
Lire Chambre 7 de Faty Dieng a éte un bonheur et une découverte. Dès l’incipit, le dialogue plonge le lecteur dans le système dialogique mis en place l’auteur, laissant la parole aux personnes qui, au fil du récit, s’octroient de plus en plus d’espace et d’étoffe.
Dans cet univers carcéral, Khady Myriam qui w avait soufflé ses 27 bougies 》 ancienne a rédactrice en chef du quotidien le plus célèbre du pays… Désormais, … dans cette chambre 7 pour y occuper une place de choix dans le lot des ombres, des frustrées, des victimes, des malheureuses, des malchanceuses, des coupables, des innocentes…》 partage plus que la chambre avec Nogaye : 《 sa voisine qui était condamnée à une peine de 5 ans, avait déjà purgé sa première année.Orpheline de mère à 5 ans, Nogaye avait été élevée par sa grand-mère maternelle tout comme Khady. Une grand-mère qui l’aimait beaucoup d’ailleurs. Mais à 20 ans…elle en était à son troisième mois de grossesse lorsqu’ elle avait mis volontairement fin à la vie de l’être qui grandissait en elle.》
A travers le récit de leurs malheurs, le roman de Faty Dieng plonge le lecteur dans le monde de l’inceste, de la trahison et de la violence faite aux femmes. L’enfer n’est pas la prison mais l’espace familial, l’espace professionnel qui contraignent l’être femme à subir pour survivre ou à se révolter pour périr.
Lutter c’est ce qui donne le salut aux personnages de ce roman.Une des forces de ce poignant récit est sa construction qui mêle supra et méta narration, discours et médiatisation du discours. La narration superpose le récit des personnages à la premiere personne et celui du narrateur omniscient à la troisième personne.Cette forme hydride donne vie au texte et m’a littéralement saisi tout le long du roman.
La prouesse de l’autrice est d’avoir réussi cette alternance entre troisieme et premiere personne qui s’installe des l’incipit se poursuit jusqu’à la clausule permettant de voir la grande palette technique dont dispose Faty DIENG.
L’auteur est claire dans son optique : la prison prive de tout sauf du droit de dire. C’est ce qui dit Khady : 《Il n’y a pas que la parole qui peut nous soulager. J’ai choisi l’acte pour extérioriser mes sentiments. C’est d’ailleurs cela qui m’a emmenée ici. Je te promets que si je ne meurs pas entre temps, tu entendras l’histoire de Khady Myriam Diop dont la vie… se limitait aux humiliations 》.
Tout passe par la parole ! Dire pour se sentir bien, dire pour critiquer, dire pour se construire un destin. Écrire pour témoigner : ce roman est engagé !
Le roman de Faty DIENG est comme le voulait Stendhal, un《 miroir 》 mais qu’elle ne traine pas seulement le long d’un chemin. C’est un miroir qui reflète l’image hideuse de l’hypocrisie sociale qui détruit le destin des enfants qui, comme Khady, se vengent en croquant les études à pleines dents.
Quand j’ai parcouru ce roman, je me suis senti soulagé de lire le narrateur dire la fonction idéologique de son récit : ~ Elle leva les yeux et fit face à son premier amour. Elle garda le silence et sourit intérieurement. Lui aussi venait de comprendre. Le vase du silence est brisé à jamais. La vérité a éclaté. La brise de ce matin la répandra partout. L’autre combat à gagner,était pour Khady, celui de reconquérir le cœur de son premier amour. Tant pis s’il était divorcé, veuf, ou marié !Egoïste peut-être, mais c’était comme ça !!!》
La technique de la mise en abime fait de l’héroïne une romancière dans un roman. Dans la veine de Aminata Sow Fall,Mariama Bâ et Ken Bugul, ce roman est plein d’espoir tout comme je le suis pour l’avenir de la romancière de talent qu’est Faty Dieng. Vivement le prochain…
Dr Massamba GUEYE La Bouche de l’Afrique》