Stockholm, Suède — L’Académie suédoise a couronné ce jeudi 9 octobre 2025 l’écrivain hongrois László Krasznahorkai du Prix Nobel de littérature, la plus haute distinction du monde littéraire. Âgé de 71 ans, l’auteur a été récompensé pour une œuvre « épique et hypnotique », qui explore les thèmes de la désintégration, de l’absurde et de la condition humaine à travers un style radicalement singulier.

Krasznahorkai, dont le nom circulait depuis plusieurs années parmi les favoris, succède à la Sud-Coréenne Han Kang, lauréate du prix en 2024. Il devient ainsi le deuxième écrivain de langue hongroise à recevoir ce prix au XXIe siècle, après Imre Kertész en 2002.

Un héritier de Kafka et de Thomas Bernhard

L’Académie a salué en László Krasznahorkai un « grand écrivain épique dans la tradition d’Europe centrale », qui se situe dans la lignée de Franz Kafka et de Thomas Bernhard, maîtres de l’absurde et du grotesque.

Son œuvre est un long poème en prose, souvent dépeint comme une fresque de la déchéance et de la mélancolie. La critique américaine Susan Sontag l’avait d’ailleurs qualifié de « maître hongrois contemporain de l’apocalypse ». L’auteur lui-même, interrogé sur les images sombres de ses écrits, a un jour répondu : « Peut-être suis-je un écrivain qui écrit des romans pour des lecteurs qui ont besoin de la beauté de l’enfer ».

Un style exigeant : la phrase-fleuve

Le style de Krasznahorkai est sa marque de fabrique. Il est célèbre pour ses longues phrases sinueuses, parfois étirées sur plusieurs pages, avec de rares coupures de paragraphe. Cette architecture narrative, qualifiée d’« obsessionnelle », plonge le lecteur dans un flux de conscience vertigineux, reflétant l’état d’esprit et l’angoisse existentielle de ses personnages.

Parmi ses ouvrages majeurs traduits en français par Joëlle Dufeuilly, on compte :

  • Tango de Satan (1985) : Son premier roman, adapté au cinéma en 1994 par Béla Tarr. Il dépeint la vie dans un village hongrois en décomposition à l’ère communiste.
  • La Mélancolie de la résistance (1989) : Une vision dystopique et burlesque d’une ville aux prises avec une étrange agitation et l’arrivée d’un cirque mystérieux.
  • Guerre & Guerre (1999) : Un roman fleuve qui a valu à l’auteur l’éloge du critique James Wood qui le décrivit comme « l’une des expériences les plus profondément troublantes que j’aie jamais vécues en tant que lecteur ».
  • Le Baron Wenckheim est de retour (2016) : Un retour à son village natal qui tourne au tragique et au comique.

László Krasznahorkai, déjà lauréat du prestigieux Man Booker International Prize en 2015 pour l’ensemble de son œuvre, voit désormais sa voix singulière et exigeante reconnue par l’institution la plus emblématique de la littérature mondiale.