La continuité d’un rêve, l’accomplissement d’un destin, la perpétuité d’une douleur. Avec L’Or de la gangrène, Sokhna Benga prolonge la fresque initiée dans Le Dard du secret, offrant aux lecteurs une suite aussi intense que poignante. En reprenant le fil de la saga de la famille Ndiaye, l’auteure ne se contente pas de clore un chapitre, elle rouvre les plaies d’une société en mutation, entre modernité et traditions, illusions et désillusions.

Dans Le Dard du secret, Sokhna Benga dressait un tableau saisissant de la migration des jeunes filles du pays sérère vers les villes, dévoilant les rets d’un monde urbain souvent impitoyable, où la prostitution et le trafic de drogue se présentaient comme des labyrinthes inextricables. L’autrice, avec son sens aigu de la narration et une plume acérée, nous plongeait dans un univers où la quête de liberté et d’ascension sociale se heurtait aux dures réalités d’un système oppressif.

Avec L’Or de la gangrène, elle ne se limite pas à une simple suite, elle approfondit la descente aux enfers de ses personnages, tout en laissant entrevoir des lueurs d’espoir. Le titre lui-même est une métaphore forte : l’or, symbole de richesse et de désir, s’oppose à la gangrène, métaphore d’un mal insidieux qui corrompt et dévore. C’est cette dualité qui traverse le roman, oscillant entre aspirations et désillusions, entre rédemption et fatalité.

La force de Sokhna Benga réside dans sa maîtrise du rythme narratif. Son écriture, fluide et incisive, alterne descriptions ciselées et dialogues vifs, conférant à son roman une tension dramatique constante. Elle peint avec finesse les destins brisés et les espoirs déçus, offrant des portraits nuancés et vibrants d’humanité. Dakar, Saint-Louis, Fatick, Kaolack… Les villes deviennent des personnages à part entière, réceptacles de destins contrariés, espaces de transition et de perdition. Chaque lieu, avec sa charge symbolique, participe à l’ancrage réaliste du récit, tout en amplifiant sa portée universelle.

Au-delà de son intrigue captivante, L’Or de la gangrène est un roman social puissant. Il interroge la condition féminine, la déchirure entre traditions et modernité, la fragilité des rêves face aux implacables réalités économiques et sociales. Sokhna Benga ne juge pas, elle dépeint. Elle ne condamne pas, elle expose.

Le roman, en s’inscrivant dans la continuité de Le Dard du secret, affirme la cohérence et la pertinence du propos de l’auteure. Il s’adresse à ceux qui cherchent à comprendre la complexité d’un monde en mutation, mais aussi à ceux qui, entre espoirs et désillusions, tentent de trouver leur propre chemin.

L’Or de la gangrène n’est donc pas qu’un roman, c’est un cri. Un cri qui résonne longtemps après que la dernière page a été tournée.