
Khadîdja,
Tu es là, quelque part sous le ciel gris de Paris, dans un appartement étroit où chaque nuit pèse plus lourd que la veille. Tu es là, solitaire au milieu de la foule, rejetée par ceux qui devraient t’aimer, oubliée par ceux qui auraient pu t’accueillir.
Je t’imagine, le regard perdu dans la brume du matin, écoutant les murmures du marché Dejean, où l’exil se vend à la sauvette. Chaque pas dans ces rues est une bataille, chaque regard posé sur toi est un jugement. On t’a dit que tu avais trahi, que tu n’étais plus des leurs, parce que tu as aimé un homme qui ne leur ressemblait pas. Mais, Khadîdja, qui sont-ils pour te condamner ? Qui sont-ils pour te priver d’un amour qui t’appartient ?
Tes enfants, ces petits êtres pour qui tu sacrifies tout, te jugent eux aussi. Ils grandissent, s’éloignent, t’échappent. Et toi, tu restes là, seule face à ton reflet, seule avec ce silence oppressant qui grignote ton cœur. Qui te tendra la main quand le poids de l’exil sera trop lourd ? Qui entendra tes cris étouffés dans les draps froids des nuits sans sommeil ?
Mais malgré tout, tu es debout. Brisée, mais debout. Tu refuses de disparaître, de te dissoudre dans cette indifférence qui engloutit tant d’autres. Tu avances, fière et blessée, fragile et forte à la fois. Ton rire, même amer, est une victoire sur l’injustice. Ton souffle, même saccadé, est une preuve que tu existes, que personne ne pourra t’effacer.
Alors oui, ils t’ont laissée seule, ils t’ont pointée du doigt, mais sache-le, Khadîdja : tu es belle dans ta douleur, grande dans ton refus de plier. Tu es le cri de toutes celles que l’on étouffe, la flamme vacillante mais tenace des âmes que l’on voudrait soumises.
Puisses-tu, un jour, trouver la paix que l’on t’a volée.
Avec une infinie tendresse et une peine immense,
Un lecteur qui ne t’oubliera pas.