Au 19è siècle, les puissances coloniales françaises, anglaises et autres se sont ruées sur les royaumes africains pour les annexer et asseoir ainsi leur domination. Plusieurs rois ont été emportés par cette déferlante avancée des Européens sauf un qui a su repousser toutes leurs offensives et rester invaincu. Il s’agit de Mansa Kimingtang Kamara, le roi invaincu du Niani dans le Sénégal.
Par Boubacar Agna CAMARA
TAMBACOUNDA – Le deuxième patrouilleur lance-missiles d’une série de trois, commandé par le Sénégal, inauguré le 23 janvier dernier, porte le nom du Niani. Ce royaume situé dans le département de Koumpentoum, à la frontière Sénégalo-Gambienne, a été dirigé par un grand monarque qui n’a jamais subi une quelque domination. Son nom Mansa (roi) Kimingtang Kamara, le roi insoumis du Niani. Son royaume s’étendait d’Est à l’Ouest : à la limite du Wouli, de Koussanar à Sagna dans le département de Kaffrine. Du Djolof au Nord, au fleuve Gambie au sud.
Pendant son règne, ce royaume, en plein cœur du Sénégal, n’a jamais essuyé une défaite face aux puissances coloniales. Il n’a pas connu de domination. Jamais ! D’authentiques Sénégalais, qui jamais ne vécurent, un seul jour, sous l’emprise des colons.
Il a réussi l’exploit de freiner par la force et par les armes, la dévastatrice avancée des troupes anglaises en 1833, juste à l’actuelle frontière Sénégalo-Gambienne. Cette attaque sera la dernière de la part des Anglais. Dans sa fuite, l’armée anglaise laisse derrière elle ses canons et munitions à Ndoungoussine et Kountouata. Si ce royaume n’avait pas fait barrage à ces Anglais, la Gambie actuelle serait deux fois plus vaste, au moins ou elle n’existerait tout simplement pas.
Le roi du Niani est plus connu à travers son retentissant « Non » infligé au roi du Cayor d’alors Lat-Dior Ngoné Latyr Diop. Ce dernier, essuya un refus catégorique et sans ambages lorsqu’il réclama des impôts. Il comprit très tôt que ce roi du Niani était juste indomptable. Et depuis, on entonne ce chant historique et légendaire, « Niani bagn na », qui veut dire « Niani refusa ».
Kimingtang Mba (le grand) Kamara est né dans une famille nombreuse avec beaucoup de frères. Il était le plus jeune. À l’époque, la succession au trône se faisait de père en fils. À la mort du père, l’ainé prenait le trône. Le royaume du Niani a toujours eu une relation particulière avec les fétiches. Le mystique y était très présent. C’est pourquoi, le père de Kimingtang, pour connaitre parmi ses nombreux enfants, celui qui serait digne de lui succéder, a fait appel aux « Djalans ». On lui prédit un test. Celui qui réussissait à trouver l’énigme devait être successeur. Devant l’échec de ses frères, Kimingtang réussit. Mais à la mort du père, la prédiction des fétiches n’est pas respectée. Tous ses frères qui se succèdent au trône n’y durent guère. Le jeune Kimintang était un passionné de chasse et un grand chasseur. Il passait des jours et des nuits dans la forêt pour exercer son activité préférée. Une nuit, alors qu’il était couché sous un arbre, il surprit une conversation entre ses deux chiens de chasse. Ces deux bêtes se disaient que l’arbre sous lequel était leur propriétaire serait, un palabre pour un grand royaume et que sous la pierre d’à côté était caché des fétiches qui rendront ce roi puissant et invincible. Dès le matin, Kimingtang demande à ses compagnons de débroussailler le lieu. Ils partirent et revinrent s’installer, dans cette partie qui appartenait au Wally du Wouli pour en faire sa capitale. Au début, ce dernier lui donna la permission d’habiter, mais à force que le pouvoir du jeune roi s’agrandissait, une jalousie prenait vie. Ainsi, il a fallu vaincre ce royaume du Wouli pour asseoir définitivement son royaume. Pour accéder à la royauté, Kimingtang élimine tous ses autres grands frères à l’exception du cadet avec qui il partageait le même nom.
LE POUVOIR MYSTIQUE DU ROI
Dans les annales de l’histoire, certains rois se distinguent non seulement par leur pouvoir politique, mais aussi par leur aura mystique et leur connexion profonde avec les forces invisibles qui gouvernent le monde. Tel est le cas du Mansa Kimingtang. La naissance même de ce roi est empreinte de mysticisme. En effet, sa maman était la plus laide des épouses du roi. Elle a eu droit à une seule nuit conjugale, à l’issue de laquelle un enfant a été conçu. Quelques mois plus tard, Kimingtang venait au monde.
Le monarque avait des connaissances mystiques qu’il n’hésitait pas à utiliser pour mener ses combats. Il avait une armée d’abeilles qui répondait à son seul commandement et des crocodiles (Ninki-nanka) qu’il domptait. D’ailleurs, sa dernière victoire face aux anglais s’est soldée grâce à l’apport des abeilles qui ont pourchassé les envahisseurs. Grâce à cette capacité à utiliser les fétiches, il avait toujours une longueur d’avance sur ses ennemis qui ne pouvaient déjouer ses plans. Une protection qui pouvait le rendre invisible pour ses adversaires. Fodé Kaba Doumbouya, roi du Boundou, a tenté d’envahir le Niani mais n’ayant pu le localiser, il est retourné sur ses pas avec son armée. Grâce à son « Tata » (enclos fortifié mystiquement pour protéger les femmes, les enfants et les personnes âgées) infranchissable, aux abeilles guerrières, et aux « Kudos » (fusils traditionnels), le Niani sous Kimingtang a su rester invaincu. Il avait le pouvoir de se transformer ou de disparaitre et de réapparaitre comme il le voulait. Si les cavaliers de Niani constituèrent cette mythique armée de braves, ils le réussirent aussi par le singulier usage qu’ils firent, sur le champ de bataille, des pouvoirs mystiques de leur chef. Celui-ci incarnait une fusion unique de pouvoir politique et de spiritualité, régnant avec énigme et sagesse sur son royaume. Sa légende perdure à travers les âges, rappelant à tous que, parfois, les véritables meneurs d’hommes sont ceux qui comprennent les mystères les plus profonds de l’univers.
Le Soleil