-delà des livres, il nous lègue un regard sur l’Afrique, ancré dans la sagesse, l’écoute, et la transmission.
Aujourd’hui encore, son nom résonne comme celui d’un bâtisseur de ponts entre passé et présent, entre tradition et modernité. Que la mémoire d’Amadou Hampâté Bâ continue d’inspirer les nouvelles générations d’Africains à écouter leurs racines pour mieux inventer l’avenir.
Repose en paix, maître de la parole.