Dans Mundele, son premier roman, Tatiana Lippert explore la construction identitaire d’une adolescente blanche en quête d’appartenance. Un récit percutant et nuancé sur l’initiation, les tensions raciales héritées du passé colonial, et la violence des silences familiaux.

À 14 ans, Ava mène une existence aisée dans la banlieue chic de Bruxelles. Solaire et insouciante, son quotidien bascule le jour où ses parents lui annoncent sans détour leur séparation. Pour fuir l’éclatement du foyer, elle commence à errer dans les couloirs du métro bruxellois, jusqu’à croiser la route de groupes de jeunes Congolais qui l’attirent autant qu’ils l’intimident.

Loin d’un simple désir de transgression, cette immersion dans un univers étranger révèle une quête d’ancrage. Tatiana Lippert inscrit un récit de passage entre quartiers, classes sociales et identités, porté par une héroïne en rupture.

Je voulais montrer cette naïveté… Ce n’était pas calculé. Il y avait une forme de pureté dans sa démarche.

Ava découvre que sa couleur de peau est une frontière. Le mot mundele —  » blanche  » en lingala — révèle une altérité chargée d’histoire. Sa tentative d’intégration se heurte à une frontière invisible, née du passé colonial belge.

Violence, mémoire et appartenance

Le roman se situe au début des années 2000, une époque marquée par des rapports genrés déséquilibrés et l’absence de déconstruction médiatique sur les questions de genre ou de race. Tatiana Lippert restitue avec sobriété une violence urbaine, réelle mais sans caricature, présente chez les garçons comme chez les filles.

Cette violence est en eux, mais elle vient aussi de ce qu’ils vivent au quotidien.

Face à des jeunes déjà confrontés au racisme systémique, Ava découvre brutalement son statut de privilégiée. L’amour qu’elle ressent pour Danny, l’un des garçons du groupe, met en lumière les tensions entre attirance et rejet, loyauté et exclusion.

Le foyer familial fracturé est le point de départ du basculement d’Ava. La séparation de ses parents, les non-dits sur les origines — un père belge ayant grandi au Congo avant la décolonisation, une mère d’origine polonaise — alimentent un vide que la jeune fille tente de combler ailleurs. Le roman met ainsi en lumière un héritage du silence, à la fois intime et collectif.

Mundele, un roman pour ados et adultes

Conçu en priorité pour un public adolescent, Mundele propose une lecture à double niveau. À la fois récit d’initiation, plongée urbaine et réflexion sur l’héritage colonial, le roman de Tatiana Lippert aborde avec justesse et sensibilité des thèmes d’altérité, de colère et de désir d’appartenance. Sans didactisme ni clichés, il traite frontalement des enjeux de construction identitaire, d’appartenance et de mémoire. Accessible et généreux, ce premier roman est à la fois tendu, vivant et profondément ancré dans une réalité peu représentée, touchant aussi bien les adolescents que les adultes.

Par Elodie Marchal sur base d’une interview de La Première