Avec “Dans la peau d’une femme”, Moustapha Samb s’attaque à des questions fondamentales sur la condition féminine et les inégalités de genre. Inspiré par des faits réels et animé par une volonté de dénonciation, il utilise la fiction pour éveiller les consciences. Désormais traduit en allemand, son roman s’ouvre à un nouveau public, porteur d’une autre sensibilité. Dans cet entretien, l’auteur thiessois, installé en Allemagne, revient sur son processus d’écriture, les défis de la traduction et son engagement littéraire.

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Votre roman “Dans la peau d’une femme” explore des thématiques profondes sur la condition féminine. Quelles ont été vos principales sources d’inspiration pour écrire cette histoire ?


Dans mon livre, je mets en lumière des faits de ma propre société. On est censé connaître sa communauté, et je me suis simplement inspiré de faits réels, de choses que j’ai vues, de situations vécues par des femmes – parfois très choquantes. Cela m’a révolté, et il fallait que j’en parle. L’écriture était pour moi la meilleure manière d’exprimer mes sentiments et de porter ce message.
La lecture m’a également beaucoup inspiré, car « la lecture nourrit l’écriture ».


Votre livre est récemment traduit en allemand. Comment percevez-vous l’accueil que ce récit pourrait recevoir auprès du public germanophone, notamment en ce qui concerne les questions de genre et de société ?


La version allemande du livre sera publiée le 29 novembre 2024, et je suis très satisfait du nombre d’exemplaires déjà vendus. J’en profite pour féliciter les éditions Ceddo pour leur travail remarquable. J’ai reçu de nombreux retours positifs de la part de mes amis allemands et allemandes. Cependant, je n’ai pas encore eu l’occasion d’échanger avec le grand public germanophone depuis la sortie de cette version. Des séances de lecture et de présentation sont d’ores et déjà programmées pour le mois de mai, ce qui sera une belle opportunité d’entendre leurs impressions.

L’inégalité entre les genres est un fléau mondial. À travers mon livre, j’ai voulu transmettre un message : tous les êtres humains sont égaux et méritent d’être traités avec dignité. La traduction m’offre une opportunité d’atteindre un autre public, qui ne connaît pas forcément la réalité de ma société. Connaissant l’engagement des Allemands pour l’égalité des genres et la lutte contre les discriminations, je suis convaincu que mon récit trouvera un écho auprès d’eux.


Quels défis avez-vous rencontrés en tant qu’auteur sénégalais établi en Allemagne, et comment ces expériences ont-elles influencé votre écriture ?


Celui qui voyage découvre. En vivant ici, j’ai réalisé que l’être humain est au centre de tout et doit être traité avec respect. Cela m’a motivé à explorer diverses thématiques pour mettre en lumière ce qui m’indigne dans ma société.

À travers ce roman, j’ai tenté de dénoncer les maux qui étranglent ma communauté : les injustices, les oppressions, les silences coupables. C’est une radioscopie de la société africaine, et du Sénégal en particulier. Mon principal défi a été d’essayer de montrer ce qui est parfois invisible à l’œil nu, car, pour moi, la fonction première d’un écrivain est d’éveiller les consciences.


Thiès, votre ville natale, accueille aujourd’hui un Salon international du livre. Que représente cet événement pour vous, en tant qu’écrivain originaire de cette ville ?


C’est un événement essentiel pour promouvoir le livre, qui reste une source de connaissances inépuisable. C’est aussi une formidable opportunité de mettre en lumière les écrivains thiessois, parfois méconnus ou oubliés. Ce type d’initiative mérite d’être organisé régulièrement, car il peut encourager la jeunesse thiessoise à s’intéresser davantage à la lecture et à l’écriture.


Quels conseils donneriez-vous aux jeunes écrivains qui souhaitent aborder des sujets sensibles et engagés dans leurs œuvres ?


Je leur dirais de rester ouverts d’esprit et d’avoir le courage d’aborder des thèmes considérés comme tabous ou sensibles, comme l’homosexualité, par exemple. Tout ce qui touche l’être humain mérite d’être discuté et exploré en littérature. Mohamed Mbougar Sarr nous en a donné un parfait exemple avec son roman “De purs hommes”.