Nous tenons à saluer chaleureusement l’initiative du Forum sur le livre et la lecture. Nos félicitations et nos encouragements s’adressent à Son Excellence Bassirou Diahar Diomaye Faye, le Président de la République, premier protecteur des arts, au ministre chargé de la Culture et du Tourisme, ainsi qu’à la Direction du Livre, en particulier au Directeur Ibrahima LO, dont le rôle majeur et l’engagement sont honorables. Notre reconnaissance s’étend également à tous les travailleurs qui ont contribué à cet événement. Votre mobilisation sans faille a conduit à une réussite en termes de visibilité, redonnant espoir aux acteurs et vulgarisant la chaîne du livre.

Cependant, la mission est loin d’être accomplie. Au-delà des promesses, il est désormais impératif d’agir concrètement.

Bien que le thème choisi pour cet événement soit d’une pertinence capitale, reflétant la nécessité de replacer le livre au centre de notre projet de société, sa concrétisation budgétaire et stratégique est, selon nous, un véritable désastre. Le budget alloué à ce forum semble n’avoir servi qu’à un coup de communication éphémère, sans impact réel et durable.

Il est frappant de constater l’aisance avec laquelle des budgets conséquents sont alloués pour la réussite et la promotion d’événements publics. Pourtant, cet engagement financier fait cruellement défaut lorsqu’il s’agit d’investir concrètement sur les acteurs locaux du livre, un secteur qui représente pourtant un pôle majeur de création d’emplois et de souveraineté culturelle.

La situation des éditeurs sénégalais est alarmante. Ils souffrent d’un manque criant de moyens : absence de matériel et manquement de bibliothèques dignes de l’archiviste, d’outils spécialisés et de machines d’impression modernes indispensables à une production nationale digne et compétitive.

Dans ce contexte, il est préoccupant de constater que le seul acteur capable de produire des livres au Sénégal avec des machines neuves et un équipement spécialisé est L’Harmattan. Cette puissante structure française, créé en 1975 par Robert Ageneau et Denis Pryen, étendue dans quinze pays d’Afrique de l’Ouest, est perçue par beaucoup comme entravant la souveraineté des auteurs africains et de notre industrie.

Où se situe notre souveraineté ? Les auteurs locaux peinent à être publiés, perçoivent rarement leurs droits d’auteur, et se sentent marginalisés et exploités.

Il est impératif d’investir massivement et de manière juste dans le secteur :

– Renforcer les capacités des éditeurs sénégalais en leur fournissant les moyens matériels (machines d’impression modernes, outils) nécessaires pour une production nationale autonome et compétitive.

– Modérer ou éviter la promotion exclusive d’une seule maison d’édition et assurer un équilibre équitable. La mise en lumière d’un acteur unique au détriment flagrant des autres éditeurs nationaux est décourageante et n’est absolument pas normale.

– Valoriser et soutenir les autres éditeurs sénégalais. Ces dignes fils du pays ont créé leurs maisons d’édition sans soutien, accomplissant un excellent travail malgré des difficultés majeures à financer l’impression de leurs ouvrages. Ils jouent un rôle essentiel dans l’industrie du livre et méritent une reconnaissance et un soutien à la hauteur de leur engagement.

L’urgence commande de transformer la conviction en action concrète et de bâtir une véritable et juste souveraineté éditoriale au Sénégal.

Les éditions Artige