Dans son roman « La Plus Secrète Mémoire des hommes », couronné par le Prix Goncourt 2021, l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr soulève des interrogations fascinantes et dérangeantes, notamment sur la nature du plagiat en littérature et sur l’interdépendance des grands écrivains avec leurs prédécesseurs.
La Littérature : Une Histoire de Grand Plagiat ?
« Toute l’histoire de la littérature n’est-elle pas l’histoire d’un grand plagiat ? » s’interroge Mbougar. Cette question, provocatrice par essence, invite à reconsidérer la notion d’originalité dans le processus créatif littéraire. En effet, la littérature est souvent perçue comme un immense réseau d’influences et d’intertextualités, où chaque œuvre, même la plus innovante, s’ancre dans un contexte historique et culturel précis, héritant inévitablement des productions antérieures.
Les Grandes Influences Littéraires
Pour étayer son propos, Mbougar Sarr évoque des figures emblématiques de la littérature occidentale :
Montaigne et Plutarque : Les Essais de Michel de Montaigne sont imprégnés des écrits de Plutarque. Les références à l’auteur grec sont omniprésentes, Montaigne reprenant, adaptant et commentant les idées de son illustre prédécesseur.
La Fontaine et Ésope : Les célèbres fables de Jean de La Fontaine trouvent leurs racines dans les récits d’Ésope, un fabuliste grec de l’Antiquité. La Fontaine, tout en réinventant et en enrichissant ces histoires, s’appuie sur les fondations posées par Ésope.
Molière et Plaute : Les comédies de Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière, puisent abondamment dans les œuvres de Plaute. Les intrigues et les personnages de l’auteur romain sont revisités et transformés par Molière, qui leur insuffle une nouvelle vie sur scène.
Originalité et Héritage
À travers ces exemples, Sarr souligne que la création littéraire est un dialogue ininterrompu avec le passé. Les écrivains réinterprètent, transforment et enrichissent les œuvres de leurs prédécesseurs. Ce processus de réappropriation et de réinvention ne diminue en rien la valeur des nouvelles productions littéraires. Au contraire, il témoigne de la richesse et de la continuité de la tradition littéraire.
Une Nouvelle Perspective sur le Plagiat
Plutôt que de percevoir le plagiat comme une faute ou une trahison, Mbougar nous invite à l’appréhender sous un angle différent. La littérature, en tant qu’art de la langue et de l’idée, se nourrit d’elle-même. Chaque écrivain s’inscrit comme un maillon dans une chaîne infinie de transmission culturelle. Ce phénomène, loin d’appauvrir la littérature, lui confère une profondeur et une complexité qui en constituent toute la richesse.
Mohamed Mbougar Sarr, dans « La Plus Secrète Mémoire des hommes », nous incite à reconsidérer nos notions de plagiat et d’originalité. Par ses questionnements, il nous rappelle que la littérature est un vaste dialogue entre les époques et les auteurs, une conversation ininterrompue qui continue de façonner notre vision du monde et notre compréhension de l’art littéraire.