
Poète, romancier, dramaturge, éditeur, professeur de lettres et éducateur sportif, l’écrivain sénégalais connu sous le surnom de Gorkodio incarne une figure rare de l’engagement total, à la fois littéraire, social et spirituel. Dans cet entretien-fleuve, il revient sur sa conception de l’écriture, ses combats pour l’enfance, la femme et la vérité, son attachement à la tradition orale, son rêve panafricain et son ambition éditoriale. Une parole habitée, foisonnante, profondément humaine.
Entretien avec le groupe Espace littéraire
Vous êtes écrivain sénégalais, professeur de lettres dans un lycée, entraîneur de football, éditeur et membre de plusieurs associations. Comment conciliez- vous ces activités et quel temps accordez-vous à l’écriture ?
J’ai emprunté et mis en pratique le concept «Organisation et Méthode » que le Président Léopold Sédar Senghor avait proposé au Sénégal qui venait d’obtenir son indépendance et avait tant de champs à défricher. Un homme d’action, investi d’une mission sacerdotale, un homme dont le surnom GORKODIO signifie en pulaar « l’homme engagé, le volontaire, l’endurant, l’humaniste » n’a pas le droit de se reposer. Il doit être à la disposition de son peuple, de son pays, de son continent, en un mot de l’humanité entière dans les domaines où Dieu lui a offert quelques compétences. En 1996, je me suis engagé dans l’enseignement en qualité de Volontaire de l’éducation. C’est en 2009 que j’ai embrassé une carrière littéraire en publiant EMMA, notre premier recueil de poèmes aux Editions Salamata. Depuis, l’écriture occupe une place centrale dans ma vie. Elle nourrit et se nourrit des autres activités que je pratique pour le bonheur de l’humain, de tous les humains.
Vous êtes poète dramaturge et romancier. Votre livre Racine laisse d’ailleurs voir un croisement de genres où poésie et théâtre se rencontrent. Qu’est-ce qui explique cette pluralité et cette transgéniricité dans votre écriture ?
La littérature avait longtemps souffert de son atomisation. L’heure était venue de réaliser son unité. En tant que professionnel de l’éducation, j’ai toujours pratiqué ce qu’on appelle aujourd’hui la pédagogie de l’intégration dans le but de donner du sens aux apprentissages et de favoriser leur transfert. Dans l’art, j’ai expérimenté la même approche dans le but de mieux faire passer notre message. Car, comme en classe, il faut que le message passe, qu’il soit assimilé et qu’il plaise. Racines est un croisement de genres. Le philosophe Mamoussé Diagne dit dans sa préface que « Racines est un texte singulier que l’on aurait du mal à insérer dans les genres classiques… Est-ce une pièce de théâtre ? Racines contient de telles envolées lyriques que les poètes l’arracheraient aux dramaturges…. Racines tient de l’épopée par le souffle qui anime l’auteur. » Toute ma production littéraire (en poésie, roman, conte, nouvelle, théâtre), analysée par les critiques littéraires africains et sénégalais fait ressortir ce travail d’intégration dans mon écriture.
Soutenez-vous toujours que la poésie est le meilleur des genres ? Pourquoi ?
Je suis poète dans la vie (je l’ai dit plus haut) et dans le texte. La poésie et le poète son serviteur sont un miraculeux cadeau du ciel. La poésie est la gangue qui protège et valorise le plus et le mieux les emblèmes de la langue. La poésie est la langue de la langue. La poésie est le miroir magique dans lequel se contemple la langue. En un mot, la poésie est la mère de tous les genres littéraires qui devraient tous téter sa mamelle maternelle et nourricière. La poésie est sacrée, c’est une force prophétique, philosophique, mystique. Seule la poésie porteuse d’une parole divine pourrait sauver l’humanité déshumanisée par l’homme rebelle à toute parole d’humanité. Les événements de Gazza, de l’Ukraine et d’ailleurs, n’auraient jamais eu lieu si les coeurs des hommes n’étaient pas gangrénés par le virus de l’inhumanité plus vil, plus cruel que celui du corona.
Vous avez remporté plusieurs prix littéraires. Qu’est-ce que cela apporte à votre carrière ? Avez-vous conscience d’une certaine responsabilité sociale ?
Tout artiste aspire à la reconnaissance. Ne nous en cachons pas. Ces distinctions encouragent surtout un travail au service de l’humain et de l’humanité. En tout cas, ma devise, comme celle des Editions Aminata Sow Fall, est : « Par le beau, pour le bien de l’humanité ». Tout artiste est conscient qu’il a une responsabilité sociale tant dans son texte que dans la vie réelle. Il doit éveiller des consciences, alerter, avertir, anticiper, montrer par le doigt de sa plume le chemin à emprunter. Le faisant, il ne doit pas accepter d’être l’otage de forces qui s’opposent, non pour leur propre pouvoir, mais pour le pouvoir du peuple qui, après un décret divin, le donne à qui il veut. Lui, est au service de la vérité, rien que de la vérité. Son seul parti, est la vérité. Son seul candidat est la vérité. S’il y a un drame quelconque, séance tenante, il le panse avec sa petite plume salutaire, salvatrice, puis invite toutes les voix à emprunter la voie de l’introspection, de la réconciliation, de la paix qui aboutit à la prospérité.
