« L’idée d’une Europe exceptionnelle qui commande que les autres s’européanisent quand elle-même n’a aucune raison de s’indianiser, de se siniser ou de s’africaniser, est une invention relativement récente, et je crois concomitante au colonialisme. L’Europe coloniale s’est construite comme une exception qui serait tout naturellement porteuse d’universalité et d’universalisme.
Aujourd’hui, la question de la restitution des œuvres d’art et objets du patrimoine africain au continent où ils sont nés pose la question de la signification d’un tel « retour », en même temps que la nécessité de réimaginer le musée qui les accueillera, en Afrique et dans le monde. (…) La restitution ne doit pas être un jeu à somme nulle qui vide les musées au nord pour remplir les musées au sud. Ces objets qui ont été arrachés à l’Afrique doivent désormais servir à créer un lien et à circuler. »
Cette déclaration de Souleymane Bachir Diagne met en lumière une critique de l’idée d’une Europe exceptionnelle qui a historiquement justifié son propre universalisme tout en imposant cette vision aux autres cultures. Il souligne que cette conception s’est développée en parallèle avec l’ère du colonialisme, où l’Europe coloniale s’est considérée comme porteuse naturelle de l’universalité.
L’évocation de la restitution des œuvres d’art et des objets patrimoniaux africains met en exergue la nécessité de repenser la signification même de ce « retour » vers le continent d’origine. Diagne soulève ici la question fondamentale de la réimaginerie des musées en Afrique et dans le monde, plutôt que de voir cette restitution comme un simple déplacement d’objets d’un lieu à un autre.
Il propose que cette restitution ne soit pas perçue comme un transfert statique d’objets d’un musée vers un autre, mais plutôt comme une occasion de créer des liens entre les cultures et de favoriser la circulation de ces objets à travers le monde. L’objectif serait alors de transformer ces objets arrachés à l’Afrique en vecteurs de connexion, de partage et d’enrichissement culturel, au lieu de les considérer comme des trophées statiques et isolés dans des musées.
Ainsi, la vision de Souleymane Bachir Diagne plaide pour une approche dynamique et interactive dans laquelle ces objets culturels africains restitués participeraient à la construction de liens transnationaux et à la promotion d’une compréhension plus profonde et plus riche entre les cultures du monde.