Dans la foulée de la discussion à laquelle j’ai pris part le 27 février dernier, j’ai découvert votre brillante contribution. Je voudrais rejoindre le concert de félicitations qui vous ont été adressées au regard de la qualité de votre réflexion. Une écriture solide et qui ne s’encombre point de verbiage ennuyeux.
Mais aussi une kyrielle d’interpellation, destinées à la Direction du livre et de la lecture publique (DLPL) et donc, à votre serviteur et à ses collaborateurs. Des femmes et des hommes de grande qualité, et dont je loue l’abnégation et la générosité.

Pour en arriver à votre texte, mon commentaire concernera 3 points :
* les prix littéraires ;
* la bibliothèque nationale ;
* la promotion des écrivains.


  1.   Les prix littéraires
Pour la clarté de la discussion, je voudrais vous rafraîchir la mémoire : l’exploitation des archives de l’édition 2017 du GP laisse apparaitre que votre recueil de poésie intitulé  » les monologues du silence  » était en lice… C’est heureux que vous ayez choisi de ne pas en parler. Je suppose, que ce silence signifie un respect pour le travail d’un jury qui a été irréprochable le long du process ayant conduit à la désignation de  » Fergo, tu traceras ta route  » de Madame Rahmatou Seck.
D’emblée, je vous rejoins dans la dénonciation du conflit d’intérêt qui survient, lorsqu’un juré doit évaluer son œuvre ou celle de son auteur.
Vous avez souligné et avec déférence, le dernier acte ayant élevé Cheikh À Kane et Aminata Sow Fall à la dignité de Grand Prix et hors compétition.
Quatre considérations méritent d’être prises en compte pour apprécier convenablement le choix porté sur ces deux monuments de notre patrimoine littéraire :
. À 95 ans pour l’un et à 83 ans pour l’autre, ces 2 auteurs ont tout donné aux Lettres de notre pays
. Ils n’ont pas été proposés sur un coup de tête. Des femmes et des hommes honnêtes et dévoués les ont adoubés et choisis dans un remarquable plaidoyer.
. Ensuite,- et il faut le savoir- le règlement du Concours prévoit la nomination d’un Grand Prix sur la base d’une carrière littéraire, comme ce fut le cas pour Sembene Ousmane en 1993 et Cheikh Aliou Ndao en 2011
. Enfin, le Chef de l’Etat que la Constitution consacre comme Premier Protecteur des Arts et des  Lettres dans notre pays, jouit d’un imperium qui l’autorise à désigner un Grand Prix, sans être obligé de justifier son choix ou d’en rendre compte. Mais dans le cas qui semble irriter certains, le Président de la République a fondé son acte sur un dossier en béton que personne ne saurait contester.
De nos jours, les prix littéraires se multiplient. Il faut très certainement s’en réjouir, si tant est que cela exprime le choix de l’Excellence.
Pour autant, l’Etat devrait garder la main en se donnant les moyens d’ériger les bons filtres, pour endiguer l’inflation des prix littéraires. Cela ne rime pas avec une volonté de caporaliser l’initiative privée dans ce segment précis de la promotion et de la reconnaissance.
Mais il s’avère impérieux d’œuvrer avec tous les opérateurs, pour déterminer, le moment venu, les critères d’une bonne labellisation des meilleurs projets supportés par le ministère en charge de la Culture. C’est à mon humble avis, la voie la mieux indiquée pour mettre un peu d’ordre dans des initiatives certes louables dans notre écosystème, mais à forte valeur corrosive si l’on y prend garde.

  2.   Sur la BNS
Là aussi, je vous concède votre étonnement :
Quand un pays compte parmi ses fils, Léopold Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop, Ousmane Sembéne, Aminata Sow Fall, ken Bugul, Fatou Diome, Mame Younouss Dieng, Souleymane Bachir Diagne, Djibril Samb, Boubacar Boris Diop, Mohamed Mbougar Sarr ect… il peut s’enorgueillir du titre de pays de Culture. On devrait valablement reconnaître au Sénégal l’identité de locomotive culturelle du Continent africain. Au-delà de la légitime fierté que procure un tel statut, il s’agit de persévérer, en investissant dans la durée par l’édification d’institutions patrimoniales majeures.
Notre pays doit compléter son armature culturelle déjà riche en infrastructures patiemment érigées au cours des 50 dernières années.
Les chaînons manquants les plus frappants sont  :  la Bns, la maison des Archives, l’Ecole nationale des métiers des arts et de la culture (Enamc) la Cité du cinéma entre autres.
Recenser, conserver et diffuser tous les documents imprimés ou numériques, audios ou vidéos produits sur le territoire national et concernant notre pays, est un sacerdoce qu’aucun État responsable ne saurait esquiver. Il est heureux de savoir l’engagement du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye à  » reprendre en mains  » les composantes essentielles de notre mémoire collective  : revisiter Thiaroye 44 est une belle illustration de ce choix politique qu’il faut  magnifier et encourager. L’enjeu étant de libérer des flancs de la bibliothèque coloniale, cette  BN devenant  » le carrefour de tous les rêves de l’humanité  ».
Nos quatre murs ne sont pas encore sortis de terre pour authentifier l’existence d’une Bns. Mais pour autant, les bureaucrates que vous brocardez en passant ne  » prolongent pas la sieste ».
À la date d’aujourd’hui, nous avons une bonne préfiguration de ce que sera notre Bns avec un matériau ainsi composé :
. Un avant projet de loi sur le livre,
. Une révision de l’ ensemble des textes relatifs à la Bibliothèque nationale du Sénégal
. La problématique des ressources humaines
. Celle du dépôt légal
. Du contenu de la BNS
. Du mode d’acquisitions des ouvrages
. De la valorisation du patrimoine documentaire
. Des manuscrits religieux
Ect…
Par contre, et sur un autre registre, je ne partage pas votre appréciation sur les bibliothèques qui  » se meurent  ». Vous ne fournissez pas l’exacte mesure de cette agonie. Dès lors, ma déformation professionnelle m’impose d’aller au-delà du flair pour creuser un peu plus, et sur une base statistique irréfutable, assortie d’éléments factuels qui aideraient à mieux comprendre la  » mort  » des bibliothèques.
Mais dans le cas d’espèce  le raccourci me semble l’emporter sur une analyse documentée. On pouvait s’attendre à l’évocation du réseau national de Lecture Publique. Il en est de même des événements littéraires (Foires, salons, journées dédiées) des animations menées dans les bibliothèques, les Centres de lecture et d’animation culturelle (Clac) en partenariat avec les associations professionnelles et autres collectivités territoriales.

