𝗣𝗼𝗿 𝗔đ—șđ—źđ—±đ—Œđ˜‚ 𝗟𝗼đ—șđ—¶đ—»đ—Č 𝗩𝗼đ—čđ—č, đ—œđ—Œđ—ČÌ€đ˜đ—Č

« Chacune de vous, chacun de vous, porte quelque chose de grand, visible ou invisible.

Vous êtes trop importants et trop prĂ©cieux à la nation pour que l’on ne vous prĂȘte pas toute l’attention requise.

Chacune, chacun de vous, est une espĂ©rance, une Ă©toile qui brille ou qui s’apprĂȘte à briller.

Que personne ne vous fasse croire que vous n’êtes rien, que vous ne reprĂ©sentez rien.

Chacune, chacun de vous est irremplaçable. Croyez en vous.

Si vous ne croyez pas en vous, vous ne croirez en rien, mĂȘme pas à votre belle jeunesse.

Chacune, chacun de vous est un fruit rare. Vous êtes nos premiers gisements.

Nos premiers puits de pĂ©trole, de gaz. Vous êtes notre premiĂšre richesse.

Chacune, chacun de vous, est un bijou pour nous. Vous reprĂ©sentez le SĂ©nĂ©gal et le SĂ©nĂ©gal à travers vous, l’Afrique, le monde.

Vous comptez dans ce pays et ce pays compte sur vous.

Bien sĂ»r, vous n’êtes pas venus au monde seul. Personne n’est venu au monde seul. Vos parents comptent. Un papa, une maman sont sacrĂ©s.

Quels qu’ils soient. Quel que soit ce qu’ils ont été pour vous. Si vous devez ramper, vous agenouiller, baiser une main, un front, commencez par leurs genoux, leurs mains, leurs fronts. Le Coran nous dit que c’est là ou réside notre gloire.

Bien sûr, il nous faut un guide dans la vie, un maitre, un exemple, une référence.

Ce guide, ce sont d’abord les prĂ©ceptes que notre religion et son prophĂšte, compris tous les prophĂštes des autres religions révélées, nous dictent de suivre: travailler, servir, faire du bien, ĂȘtre juste, porter la paix, raffermir les fraternitĂ©s, Ă©toffer les solidaritĂ©s, coudre les dĂ©chirures.

Les guides, c’est aussi les hommes et d’abord ceux à qui Dieu a parlĂ©Ì ou parlent encore dans un monde où l’argent, le paraitre, croient pouvoir prendre Sa Place.

Parmi ces hommes à qui Dieu a donnĂ©Ì Sa LumiĂšre, il y a nos saints.

Il suffit de regarder, entre autre, El Hadji Malick Sy, Serigne Touba, Seydina Issa Laye, Ibrahim Niasse, ou imaginer ce que fut leur vie, pour mesurer la beautĂ©Ì et la force du travail et de l’humilitĂ©Ì.

Il suffit de revenir sur ce que nous gardons d’eux comme image unique et comme Ă©cho d’un autre temps du monde, pour mesurer ce que la postĂ©ritĂ©Ì nous a laissĂ©s et nous a enseignĂ©s sur leur vie humble et studieuse d’ermite, pour enfin s’arrêter devant la vraie grandeur humaine.

Le monde n’est pas beau. Il n’est beau nulle part. Aucune jeunesse n’est à l’abri de l’angoisse et du visage fermé de l’avenir.

Mais vos parents, vos cultures vous ont donnĂ©Ì des armes pour ĂȘtre invincibles.

Vous n’êtes pas dĂ©sarmĂ©s comme pourraient l’ĂȘtre les autres jeunesses du monde.

Si vous portez vos propres habits, si vous gardez dans vos cƓurs la flamme du travail, de la foi, de la patience, de l’humilitĂ©Ì, rien ne pourra vous vaincre: ni la vanitĂ©Ì, ni l’orgueil, ni la jalousie, ni l’argent mal acquis, ni l’envie, ni le mal.

Ne renoncez pas à aller à la conquĂȘte du monde.

Mais allez-y sans vous suicider jeune. Allez-y avec dignitĂ©Ì en ayant toujours en mĂ©moire qui vous êtes et ce que l’Occident pendant des siĂšcles a fait de vos peuples, sans les vaincre.

