Du 16 au 23 juin 2025, le poète, enseignant-chercheur et militant culturel Papa Moussa SY prendra part au Marché de la Poésie à Paris, l’un des plus grands rendez-vous internationaux dédiés à la création poétique contemporaine.

Auteur des recueils Les Monologues du silence et D’ombres et d’échos, Papa Moussa SY incarne une voix singulière de la poésie sénégalaise. Sa parole, à la fois habitée par la spiritualité soufie, nourrie de philosophie et ouverte à la modernité poétique francophone, mêle profondeur éthique, intériorité et quête d’universel. Il s’inscrit dans la lignée des grands poètes africains qui font de la poésie un acte de conscience et de lumière.

Sa présence à Paris s’inscrit dans un mouvement de rayonnement international des lettres sénégalaises. À travers lectures, signatures, échanges littéraires et rencontres professionnelles, il portera une parole poétique enracinée dans les terres du Sahel et tendue vers le monde. Il rappellera, avec force et conviction, l’urgence de soutenir les auteurs sénégalais dans les grands circuits de diffusion culturelle.

Ce déplacement revêt également une dimension diplomatique forte : il participe à renforcer la présence du Sénégal sur la scène littéraire mondiale et ouvre de nouvelles perspectives pour la jeune génération d’écrivains ainsi que pour les politiques publiques du livre.

1. Vous participez cette année au Marché de la Poésie à Paris, un événement majeur de la scène littéraire internationale. Que représente pour vous cette présence en tant que poète sénégalais ? Quels enjeux personnels et collectifs y associez-vous ?

Ma participation au Marché de la Poésie est d’abord une aventure de découverte et d’échange. C’est un moment privilégié de rencontre avec d’autres voix du monde, dans cette grande agora poétique qu’est la place Saint-Sulpice. J’y viens non seulement avec mes propres œuvres, mais aussi en portant celles de quelques poètes de la nouvelle génération sénégalaise : Khalil Diallo, Mour Seye, Fara Ndiaye, Patherson, entre autres… afin de faire résonner la pluralité, la vitalité et la profondeur de notre poésie nationale.

Ma présence ici s’inscrit dans une démarche de diplomatie culturelle, où la poésie devient passerelle entre les peuples, langage de fraternité et outil de rayonnement pour notre imaginaire collectif. C’est aussi une manière d’exporter notre parole, de la faire entendre, de tisser des liens avec d’autres scènes littéraires et de faire connaître le souffle créatif sénégalais au-delà de nos frontières.

Enfin, cette immersion me permet d’acquérir une précieuse expérience : comprendre les dynamiques d’un événement d’une telle envergure, observer les modalités d’organisation, identifier les bonnes pratiques, en vue de penser et de porter demain, au Sénégal, des rendez-vous poétiques d’ampleur internationale, inclusifs, audacieux, ouverts au monde mais enracinés dans notre terre.

2. Votre œuvre poétique se distingue par une forte charge spirituelle et une quête intérieure profonde. Comment conciliez-vous cette intériorité avec l’engagement public du poète, notamment dans un espace aussi cosmopolite que Paris ?

Ma poésie est d’abord une quête de sens, un cheminement intérieur où s’entrelacent la contemplation, l’interrogation et l’élan vers l’invisible. Elle naît d’un regard tourné vers le divin, mais aussi vers l’humain, dans sa complexité, ses contradictions, ses luttes entre le bien et le mal. C’est une écriture qui cherche à comprendre, à relier, à apaiser — sans jamais renoncer à dire.

Dans cette dimension spirituelle, ma poésie devient aussi un engagement public. Car interroger le sens, questionner la lumière et l’ombre en nous, c’est participer à une éthique du langage, à une parole qui éclaire, qui élève et qui résiste à la brutalité du monde. Poétiser le mystère, c’est déjà prendre position. C’est croire encore à la puissance du Verbe pour réhumaniser notre rapport au réel.

Le Marché de la Poésie est un lieu unique où chaque auteur vient avec sa marque, sa voix singulière, son souffle propre. C’est dans cette diversité de formes, de rythmes, d’univers du plus intime au plus engagé, du plus lyrique au plus dépouillé, que s’enrichit la poésie contemporaine. Ma présence ici s’inscrit dans cette symphonie d’expressions, où ma poésie, nourrie de spiritualité, vient dialoguer avec d’autres mondes, d’autres langages.

