Le Soleil
Avec la disparition de Momar-Coumba Diop, hier à Paris, la recherche en sciences sociales perd l’un de ses plus éminents représentants.
Décédé hier à Paris des suites d’une longue maladie, Momar Coumba Diop aura été, pendant près d’un quart de siècle, l’un des principaux animateurs de la recherche en sciences sociales au Sénégal et en Afrique. À travers un ouvrage collectif, paru aux éditions Karthala en 2023, sous le titre « Comprendre le Sénégal et l’Afrique aujourd’hui. Mélanges offerts à Momar Coumba Diop », sa « famille très étendue » (qui comprend plus de 200 universitaires de renom) lui avait rendu un hommage mérité de son vivant, à travers des témoignages et des contributions de grande qualité qui recoupent ou complètent ses travaux. Du « Sénégal sous Abdou Diouf », qu’il a co-édité en 1990 avec son ami, l’historien Mamadou Diouf, et qui l’a révélé au public, à l’ouvrage « Le Sénégal sous Abdoulaye Wade. Le Sopi à l’épreuve du pouvoir », publié en 2013, et qui constitue son dernier grand projet éditorial, aucun pan de notre histoire récente n’a été oublié par l’œuvre monumentale et collectivement menée de Momar-Coumba Diop, pour construire une documentation sérieuse et critique sur l’ensemble des champs et ressorts qui sont à l’œuvre dans la formation et l’évolution de l’État sénégalais et de ses rapports avec la société.
Après ses études à Dakar (lycée Blaise Diagne et Département de Philosophie de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Dakar) et une thèse préparée et soutenue en France (Université Lyon II), Momar Coumba Diop a enseigné à l’Université de Dakar de 1981 à 1987 avant d’être affecté à l’Ifan avec le statut de chercheur, après des ennuis de santé qui l’éloigneront des amphis. Il s’est progressivement « réfugié dans l’écriture », aidé en cela par son fidèle ami Mamadou Diouf qu’il appelle affectueusement Modou.
L’un des grands mérites de Momar Coumba Diop réside dans ses capacités personnelles à « recevoir la pensée de ses collègues ». À travailler en équipe. Du fait de sa générosité, il a consacré bien plus de temps à mobiliser ses collègues, à lire et à évaluer les autres qu’à développer ses propres publications. Momar n’a jamais cherché la lumière, il s’est contenté d’irradier autour de lui engagement et générosité.
C’est pourquoi l’historien Boubacar Barry compare l’œuvre de M. C. Diop à « l’entreprise titanesque de l’encyclopédie de Diderot » tandis que pour David Morgant (ingénieur spécialiste du développement urbain) il y a du Tocqueville dans l’approche de Momar Coumba Diop qui consiste à « engager un corps-à-corps avec les problèmes vitaux de son époque, les vivre et les penser ». Si l’homme n’est pas prophète chez lui, car ne bénéficiant pas de la reconnaissance qu’il méritait de son vivant, il jouissait d’un immense respect au sein de la communauté des chercheurs.
Seydou KA