
L’étoile des jumelles est le titre de cette suite de nouvelles publiées chez Abis Editions en 2024 par Abdourahmane Sy.
L’étoile des jumelles est le titre d’une des plus belles et touchantes nouvelles de ce recueil et choisi comme titre général de celui-ci. Cependant, le texte auquel reste il renvoie reste un peu trop réaliste à notre goût puisque l’essentiel de cette œuvre nous plonge au cœur du psychédélisme. Autant préciser d’emblée, qu’au-delà des éléments paratextuels tels que la première et la quatrième de couverture, les chapitres se succèdent avec une réelle emprise sur l’esprit du lecteur. Il est de la nature de l’art psychédélique que de faire voyager le sujet dans les méandres insaisissables de l’âme.
Le chapitre introductif de ce texte magnifique d’A. Sy sonne comme un avertissement pour l’auteur qui n’a pas saisi le message de la Couv 1. Par son talent de conteur qui rappelle les « milles et une nuits » ou les contes merveilleux de l’Afrique ancestrale, il nous fait découvrir son monde artistique : tout y part en images troubles et troublantes, mêlant rêve et réalité.
Derrière chaque histoire, une surprise est calée quelque part poussant le lecteur à se poser la question suivante : qu’est-ce qui va encore se passer ? Cette technique d’écriture rappelle les histoires racontées à la belle étoile et autour d’un feu dans l’Afrique traditionnelle. C’est une pratique qui, dans la réalité et les faits est en voie de disparition, mais se révèle d’une grande vitalité avec la plume d’A. Sy. Ce dernier manie avec merveille et noblesse cet art de faire ressortir ce qui est bizarre donc loufoque voire absurde. Les têtes de chacal, la corde-ceinture, le bisou de la guêpe, la mallette de Ndiaga Fall, Jaan bi, le coup de corne de Ngary dans la cuisse d’Elimane, le cadenas, la tragique mort de Tiya… en sont de parfaites illustrations !
Force est, cependant, de constater que l’auteur n’est pas qu’un conteur du merveilleux puisque, entre les expositions oniriques, intercalent d’incroyables et courts récits de type romanesque révélant ses talents de nouvelliste. C’est le cas de : Sophie la gifle (amour de jeunesse) ; Le fils de mon frère (bébé de la honte) ; Yacine (l’amoureuse malchanceuse) ; Les larmes de Mme le Juge (le retour de l’inconnu et lâche de père) ; Tonton sucre qui aurait pu être un chef d’œuvre de roman à suspense, Adama et Awa, le texte conclusion qui est un véritable hommage à la maman africaine, digne dans sa débrouillardise.
Mais attention, même dans ses textes réalistes, il y a toujours des signes qui montrent que l’enfance de l’auteur aurait baigné dans le merveilleux, du moins il aurait été nourri par un imaginaire immensément riche. Le texte « Ouztaz Diaw » en a la marque déposée la plus tracée avec ce voyage du couple Diaw-Fama Naar dans les tréfonds de l’océan. En réalité, il y est question non pas de cet élément de la nature mais de l’esprit humain qui est d’une vastité incommensurable.
L’explication d’une telle richesse dans l’expression et la création doit être cherchée dans le violon d’Ingres d’Abdourahmane Sy. Chez lui, le cadre supérieur des douanes est bousculé par la vision esthétique du monde. Il s’essaierait à la peinture, il s’essaierait à la sculpture et à la poésie et cela se voit dès la couverture et tout au long du recueil. Mais L’étoile des jumelles n’est pas un coup d’essai mais un coup de maître !
Bonne lecture !
Bien cordialement,
Pr Moussa Samba
Enseignant chercheur à l’EBAD-UCAD
Directeur des Presses universitaires de Dakar
PUD-UCAD
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