Sans doute, la proximité de la Conférence sur la COP 29 à Bakou, en Azerbaïdjan, m’a-t-elle poussé à m’arrêter un peu plus sur un poème qui rend compte des confidences de la Terre exprimant ses peines, ses angoisses, toutes portées par les questions lancinantes et graves de développement durable, d’environnement, de protection de notre cadre de vie, pour nous et, surtout, pour les générations futures.Ainsi, 《 ces dépôts d’ordures… ces explosifs /Aux effets corrosifs… ces immeubles hauts / Se dressant tels des tableaux .. les gaz à effet de serre…les glaciers (qui) fondent … En somme, les dangers que court l’homme et qui sont de son fait, de sa responsabilité ou, plus exactement, de son irresponsabilité.

Ces vers rendent compte de ce qu’on pourrait appeler l’engagement de la poétesse, sensible au devenir de l’humanité, sûre de porter sur ses frêles《épaules, le destin de toute I’humanité.

Léopold Sédar SENGHOR avait raison, dans son recueil Éthiopiques, d’affirmer, droit dans ses bottes et ses certitudes que La poésie ne doit pas périr. Car, alors, où serait l’espoir du monde ? . On pourrait ajouter, au regard du genre et de sa consubstantialité avec le souffle, qu’elle est impérissable. Senghor, en réalité, réaffirme la place irremplaçable de la poésie dans la constitution d’une humanité vraie.

Aussi est-il intéressant, parcourant la poésie de Seyni de se demander pour quelles autres raisons écrit-elle ? La question n’est pas banale, beaucoup d’auteurs ne se la posant jamais, emportés qu’ils sont par la force déferlante des mots et des phrases poussés vers la sortie, comme d’une parturition,donc irrépressibles, se jouant quasiment de ceux-la qui vont, non sans quelque audace et prétention,poser leure signature au bas des textes, sur les couvertures. Seyni Seck assume:

« J’écris

Les mots viennent du cœur Tombent de mes mains Sur ma plume

J’écris

Pour me confier à moi

Sur mes joies et mes peines

J’écris pour me parler

Tout bas sur ma vie

Accueillir le meilleur

Appréhender le pire

J’écris pour sourire à la vie

Témoigner ma gratitude J’écris

pour pleurer

Sur les maux des mots

Échapper au poids de la vie

M’évader dans un monde

Ou abonde un vide plein de vie

J’écris pour tendre la main à l’inconnu

Lui donner mon cœur sur la main

J’écris pour faire vivre l’amour

Dire je t’aime

J’écris pour dire merci « 

Nous voyons bien, dans ces vers que je me plais à citer entièrement, que ce qui la fait laisser son poème couler du cœur, c’est justement…le cœur, siège quelque part de l’émotion qui revêt souvent les habits d’un mysticisme insoupçonné.

Et viennent les sujets simples et vrais qui accompagnent la vie depuis l’enfance, thème majeur du recueil, jusqu’à la fin c’est-à-dire la mort dont une certaine évocation nous laisse les bras ballants d’impuissance, de désolation,d’abandon coupable et, il faut l’avouer, criminel,à l’image de ce corps rejeté par la mer, horreur suprême sur la si belle plage !J’emploie à dessein l’article défini LA, en parlant de la plage,car il me semble bien que la poétesse, même si elle ne le dit pas expressément, suggère par ses allusions et ses non-dits, qu’elle a poussé au bord de l’eau, joué à s’y perdre de bonheur, respirer à pleine haleine les effluves et l’air embaumé des chants et voltiges des oiseaux marins.

Les coquillages, bien sûr, intéressent la poétesse.IIs sont caractéristiques d’un univers qu’ils ont pavé, pour ainsi dire, depuis des millénaires, et d’une culture spécifique qui s’exprime toujours dans un sourire blanc comme..les coquillages.Le jour et la nuit, enigmatiques, encadrent les vers, tout comme la nature, les arbres, les états d’ame comme la tristesse, la joie, la peur ou plutôt les inquiétudes qui appellent des interrogations sur soi et sur les autres. « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! Insensé qui crois que je ne suis pas toi  » (Victor Hugo).

Seyni Seck est une poétesse ! cela ne fait aucun doute. Elle puise du tréfonds d’elle-même des idées et sentiments qui l’habite et qu’elle partage à travers un art consommé du vers. Ses textes sont composés de vers courts qui sautillent comme des petits poissons,rebondissent comme les vagues de la mer. II n’est pas étonnant que la dernière partie du recueil soit composée de Haïku, ce genre du Japon qui conquiert progressivement le monde et, d’abord le Sénégal et qui allie, sur trois (03) vers, la nature et les sensations. Un exemple:

« Feuilles qui tombent

Sur ma fenêtre

Vent frais du matin »

Enfin, Éclosion est un recueil que parcourent l’amour et la tendresse, c’est une main tendue,une main à saisir pour poursuivre, ensemble,le chemin:

« Prends cette main tendue 

Qu’aucun souci n’a vendue

Je te tends ma main

On sera ensemble demain »

Demain, je l’espère, la poésie de Seyni Seck ira, par le monde, semer les graines de l’espoir.

Abdoulaye Racine Senghor Professeur de Lettres, Écrivain,