Il paraît que des critiques littéraires ont enfin décidé de secouer leurs puces, et de sortir de leur longue nuit de silence.

L’absence de regards doctes et critiques, en effet, a longtemps maintenu la dramaturgie dans les geôles de la confusion et de l’ignorance, au Sénégal.

Durant ces dernières décennies, une frange de troubadours, en provenance de tous les horizons sombres de la Scène, ont envahi cet art vivant, dont l’éthymologie et la portée sont de plus en plus galvaudées.

D’abord une nouvelle génération d’artistes -comédiens a pris d’assaut les remparts de la Scène, cherchant coûte que coûte à mettre en quarantaine les dramaturges. A l’entendement de beaucoup de jeunes comédiens et comédiennes de la Onzième heure, le Théâtre ne concerne que l’interprétariat ou le « jeu d’acteur ».

Incapables eux-mêmes de renouveler l’inspiration ou la mise en scène de nouvelles affiches (Entendons « pièces »), ils sont confrontés alors à leurs propres limites, courant de gauche à droite à la quête de pièces écrites par des dramaturges.

Et même, dans ce cas -là, ils se servent à satiété des textes à leur portée, tout en occultant l’importance et l’implication du dramaturge dans le Théâtre.

L’absence de critiques littéraires, dans ce domaine a laissé perdurer et pourrir ce « traumatisme scènique » (pour ne pas dire cynique).

A cela s’ajoutent des dissonances entre pièce de théâtre et scénario. On se complait davantage à parler de »scénario « , non pas pour le film, mais pour le théâtre. Cette confusion se répand sous nos yeux, au petit écran, à chaque fois que des vedettes fabriquées de toutes pièces, paraissent sous les feux de projecteur.

Cette promotion de l’ignorance, pour ainsi dire, est devenue tellement familière, qu’à la longue le dramaturge est voué aux gémonies. Comme si au pays d’Abou Anta Ka et d’ibrahima Sall (pour ne citer que ceux-là), le Théâtre ne concerne que le comédien, et « rien d’autre »!

La plupart des comédiens et comédiennes sénégalais (ses) sont incapables de produire des textes relatifs à la dramaturgie. Et pourtant ils veulent bien continuer à se vautrer sur la Scène, comme les ultimes héritiers de cette discipline du 5ème art.

Aussi la plupart de ce « fourre-tout » n’ont aucune formation dans ce domaine. Interrogeons -les, comme Monsieur Tounkara durant ses émissions télévisées, et leurs réponses friseraient le ridicule.

Ils ignorent parfaitement que le Théâtre est une discipline enseignée dans toutes les facultés de Lettres du monde.

N’ayant pas de repères (à l’exception des rares intellectuels parmi eux), ils ne s’en font qu’à leurs têtes. Et évidemment, cela a malencontreusement viré à un hybrisme théâtral « , purement commercial, lequel à son tour a donné naissance aux télé-fims que nous connaissons.

Et même ces télé-fims ne suffisent pas pour apporter la lumière dans le « jeu d’acteur », pour la simple raison que l’écrivain ( dramaturge ou scénariste) est exclu de ce rendez-vous de producteurs et de comédiens.

Si les produits nous parviennent, souvent médiocres, c’est parce que ceux qui infestent le milieu veulent en faire un « job-à-huit-clos ». Ainsi ils s’auto-proclament à la fois scénaristes, metteurs en scène, réalisateurs, etc.

Les carences de l’émergence dune véritable industrie culturelle, qui mettrait un terme à la « ghétoïsation » du Cinéma et du Théâtre africain en général, ce laisser-aller.

Bref, il est temps qu’avec la renaissance d’une Critique avérée au Sénégal, qu’on remette les pendules à l’heure. Sinon plusieurs têtes brûlées ( peut -être comme la mienne) continueront de prendre l’arbre pour la forêt.

Mamadou Lamine Sanokho 

(Dramaturge -romancier- scènariste)