3. Au-delà de vos textes, vous êtes également un militant de la culture et de la transmission. Pensez-vous que des événements comme le Marché de la Poésie peuvent influencer les politiques culturelles au Sénégal, notamment en matière de soutien à l’édition et à la mobilité des auteurs ?

Je ne suis pas venu au Marché de la Poésie comme simple auteur. J’y suis venu aussi comme militant culturel, conscient que l’avenir de notre littérature, de notre imaginaire et de notre rayonnement collectif se construit autant par l’écriture que par l’action, la présence, l’engagement sur le terrain.

En parcourant les stands, en échangeant avec les près de 500 éditeurs présents, j’ai mesuré l’immense richesse des réseaux littéraires internationaux, la diversité des approches éditoriales, et les potentialités concrètes de collaboration pour nos auteurs. J’ai pris contact avec une grande majorité d’entre eux, dans une démarche volontaire de veille, de connexion, d’ouverture. Ces rencontres sont autant de graines semées pour demain : pour faire publier nos écrivains, pour faire circuler leurs oeuvres, pour les inscrire dans des circuits plus larges.

Le Marché de la Poésie, par son ampleur, son organisation, son ancrage institutionnel, est un modèle inspirant pour nos politiques culturelles. Il nous montre que la poésie peut rassembler, dynamiser des territoires, faire vibrer les rues, créer du lien entre les générations. Il démontre aussi que la volonté politique, le soutien aux éditeurs, la régularité des événements et la mise en réseau des acteurs sont essentiels au développement d’un écosystème littéraire fort.

Enfin, cette expérience confirme une conviction que je porte depuis longtemps : la mobilité des auteurs est cruciale pour le rayonnement de notre culture. Nos écrivains doivent circuler,

participer aux salons, dialoguer avec d’autres voix. C’est ainsi que nos récits grandissent, que nos langues se croisent, que nos cultures s’affirment avec intelligence et dignité.

Le Sénégal est un pays de lettres et de voix. Il mérite d’accueillir un événement d’envergure internationale. C’est d’ailleurs l’un de mes objectifs majeurs. Je m’y engage pleinement. Je travaille à fédérer les énergies nécessaires, pour que Dakar, Saint-Louis ou Louga… deviennent demain des terres de poésie partagée. Car la parole africaine mérite d’être entendue autrement : dans sa force, dans sa diversité, dans son exigence. Le Marché de la Poésie n’est pas seulement une vitrine, c’est un carrefour d’échanges et un levier de reconnaissance.

4. Enfin, quel message souhaitez-vous transmettre à la jeune génération d’écrivains et de poètes africains qui cherchent à faire entendre leur voix dans un monde littéraire encore souvent déséquilibré ?

Nous faisons partie d’une génération qui écrit dans un monde encore traversé d’injustices, d’inégalités symboliques, de déséquilibres littéraires. Un monde où nos voix peinent parfois à franchir les frontières, à accéder aux grandes scènes, aux grandes maisons, aux grandes oreilles. Mais notre parole est là : elle monte, elle insiste, elle dérange, elle éclaire.

Nous n’avons pas à quémander notre place. Nous la prenons. Par l’écriture, par la rigueur, par la persévérance. Écrivons dans nos langues, dans nos corps, dans nos blessures et nos lumières. Écrivons nos villes, nos campagnes, nos douleurs, nos rêves, nos ancêtres. Écrivons pour ne pas disparaître. Pour dire que nous sommes là, debout, lucides, créateurs.

Face à un monde littéraire encore inégal, nous n’avons pas le luxe de l’attente. Nous devons nous éditer, nous soutenir, nous traduire, nous recommander. Créer nos propres revues, nos prix, nos événements. Monter sur scène, frapper aux portes, en ouvrir d’autres. Et surtout, ne pas nous censurer. Ne pas nous trahir pour plaire.

En ce moment, au Marché de la Poésie à Paris, je ressens à quel point il est vital que nous soyons visibles dans ces espaces internationaux. C’est ici que se tissent des ponts, que se bâtissent des possibles. Et c’est dans ces lieux que notre présence doit s’imposer, non pas comme une exception, mais comme une évidence. Car notre écriture est un acte public, une forme de résistance, un outil de construction. Elle porte nos voix, nos peuples, notre part d’universel. Elle est mémoire et avenir. Alors, continuons. Écrivons, militons. Élevons-nous ensemble.