Avec Chambre 7, la journaliste Faty Dieng livre une œuvre marquante, empreinte de douleur, de résilience et de combat. En choisissant de raconter l’histoire de Khady Myriam, une femme meurtrie par un passé violent et un présent semé d’embûches, l’autrice sénégalaise fait de ce roman une véritable tribune pour dénoncer les injustices sociales et les violences systémiques faites aux femmes. 

Faty Dieng : une plume enracinée dans l’engagement
Née à Touba, capitale du mouridisme, Faty Dieng a d’abord suivi des études coraniques avant de rejoindre la prestigieuse Maison d’Éducation Mariama Bâ de l’île de Gorée. Par la suite, elle a poursuivi son cursus à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, tout en réussissant le concours d’entrée au CESTI, une institution réputée pour la formation des journalistes au Sénégal. Diplômée en journalisme et communication, option télévision, Faty Dieng a rejoint la chaîne TFM en 2011, où elle a brillamment exercé avant de fonder sa propre structure, FD Media, en 2024, à partir de laquelle elle anime d’importants podcasts.

À travers son écriture, la native de Touba Darou Khoudoss démontre une sensibilité unique et une volonté farouche de questionner les non-dits de la société sénégalaise. Chambre 7, son œuvre phare, témoigne de cette ambition : dénoncer, alerter et ouvrir des perspectives de réinvention sociale. 

Résumé : entre tragédie personnelle et révolte sociale
Khady Myriam, héroïne centrale de Chambre 7, est une journaliste influente dont la vie est marquée par un passé lourd et complexe. Née d’un viol incestueux, elle est rejetée par sa mère, qui garde le silence sur l’identité de son père, et par la famille maternelle, qui la stigmatise comme une « enfant illégitime ». Seule sa grand-mère, Khady Diop, lui offre amour et protection. 
Après la mort de cette dernière, Khady Myriam subit de plein fouet les violences d’une société patriarcale et hypocrite. Traumatisée par le viol de sa mère, elle se retrouve à commettre un acte de vengeance irréparable, qui lui vaut une condamnation à dix ans de prison. C’est en prison, dans la chambre 7, qu’elle rencontre Nogaye, une autre femme brisée, mais pleine de compassion. Leur amitié devient un refuge dans ce milieu carcéral hostile, où la solitude et les souvenirs douloureux pèsent lourd. 
À sa sortie de prison, Khady Myriam se marie avec Nourou. Cependant, cette union, qui semblait être une seconde chance, s’effondre lorsque Khady découvre que son mari la trompe avec sa propre demi-sœur, Jeanette. Nourou, incapable de supporter cette situation complexe, met fin à ses jours. 
Malgré ces épreuves, Khady Myriam continue de se battre, inspirée par les paroles de sa grand-mère : « Connaître pour comprendre, comprendre pour pardonner, et pardonner pour se libérer. » 

Personnages : une galerie d’âmes en lutte
Le roman est peuplé de personnages aux trajectoires complexes, chacun incarnant une facette de la condition humaine : 

Khady Myriam, le personnage principal, est une figure de résilience et de courage. Son parcours est celui d’une femme marquée par la douleur, mais déterminée à se reconstruire malgré les humiliations et les trahisons. 
Nogaye, sa codétenue, est une femme meurtrie par une vie d’abandon et de rejet. Leur amitié, née en prison, devient une bouée de sauvetage pour les deux femmes. 
La grand-mère Khady Diop, figure maternelle, est le pilier affectif de Khady. Elle représente l’amour pur et la sagesse, offrant à sa petite-fille des leçons de vie inestimables. 
Nourou, le mari de Khady, incarne la trahison et les contradictions humaines. Son suicide est le point culminant d’un mariage miné par les secrets et les non-dits. 
Sidy, premier amour de Khady, est une figure ambivalente, à la fois source d’espoir et de déception. 
Oncle Moussa, symbole du prédateur familial, est le personnage le plus sombre du récit, représentant l’inceste et la trahison ultime. 


Thèmes majeurs : une fresque sociale et humaine

1. La violence faite aux femmes
Le roman explore les multiples formes de violence infligées aux femmes : le viol, l’inceste, l’humiliation sociale, et l’abandon. Faty Dieng aborde ces thématiques avec une lucidité déconcertante, dénonçant les pratiques patriarcales et le silence complice de la société. 

2. La résilience et la rédemption
Malgré ses souffrances, Khady Myriam incarne la force de se relever. Le pardon, suggéré comme une voie vers la guérison, traverse tout le roman et donne une profondeur morale à l’histoire. 

3. La réinsertion sociale
Le séjour carcéral de Khady et Nogaye permet d’aborder la difficulté des femmes à retrouver leur place dans une société souvent impitoyable envers celles qui ont fauté ou qui sont perçues comme « marginales ». 

4. L’amitié féminine
L’amitié entre Khady et Nogaye est une lumière dans l’obscurité. Elle montre que la solidarité peut être une arme puissante contre l’adversité. 

5. La condition de la femme en Afrique
À travers les histoires de Khady et des autres femmes du roman, Faty Dieng questionne les rôles imposés aux femmes et leur quête d’émancipation dans une société profondément inégalitaire. 

Style littéraire : une plume percutante et poétique
Faty Dieng maîtrise l’art de raconter avec une simplicité saisissante et une profondeur émotionnelle. Ses dialogues réalistes, parfois empreints de sagesse populaire, alternent avec des descriptions poignantes, rendant le texte vivant et immersif. 

Les nombreuses citations tirées du roman renforcent cette impression : 
– « Pardonner pour vivre sans rancune ni rancœur. » 
– « Le pardon purifie l’âme. Le courage permet d’affronter la vie. » 

Un message universel
Au-delà des frontières du Sénégal, Chambre 7 résonne comme un appel à la justice sociale. En dénonçant les violences faites aux femmes et en magnifiant leur résilience, Faty Dieng signe un roman universel, intemporel et profondément humaniste. 

un chef-d’œuvre de la littérature engagée 
Chambre 7 n’est pas seulement un roman, c’est un témoignage puissant et une œuvre militante. Faty Dieng, par sa plume, invite à réfléchir, à dénoncer et à espérer. À travers Khady Myriam, elle montre que, même face à l’adversité, il est possible de se reconstruire et de retrouver sa dignité. 

Une lecture essentielle pour tous ceux qui croient en la force de la littérature pour changer le monde.

Babacar Korjo Ndiaye