Mbaye Gana Kébé, figure de proue de la littérature sénégalaise, incarne l’essence même du verbe et de la poésie engagée. Son œuvre foisonnante, à la fois prolixe et érudite, témoigne d’une acuité intellectuelle rare et d’une plume agile, apte à transcender les contingences de son temps. Ce natif de Thiès, venu au monde en 1936 et disparu en 2013, n’a eu de cesse de questionner, d’interpeller et de magnifier l’identité culturelle de son peuple.

Désigné par ses pairs sous l’épithète de « Doyen », il s’est illustré par une prolixité remarquable et une production littéraire foisonnante. Son passage par l’École normale supérieure, aujourd’hui métamorphosée en Faculté des sciences de l’éducation et de la formation (Fastef), fut un moment charnière, forgeant un esthétisme littéraire raffié et une maîtrise stylistique inégalée. D’une aisance oratoire naturelle, cet artiste du verbe possédait un don inestimable d’improvisation et un humour subtil qui charmait son auditoire.

Sa production romanesque compte des œuvres emblématiques, dont « Le Décret », publié dans les années 80, qui marqua toute une jeunesse avide de lectures engagées et réflexives. Par une écriture incisive et une narration magistrale, il y décortique avec sagacité les rouages sociopolitiques de son époque. Son roman « Le Blanc du Nègre » s’attarde quant à lui sur les frictions identitaires et les désajustements culturels, témoignant d’une acuité sociologique fascinante.

Mais c’est dans la poésie que se déploie toute la quintessence de son génie littéraire. Avec des recueils d’une richesse lexicale et mélodique saisissante, à l’instar de « Ébéniques », « Prince noir », « Colombes », « Ronde » et « Soldats de mes rêves », il s’emploie à faire résonner les accents profonds de la poésie africaine moderne. En outre, son implication journalistique le conduit à publier pas moins de 204 nouvelles dans le quotidien national « Le Soleil », tout en s’illustrant dans l’art dramatique à travers des pièces de théâtre marquantes.

Parallèlement à sa carrière d’écrivain, il investit le champ de la transmission du savoir en enseignant à l’École nationale des officiers d’active (Enoa) à Thiès, distillant un savoir littéraire empreint d’exigence et de rigueur. Homme d’engagement, il présidait à la destinée de la Manufacture des arts décoratifs de Thiès et joua un rôle de premier plan au sein du Conseil d’administration du Bureau sénégalais des droits d’auteur (Bsda), contribuant ainsi à la protection et à la valorisation du patrimoine artistique national.

Sa disparition, survenue en 2013 à l’âge de 77 ans, a laissé une empreinte indélébile dans le monde des lettres africaines. Inhumé dans sa ville natale de Thiès, il laisse en héritage une œuvre monumentale et une descendance de cinq enfants. Son ombre tutélaire continue de planer sur les rivages de la littérature sénégalaise, tel un phare éclairant les chemins sinueux du verbe et de l’imaginaire collectif.