Le 23 avril, chaque année, l’UNESCO encourage les pays du monde entier à célébrer le livre, les écrivains et le droit d’auteur. Cette date symbolique marque la disparition de trois grandes figures littéraires : Cervantès, Shakespeare et Garcilaso de la Vega. En 2025, cette Journée mondiale prend une saveur particulière au Sénégal, grâce à une multitude d’initiatives mises en place par des acteurs culturels déterminés, de Guédiawaye à Boune, en passant par Thiès, Khombole et le Centre culturel Blaise Senghor à Dakar.

À Guédiawaye, le livre sous toutes ses formes

Dans la banlieue de Dakar, Senegal Njaay Magazine et Ruba Éditions dynamisent une célébration centrée sur le processus créatif. Le mercredi 23 avril, le G-Hip Hop de Guédiawaye se transforme en forum littéraire avec un atelier inédit : « Lire, écrire, protéger : le voyage d’un livre de l’idée à sa publication ». Trois figures importantes de la littérature sénégalaise — Mamadou Samb, écrivain-éditeur, Marème Soda Ndoye Lo, romancière accomplie, et Pape Michel Mendy, modérateur de l’événement — y explorent les parcours complexes de la création, entre inspiration, défis éditoriaux et la nécessité de préserver les droits d’auteur.

En parallèle, une petite foire du livre souligne subtilement que la lecture n’est pas un privilège, mais un besoin essentiel. Ce geste de rapprocher le livre du cadre quotidien urbain est à applaudir, car il incite les jeunes à s’emparer des mots et des imaginaires.

À Thiès, lire pour persévérer

Dans la ville aux deux gares, le Centre Culturel Régional sous le thème « Lire à sa manière » met la célébration sous le signe de la conviction que le livre est source de vie et de survie contre l’ignorance. Le 23 avril, à partir de 10h, un groupe de réflexion rassemble enseignants, auteurs et passionnés de livres pour discuter des nombreuses facettes de la lecture.

Cette journée, animée par des performances de slam, oscille entre la gravité des débats et l’expression artistique. En alliant art oratoire et réflexion pédagogique, Thiès renforce sa réputation de ville littéraire ouverte à tous les langages et formes d’expression.

Blaise Senghor, convergence entre papier et numérique

Le Centre Culturel Régional Blaise Senghor à Dakar devient un centre névralgique de cette célébration avec deux initiatives majeures. D’abord, le 23 avril, le projet SENUM (Synergie pour l’Éducation au Numérique et aux Médias) organise une manifestation intitulée : « Synergie autour du livre pour le plaisir de lire ». Ici, le livre rencontre le numérique, avec l’objectif de réunir tradition littéraire et modernité technologique.

Autour du roman Le Silence du Pilon d’Idrissa Sow Gorkodjo, des lectures publiques, performances artistiques et discussions participatives redonnent au livre sa puissance rassembleuse. La magie du texte opère, qu’il soit en papier ou numérique.

Le 24 avril, les Jeudis Littéraires prolongent l’élan avec un débat engagé concernant La folie des jeux d’argent, dernier ouvrage de Pape Samba Kane. Aux côtés du critique littéraire Khalifa Touré, l’auteur explore les effets néfastes de l’addiction aux jeux chez les jeunes sénégalais. Un événement important, à l’intersection de la littérature, de la santé mentale et du plaidoyer social.

Khombole honore la détermination des écrivains

À Khombole, le Centre de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC) prend le relais à 17h. Le critique Mour Seye, auteur de l’essai politique Ousmane Sonko, Le Retour du Phénix, est mis en lumière. La discussion, animée par El Hadji Faye, tourne autour de l’engagement de l’écrivain dans la société, de la liberté d’expression et du pouvoir des mots face aux autoritarismes.

Dans une ambiance conviviale, cette célébration montre que le livre n’est pas simplement un objet de divertissement : il est aussi une arme intellectuelle, une source d’émancipation et une forme de résistance.

Boune accueille la cérémonie officielle

Le point culminant des célébrations, l’Institut Ahmed Sakhir Lo à Boune abrite le 24 avril la cérémonie officielle de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. En présence de la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Madame Khady Diène Gaye, c’est une ode à la lecture, la création, et la transmission.

Une visite guidée de l’institut, un don de livres, des discours officiels… tout est mis en œuvre pour rappeler que lire, c’est se former, s’ouvrir au monde et reconnaître la dignité des écrivains, souvent négligée dans les politiques culturelles.

Pensionnaires de l’Institut Ahmed Sakhir LO de Boune

Une constellation d’initiatives, une passion commune

Ces célébrations diverses et dynamiques montrent une vitalité littéraire remarquable au Sénégal. Du créateur au lecteur, des écoles aux rues, des centres culturels aux quartiers populaires, le livre circule, questionne, bouleverse, unit.

Plus qu’un simple hommage symbolique, la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur devient, en 2025, une véritable prise de parole collective. Une affirmation joyeuse mais vigilante que, dans une société en transformation, lire demeure un acte politique, écrire un geste de transmission, et défendre les droits d’auteur, une urgence incontournable.

Babacar Korjo Ndiaye