  3.   La promotion des Écrivains
Nos réalisations dans ce domaine ne souffrent d’aucun doute. De solides actes ont été posés et ont contribué à la consolidation d’une diplomatie culturelle renforcée par la vitrine éditoriale du Sénégal. Une centaine d’acteurs (écrivains, éditeurs, libraires, professionnels du livre) ont ainsi répondu aux invitations de nombreux pays amis. Le Sénégal est à l’honneur dans les foires et Salons parmi les plus prestigieux d’Afrique, d’Europe et du Canada : Conakry, Abidjan, Québec, Tunis, Alger, Casablanca, Le Caire, Paris, Genève, Francfort, Bruxelles.
Tout ceci pour souligner un engagement à servir un pays qui nous a tellement donné. Notre enthousiasme est d’autant plus fort à maintenir le Cap. L’intérêt que le Chef de l’Etat, le Premier ministre et son gouvernement porte à notre segment nous commande de persévérer.
Vous faites bien de mentionner la commande relative au Forum national sur le livre et la lecture, fin juin 2025.
De manière inclusive et avec tous les acteurs sérieux et soucieux de travailler sans calculs, nous sommes déterminés à en faire un temps d’exaltation de l’ambition que nous portons au livre et à la lecture.
En guise de conclusion-et en remerciant M Sy pour sa délicate attention-j’aimerais évoquer la  » réponse cinglante  » (pour reprendre l’un des titres d’un chroniqueur) qui a été servie au DLL par  son debateur du jour.

Sans vouloir prolonger la discussion à laquelle je faisais allusion tantôt, je crois utile de revenir sur 3 marqueurs mis en exergue pour structurer les contours de mon identité 

_________

Entre Devoir, Lecture et Écriture : Chemin d’Engagement et de Sagesse

____


  1.   Un fonctionnaire en menottes :
Oui, je suis au service de l’État dont je m’efforce de traduire et au quotidien, la Vision et dans le cadre des missions qui me sont imparties.
Par contre, je ne suis point un béni oui-oui. J’exerce le sacerdoce et avec en bandoulière le postulat suivant : une liberté d’opinion qui ne bouscule pas mon devoir de réserve.
  2.   Qui lit mal !
Je ne suis ni écrivain encore moins critique littéraire. Mais il m’arrive d’ajouter que j’ai le privilège de lire et de voir passer de très beaux textes. Et disons le en toute amitié  » Tout comme des navets que je me garderai d’offrir à des personnes passionnées de lecture  »
  3.   Le choix de l’écriture utile, dans la courtoisie et la délicatesse.
Sans aucune prétention, et en respectant le choix d’autrui, j’inscris mon rapport à l’écriture dans la leçon délivrée au 16e siècle à Tombouctou par Abderrahmane As Sadi, chroniqueur du Tarikh Es Soudan.
A côté d’un Hérodote d’Halicarnasse, d’un Ibn Khaldoun ou d’un Jean Chesneaux qui dissertent sur la finalité de leur métier, As Sadi a  hissé la barre à un niveau rarement égalé  : la finalité de mon oeuvre dit il, consiste à réconcilier l’homme avec Son créateur. Dit autrement, il choisit d’évoquer des trajectoires historiques tout en respectant les rigueurs de la méthodologie. Remettre L’HOMME dans la permanence du RAPPEL est la seule finalité de son immense travail d’historien.
Adepte de cette École, je fais le choix de l’écriture qui instruit sans blesser inutilement.
Avec l’espoir d’avoir été compris, je vous réitère ma délicate considération.