Ne portez-pas aux nues l’Occident. Votre continent lui a beaucoup donné, beaucoup prĂȘtĂ©Ì, mais il a peu donné en retour et a oubliĂ©Ì ce qu’il a emprunté, ce qu’il a arrachĂ©, spoliĂ©.

Mais n’oubliez pas aussi que l’Occident est nĂ© d’une grande civilisation avec des cultures admirables.

Ses musĂ©es, ses « usines du rĂȘve », sont remplis de nos trĂ©sors et notre Ăąme.

Ce mĂ©tissage n’est pas Ă  rejeter, Ă  condamner. Une douloureuse histoire l’a bĂąti mais il est bĂąti et il est l’avenir de notre humanitĂ©.

N’attendez pas tout de votre pays. Ne le sous-estimez pas. Ne l’humiliez pas.

On ne demande pas à prendre ce qui vous appartient.

Ce pays est le vĂŽtre en premier. Bâtissez-le en posant votre brique. Aucune brique ne sera de trop.

Levez-vous avec ce qu’il vous a donnĂ©Ì comme drapeau, comme nation, comme patrie et allez accomplir vos rĂȘves en y mettant toute l’énergie de votre vie et votre rage de servir, d’ĂȘtre utile.

Toute la terre est notre patrie.

Sur le quai de ce pays, votre container attend.

Qu’il soit rempli, lourd et riche de votre sueur. Jeunesse, refusez d’avoir un passé qui vous Ă©crase, refusez surtout de se soumettre à lui s’il est lourd, handicapant.

Qu’il soit plutît le moteur de vos ambitions. Inventez-vous un avenir, remplissez-le et accomplissez-vous.

Une jeunesse se bat pour ses droits et meurt pour ses devoirs. Certes, ne pas pouvoir accomplir vos devoirs n’est pas une honte.

Par contre, ne pas chercher à les accomplir est une trahison. En mourir n’est pas une loi, mais une sombre dĂ©mission.

La tragédie n’est pas l’incapacitĂ©Ì de votre pays à vous procurer un emploi.

La tragĂ©die ce n’est point des hommes politiques inanimĂ©s. Ils sont souvent morts avant d’exister.

La tragĂ©die c’est vous-mĂȘme, quand vous refusez de vous battre, de croire en vous-mĂȘme. « Ceux qui luttent ne sont pas sĂ»rs de gagner, mais ceux qui ne luttent pas, ont dĂ©jĂ Ì€ perdu », nous dit Brecht.

Refusez que l’État soit plus grand, plus noble que vous. C’est vous l’État. Nous sommes tous l’État, adultes ou jeunes.

Ne prenez pas le miroir que l’on vous prĂȘte. Vous êtes votre plus fidĂšle miroir.

Agissez.
Résistez.
Libérez-vous des chaĂźnes de l’assistanat.

N’attendez personne pour venir vous louer un rĂȘve. Soyez propriĂ©taires de vos rĂȘves.

N’attendez pas que l’on vienne vous atteler au train du bien-ĂȘtre social.

Vous raterez le train.

Conduisez-le plutĂŽt.

Ne mettez pas dans votre lit la paresse, le dĂ©couragement, la mĂ©diocritĂ©Ì, l’illettrisme, le parasitage, l’indignitĂ©Ì.

Soyez votre propre livre, votre propre prophùte. Votre jihad est d’apporter votre propre pierre aux autres Diamniadio de demain, aux autres AIBD de demain, aux autres autoroutes de demain, aux autres grands hîpitaux de demain, pour que votre peuple vive heureux.

Votre jihad est de forer d’autres puits de pĂ©trole et de gaz.

La jeunesse sĂ©nĂ©galaise possĂšde cette force, cette envie, cette rage d’assĂ©cher la mer pour qu’aucune barque ne s’enlise plus au fond d’impitoyables ocĂ©ans et que de Grands Blancs aux leçons puantes et à l’histoire prĂ©datrice, ne continuent à s’apitoyer sur l’Afrique, aprĂšs trois siĂšcles d’extorsion, de cambriolage et de viol de leur part.

Qu’elle se taise donc, l’Europe Ă  dĂ©faut de nous respecter !

Pour notre part, prions pour elle car elle a peur et elle affronte un avenir incertain.

