Dans le paysage politique Malien, une nouvelle génération de leaders émerge avec une énergie débordante et une ambition affichée. Ces jeunes politiciens, souvent portés par des idéaux forts et une maîtrise des réseaux sociaux, veulent transformer le monde à leur image – et vite. Cependant, dans leur empressement à « brûler les étapes », ils risquent de compromettre non seulement leur propre carrière, mais aussi la confiance du public qu’ils cherchent à conquérir.

Cette impatience, bien que compréhensible, mérite une critique constructive et quelques conseils avisés.
Une ambition légitime, mais mal canalisée.
L’envie de changer les choses rapidement est louable. Les crises sociales, économiques et environnementales ne laissent pas de place à la complaisance, et les jeunes politiciens ont raison de vouloir bousculer les vieux schémas. Cependant, vouloir grimper les échelons à toute vitesse, sans prendre le temps de construire une base solide, peut s’avérer contre-productif. La politique n’est pas une start-up où l’on dispute tout en un claquement de doigts ; c’est un art qui demande patience, expérience et crédibilité.
Trop souvent, on voit ces jeunes loups aux dents longues privilégier l’image au fond, les déclarations choc aux propositions concrètes. Les médias et les plateformes numériques amplifient cette tendance : un tweet bien senti ou une vidéo virale peut propulser un inconnu sous les projecteurs. Mais la notoriété instantanée ne remplace pas le travail de terrain, la compréhension des rouages institutionnels ou la capacité à fédérer au-delà des clivages. En voulant aller trop vite, ils risquent de s’essouffler avant même d’avoir commencé.
Les pièges de l’ascension prématurée
L’histoire politique regorge d’exemples de jeunes talents qui, faute de maturité ou de préparation, ont vu leur étoile pâlir aussi vite qu’elle s’était levée.Le Président Français Emmanuel Macron en est un exemple frappant .
Brûler les étapes, c’est s’exposer à des erreurs évitables : des prises de position mal calibrées, une méconnaissance des dossiers techniques ou une incapacité à gérer les compromis inhérents à la politique. Sans une assise solide – qu’elle soit électorale, idéologique ou relationnelle – ces jeunes leaders deviennent vulnérables aux critiques et aux revers.
Pire encore, cette précipitation peut alimenter le cynisme des citoyens. Quand un jeune politicien promet monts et merveilles sans démontrer sa capacité à les réaliser, il renforce l’idée que la politique n’est qu’un jeu de postures. À l’heure où la défiance envers les élites est à son comble, cette attitude est un luxe que la démocratie ne peut se permettre.

Quelques conseils pour durer
Aux jeunes politiciens impatients, voici quelques pistes pour transformer leur fougue en force durable :
Apprendre avant de diriger : S’impliquer dans des responsabilités locales ou associatives permet de comprendre les réalités du terrain et de bâtir une légitimité. Les petites victoires d’aujourd’hui préparent les grandes réformes de demain.

S’entourer de mentors : La politique est un métier qui s’apprend auprès de ceux qui l’ont pratiqué. S’appuyer sur des figures expérimentées, même critiques, offre un recul précieux.

Privilégier le fond à la forme : Une communication brillante ne suffit pas. Il faut des idées claires, étayées et réalisables. Les électeurs pardonnent rarement les promesses creuses.

Accepter le temps comme allié : La crédibilité se forge dans la durée. Prendre le temps de construire un réseau, de peaufiner ses compétences et de mûrir ses convictions est un investissement, pas une perte.

L’avenir appartient aux patients
Les jeunes politiciens ont un rôle crucial à jouer dans le renouveau démocratique du Mali . Leur énergie, leur créativité et leur proximité avec les préoccupations actuelles sont des atouts majeurs. Mais pour transformer ces qualités en pouvoir effectif, ils doivent résister à la tentation de la gloire immédiate. Brûler les étapes, c’est risquer de brûler ses ailes. En politique, comme dans bien des domaines, c’est souvent celui qui sait attendre son heure qui finit par marquer l’histoire.

Mohamed Abdellahi Elkhalil
Spécialiste des Questions Sociales et Sécuritaire du Sahel