Dans le recueil de nouvelles de Maguéye Touré Le Super-héros, les personnages sont plus accablés par leur psychologie fragmentée que par toute autre donnée. Chaque nouvelle est une sorte de drame psychologique, mais chacune a tout de même ses objectifs, son tracé.

Dans sa nouvelle Téréma, Maguéye soumet à notre jugement de lecteur une description minutieuse des fragments de vie de son personnage éponyme, Téréma, en parcourant à la fois le cœur de son histoire, ses peurs, ses ambitions, ses relations, entre autres, nous donnant du coup accès à un modèle de biographie de personnage vraisemblablement identique. Ce qui n’est pas dénué de signification.

C’est l’occasion pour l’auteur de révéler habilement la manière dont il construit ses personnages de manière générale, en suivant un processus de création classique en accord avec une intrigue captivante. Téréma renvoie à ce que l’on considère comme étant un personnage rond, c’est-à-dire complexe, au regard de son caractère impitoyable, de ses motivations brusques ainsi que de son histoire dans le récit en question… L’auteur se pose naturellement les bonnes questions autour de son histoire : d’où vient le personnage ? À quoi ressemblait son enfance ? Comment était sa relation avec ses parents ? Y a-t-il eu des incidents clés dans l’enfance qui ont façonné cette personne d’une manière pertinente pour l’histoire du récit ?

Dans le contexte de sa nouvelle Téréma, Maguéye Touré nous fait comprendre que le personnage vient d’une famille démunie, pauvre et peut-être même sans espoir de vie tranquille, en proie à une malédiction, d’où l’identité scabreuse du personnage : « Téréma : ce nom lui avait été attribué par son géniteur, selon la coutume de son peuple, pour conjurer la disparition soudaine du bébé. » De toute évidence, le personnage est l’espoir d’une famille décimée par le poids du chagrin et au sein de laquelle sévit toujours cette rumeur accablante de réputation d’une femme malchanceuse. Mais Dieu n’est pas insensible à leur sort. Bakar, autre personnage important, résiste à la tentative d’abandon de son amie face aux rudes épreuves qui l’accablent.

Néanmoins, à travers un récit enveloppé du brouillard chaud de l’angoisse et du malentendu entre les deux amis, Bakar et Téréma, le narrateur nous fait entrevoir la personnalité du personnage à travers ces mots : « son inflexibilité sur beaucoup de questions, ses positions radicales, contre ses propres intérêts, rendent sa vie pratique supportable… » Pour informer le lecteur, il n’hésite pas à préciser son apparence ainsi que ses attributs physiques en choisissant une image qui reflète strictement sa condition difficile : « La jeune femme était totalement décharnée, le visage osseux, le teint livide ; elle tenait à peine debout tant elle paraissait affaiblie. » C’est le genre d’individu qui apprend à cultiver un ego démesuré sous l’effet d’une situation précaire persistante au sein de sa famille.
Maguéye Touré façonne son protagoniste, disons son arc de personnage, à travers une histoire riche de sens, car il s’agit de montrer clairement la fragilité de la vie, des relations humaines, sous prétexte que tout devient à la fois insaisissable et étrange à un moment de la vie, malgré tous les efforts que l’on pourrait envisager pour satisfaire notre ego.

Un épisode qui promet.

El Hadji Thiam