Elle ne rembourse rien, elle répare avec peu, alors qu’elle nous a tout pris, sauf ce qu’elle ne croyait pas ĂȘtre l’essentiel : notre Ăąme !

Ne nous retournons plus.
Avançons.
Travaillons.
Pensons.
Cherchons.
Produisons.

L’art, la pensĂ©e, la crĂ©ativitĂ©Ì littĂ©raire et artistique, ont montrĂ©Ì le chemin à nos peuples mais pas Ă  nos gouvernants.

Les lettres et les arts nous apportent le respect des autres, le rayonnement international et nourrissent leurs auteurs plus qu’ils ne les appauvrissent, comme on veut le faire croire.

Ce sont nos États qui vivent plutĂŽt de la dignitĂ©Ì des mendiants, mais dĂ©sormais de belles voix d’hommes d’État s’élĂšvent de l’Afrique pour ranger les gamelles.

L’Europe aussi tend ses gamelles à la Banque mondiale, au FMI, à la Chine, aux Émirats arabes, au fonds commun de l’Union EuropĂ©ennes.

Elle les tend mĂȘme à l’Afrique, mais en renversant les rĂŽles, alors que nous n’avons pas cessé de les remplir d’or, de diamants, de pĂ©trole, d’uranium, avant notre sang d’hier !

Puisse la jeunesse europĂ©enne forte et belle, refaire le chemin des cactus, lever d’autres aubes, apprendre à lier le bois au bois, apprendre à ne pas vaincre mais à aimer.

Jeunesse, rebroussez chemin partout où votre dignitĂ©Ì peut ĂȘtre piĂ©tinĂ©e. Restez chez vous et dĂ©couvrez de jour en jour la grandeur de votre mission en terre natale.

Avec vous, c’est d’une nouvelle « gĂ©nĂ©ration de l’espĂ©rance » dont il s’agit ! C’est une belle aube qui se lĂšve sur le SĂ©nĂ©gal ! Laissons-la couvrir l’avenir.

Notre jeunesse nous Ă©tonnera ! C’est dans le domaine de la foi, « domaine inaccessible aux sciences et à la raison », que nous accĂšderons à notre propre vĂ©ritĂ©Ì.

Jeunesse de mon pays, armez-vous de cette foi.

Le lait de vos mĂšres, les leçons incandescentes du Coran, les psaumes de la Bible, les yeux aimants et de tendresse de vos pĂšres, vous ont appris que nul n’est besoin de chausser les pattes du lion avec des mocassins, pour affĂ»ter son approche silencieuse du gibier.

Vous portez vos propres armes.
Rien ne peut vaincre la foi !
Nourrissez-vous d’elle.

Il nous « faut croire au progrĂšs et à la capacité de tous de s’élever », quel que soit le temps du monde.

Il nous faut travailler pour « une gĂ©opolitique de l’autosuffisance alliĂ©e à une plus grande compĂ©titivitĂ©Ì sur le plan de la recherche et du savoir ».

L’espoir doit revenir et elle reviendra.

Agissons et dispensons la bonne parole. Il en restera un fruit et ses graines seront d’une semence prodigieuse.

Nous y arriverons plus vite si « la vie de la sociĂ©tĂ©Ì est nourrie de la vie de l’esprit ».

Nous devons Ă©galement et plus vite encore, en accĂ©lĂ©rant, mieux, « reclasser la jeunesse dans l’économie nationale ».

La jeunesse est faite pour la gloire de la patrie !

Oui, une grande mélancolie couvre le monde: « mélancolie démocratique », mélancolie économique, mélancolie sociale, mélancolie spirituelle.

Jeunesse de mon pays, enjambez cette détresse, ignorez ces tableaux sombres et portez le manteau de l’enthousiasme.

Votre navire lĂšvera l’ancre si vous avez le goĂ»t du sel sur vos fronts.

L’on dit, à tort ou à raison, que les intellectuels sont déconsidérés car ils ne servent plus l’esprit mais rĂŽdent plutĂŽt autour des palais des rois.

Les Ă©crivains ne sont plus lus. Les poĂštes sont de naĂŻfs et paumĂ©s insulaires. Les imams sont suspects. Les marchands d’ombre font paradoxalement de l’or la nuit plus que le jour.

