
Par Adama Samaké
Plus de soixante ans après l’accession des États subsahariens francophones à l’indépendance, la problématique de la souveraineté se détermine comme une préoccupation majeure. Le champ politique est priorisée dans ce débat.
Il est bon de rappeler que l’investigation littéraire et artistique eut un impact inestimable dans la lutte de libération.
Mais si les apports de la Négro Renaissance et la Négritude sont très connus, tel n’est pas le cas du NOUVEL EXOTISME auquel appartient pourtant Réné Maran dont le roman BATOUALA est unanimement reconnu comme précurseur du roman africain et de la lutte anticolonialiste pour son rôle considérable dans l’éveil de la conscience du Noir à Paris. Léopold Sédar Senghor affirmait que « Tout le roman nègre procède de René Maran » parce qu’en détruisant l’image tragique de l’Afrique que présentent les œuvres coloniales, il donne à cet univers autrefois mythique et invincible dans la littérature coloniale, une image paradisiaque et poétique et présente, par conséquent, son roman comme une revendication implicite de la revalorisation de la condition de vie des Noirs.
Le nouvel exotisme a vu le jour en tant que mouvement vers 1900 avec « La grande France » : revue fondée par Marius et Ary Leblond. Dans sa thèse intitulée « L’Afrique occidentale dans la littérature française », Robert Randau résume l’orientation idéologique de ce mouvement, en citant Roland Lebel :
«La littérature coloniale réside dans l’essence des idées, des sentiments, des faits exprimés et non pas dans le lieu, dans le décor (…). Le colonialisme réside dans une attitude, une qualité de l’âme, l’assimilation d’une nouvelle dit Braga. L’exotisme est plus romantique que colonial. Exotisme s’oppose à colonialisme, comme romantisme s’oppose à naturalisme ».
L’art du nouvel exotisme est un art réaliste qui ne cherche pas à truquer la vie. Ce réalisme se présente comme le fruit de la juste observation, de l’étude de la langue, des mœurs, des coutumes, de l’histoire du pays. Il présente l’espace africain avec sympathie. L’esthétique du nouvel exotisme est une esthétique d’observation, d’analyse approfondie.
Cette volonté de réintégration du Noir en tant qu’espèce humaine est l’expression d’un regain d’humanisme. Le nouvel exotisme essaie effectivement de mettre en exergue les valeurs de l’humanité, par une idéologie de l’observation et de la critique traduite par l’indulgence. Il ne veut s’intéresser qu’aux problèmes humains et non aux problèmes d’une race donnée. Aussi, se donne – t – il pour but de décrire la rencontre voire le conflit, l’action et la réaction des races et de faire pénétrer le lecteur dans un milieu psychologique nouveau.
Arnaud Robert alias Randau, dans la même mouvance, en créant ‘‘l’Algérianisme’’, entend militer pour une « autonomie esthétique de l’Afrique ». Son principe est « de faire évoluer un peuple dans sa civilisation propre avant de l’entraîner » dans une autre. Pour Randau, cette doctrine est « dérivée de la déclaration des droits de l’homme qui ne reconnaît pas de sujets mais des collaborateurs ».
En somme, LE NOUVEL EXOTISME et L’ALGERIANISME sont des sources vivifiantes de l’élaboration de la conscience révolutionnaire africaine.
