L’écrivaine à succès Djaïli Amadou Amal a rejoint le concert de contestations après la décision rendue par le Tribunal de grande instance du Wouri (Douala) dans l’affaire du meurtre de Diane Yangwo. Le mari, qui a reconnu les faits, a écopé d’une peine de prison avec sursis et d’une amende de 52 000 FCFA. « Sans être avocate, magistrate ou tout simplement juriste, j’ai ressenti dans ce verdict une indicible chosification de la femme, passée des dots de 100 000 FCFA à une valeur vénale après assassinat et revalorisation due à sa fonction d’enseignante à 52 000 FCFA », écrit Djaïli Amadou Amal dans la lettre qu’elle a adressée à Laurent Esso, ministre de la Justice, avec une ampliation au président Paul Biya.

Dans cette lettre, elle déplore que les droits des femmes soient anéantis par ce verdict. Elle souhaite que « la conduite de la magistrate qui a rendu le verdict soit scrutée ». Et surtout, elle espère qu’un jugement en appel sera plus favorable aux droits des femmes.

Il n’est pas surprenant que Djaïli Amadou Amal ait pris position sur ce verdict concernant ce féminicide perpétré en 2023. Cette Camerounaise est aujourd’hui considérée par la presse occidentale comme la « figure de proue » du droit des femmes dans le Sahel et, plus largement, en Afrique. Plus jeune, elle a été mariée de force alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Elle avoue avoir vécu l’enfer. Une histoire singulière comme tant d’autres, comme l’écrivaine l’a toujours affirmé.

Pour dénoncer ces conditions difficiles dans lesquelles vivent les femmes dans les sociétés africaines, très patriarcales, Djaïli Amadou Amal a choisi l’écriture. En 2019, elle publie « Munyal : les larmes de la patience » chez l’éditeur camerounais Proximité. Ce livre est réédité plus tard par l’éditeur français Emmanuelle Collas sous le titre « Les Impatientes ». En 2020, le livre remporte le Goncourt des lycéens et Djaïli Amadou Amal passe de l’ombre à la lumière.

Sa voix ne passe plus inaperçue dans l’ensemble du monde francophone. Elle était d’ailleurs l’une des attractions de la partie culturelle du Sommet de la Francophonie d’octobre dernier en France. Elle a même été reçue par le président français Emmanuel Macron.

Au Cameroun, Djaïli Amadou Amal a choisi de soutenir les femmes. Et elle s’est rarement exprimée sur des sujets d’actualité. C’est donc l’une des rares fois qu’elle prend position. Et de toute évidence, elle n’a pas l’intention de baisser les bras. Pour preuve, elle a récemment ajouté une couche en indiquant qu’elle est choquée par ce verdict. De même, elle s’inquiète des répercussions que ce verdict pourrait avoir sur la situation des femmes au Cameroun. « Les répercussions psychologiques d’une telle décision ouvrent un large chemin à la maltraitance des femmes et des personnes vulnérables », écrit l’écrivaine.

Michel Ange Nga