L’hypocrisie est devenue la valeur la mieux partagĂ©e. C’est le sauve qui peut, si ce n’est le silence des meilleurs qui ont fait vƓu de chastetĂ©Ì, retranchĂ©s dans leur dignitĂ©Ì, loin de toutes souillures.

Notre jeunesse doit savoir. Elle doit peser le temps du monde et la détresse des sociétés. Elle ne doit rien attendre, elle doit tout apporter, bùtir de nouvelles destinées.

En vĂ©ritĂ©Ì, jeunesse, personne ne vous croit capable d’un tel sursaut, au regard des tares que vous semblez porter dans un cruel dĂ©ficit de connaissance et de formation.

Les nouvelles technologies vous plongent dans une terrifiante facilité, comme la drogue qui rend si lĂ©ger au point de prendre la mesure fatale de croire que l’on peut voler comme les oiseaux: voler.

En somme, rien ne semble ni solide, ni garanti en vous.

Et si tout le monde se trompait, perdu par cette absurde comparaison entre ce qu’ont été les femmes et les hommes formĂ©s dans les annĂ©es 50-70 et cette inquiĂ©tante jeunesse des annĂ©es 2000 ?

Il faudra apprendre Ă  faire mieux et plus qu’El Hadji Malick Sy, Serigne Touba, Seydina Issa Laye, Baye Niasse, Socrates, Rousseau, Hugo, NapolĂ©on, Gandhi, Einstein, Marx, Mozart, Beethoven, Samory, KeĂŻta Fodéba, Nkrumah, Mandela, Toussaint Louverture, Martin Luther King, MĂšre Teresa, Jean Paul II, Senghor et tant d’autres?

Pourquoi parmi vous le monde ne donnerait-il pas d’autres grandes dames et grands hommes que ceux-lĂ Ì€, aujourd’hui que l’éclat et la fascination des inventions et des capacitĂ©s de l’homme à conquĂ©rir l’espace, donnent le vertige?

Alors, il nous faut croire en notre jeunesse ! Nous croyons en votre capacité de changer votre pays, votre continent, de vous faire une place dans le monde et de changer le monde.

Là est votre pari, là est notre espoir, nous vos mĂšres, nous vos pĂšres, vos devanciers.

Nous vous laissons relever ce pari sur cette terrifiante planète-terre menaçante, où se faire une place semble relever d’un enfer sans nom.

Pourquoi plus le monde accomplit des prouesses scientifiques et technologiques hors du commun, plus tous les horizons semblent bouchés, clos, fermés ?

La recherche d’emploi, le chĂŽmage endĂ©mique, la dĂ©tresse, les maladies, la pauvretĂ©Ì, la solitude, l’injustice sociale, l’enfer des arĂšnes politiques, les cahiers secs des Ă©coliers et les cailloux pleins les poches des Ă©tudiants, le savoir punitif des prĂ©posĂ©s et mauvais marchands d’alphabets, la conscience terrifiante qu’une tombe serait plus confortable que cette vie sur terre, dĂ©crivent un monde moderne à la fois aux confins de toutes les misĂšres, de tous les gouffres humains, mais aussi de toutes les richesses et de toutes les espĂ©rances.

Qui a failli ? Les pĂšres ou les fils? L’État ou la sociĂ©tĂ©Ì toute entiĂšre ? Certainement pas Dieu qui nous appelle à la joie, à la beautĂ©Ì des Ăąmes, à l’amour, à l’entre-aide.

Jeunesse de mon pays, battez-vous pour vivre et que le Seigneur et les priĂšres incandescentes de vos douces mĂšres et l’espĂ©rance infinie de vos braves pĂšres, vous installent dans une vie si belle, si prospĂšre et si longue, qu’il vous arrive un jour de servir votre famille, grandir votre pays, laisser votre nom à l’histoire comme ce jeune paysan venu de Ndiaganiao, devenu Inspecteur des Finances et 5Ăšme prĂ©sident de la RĂ©publique du SĂ©nĂ©gal : Bassirou Diomaye Diakhar Faye, apparu si humble, si poli, si Ă©mouvant, si surprenant.

Meilleurs vƓux à la jeunesse sĂ©nĂ©galaise ! »
Avril 2024.

Amadou Lamine Sall, poĂšte, lauréat des Grands Prix de l’Académie française
Crédit photo : senego