Un de vos critiques, Alpha Keita Diamanka, résume ainsi votre pensée littéraire : » La pensée Goorkodienne est (…) un effort d’analyse des conditions du bonheur dans l’ordre existentiel, lequel est par nature tragique. C’est ce qui fait que ses textes, d’une manière générale, intègrent la souffrance et la quête du bonheur ». Quelle est votre démarche, du tragique à la quête du bonheur » ?
Nayanka, la romancière dans LE NID DE LA TORTURE traduit, résume bien cette démarche du tragique à la quête du bonheur. C’est elle qui nous révèle qu’il faut, comme l’a si bien dit le grand philosophe Alpha Diamanka, « s’éloigner du pessimisme de Francfort porté par Nietzsche et Schopenhauer, puis se démarquer de la philosophie de l’absurdité de Camus qui montre que la vie est un non-sens renouvelé et irréversible ». Nayanka, possédée par l’écriture, subit une véritable torture dans son bureau, souffre le martyre en attendant l’inspiration, et au moment de l’écriture de son roman Munia de Niamina avant de connaître la grande libération ou délivrance. La perfection formelle de l’oeuvre ne s’obtient que par et après un dur labeur d’écriture et de récriture. La vie d’ici-bas et de l’au-delà ne se transcende qu’après la souffrance sous toutes ses formes.
Votre premier roman, Le nid de la torture, serait inspiré d’un fait réel… Lequel ? Quelle est la ligne de démarcation entre le réel et l’imaginaire dans votre écriture ?
Le lecteur averti perçoit tout de suite le fait réel ayant inspiré Le Nid de la Torture. Musuma prise de force par Kunterro, le frère de son mari et brisant la loi du silence demande à Nayanka d’écrire une lettre à Jamaaya, sa fille qui veut connaître son vrai père. Cette histoire est réelle, j’ai reçu effectivement la visite d’une dame qui n’est pas Musuma et qui m’a fait part de son dilemme au moment où j’attendais une inspiration. Elle m’a demandé d’écrire pour elle une lettre dans laquelle elle expliquerait à sa fille les faits réels. J’en ai fait une fiction et profité pour aborder toutes les souffrances d’autres femmes comme Munia, Natu Nala, Laura de la Lorraine… C’est le réel qui nourrit la fiction. C’est à partir du matériau que le réel nous offre que nous faisons travailler notre imaginaire. Cependant, dans ce travail, la fiction doit l’emporter sur le réel pour ainsi dire, sinon nous ne serons plus dans la création littéraire où c’est le beau qui doit être privilégié.
L’Afrique est une terre d’écriture, mais d’abord une terre d’oralité. Réussissez-vous à agencer ces deux dimensions dans votre œuvre? Quel regard portez su la littérature orale africaine aujourd’hui?
L’Afrique restera toujours une terre d’oralité. C’est notre patrimoine que nous devons préserver et perpétuer. L’oralité est omniprésente dans toute notre production littéraire. Les chansons populaires de notre terroir foisonnent dans tous nos textes, qu’ils soient poétiques, romanesques ou dramatiques. C’est dans cette perspective que j’ai publié LES CONTES DE NOTRE MAMAN, LES PETITS CONTES DE MAAMABOBO qui démontrent que le développement de la technologie ne doit pas reléguer le temps du conte aux oubliettes. Nos conteurs et tous les aînés ne doivent pas être ensevelis par la pelle du modernisme. Il faut qu’ils se déploient à travers nos villes et villages, à l’école, dans les daaras ou écoles coraniques, sous l’arbre à palabres ou dans les salles de jeux, partout où il y a un enfant à éduquer. C’est dire que les écrivains africains après le glorieux aîné, Djibril Tamsir Niane ont le devoir de collecter toutes ses richesses enfouies à l’intérieur du continent puis de les graver par l’écriture.
Dans votre pièce Sacré feu, l’élu du peuple s’obstine à bâtir un hôtel sur un lieu sacré, le lieu des rites. Puis, il est victime d’un châtiment surnaturel. Le texte pose ici, comme la nouvelle L’arbre fétiche de Jean Pliya et bien d’autres textes africains, la question du conflit entre tradition et modernité. Ici, la tradition prend le dessus. Quel est votre avis sur ce conflit ?
On a beau boire la liqueur du modernisme, le lait de la tradition offert dans une calebasse ancestrale est encore plus nutritif. Le pas en avant vers le rendez-vous du donner et du recevoir doit d’abord se poser sur le terreau fertile de nos valeurs ancestrales. Par exemple, comme le propose notre sœur Annie Coly, battons-nous pour que la famille redevienne un espace de transmission de notre patrimoine culturel. Invitons nos enfants à saluer, surveiller leur langage, aider et assister les parents, cultiver des valeurs comme l’honneur la patience, la retenue, la politesse…
Vous semblez être un fervent défenseur de la tradition. Un de vos textes dénonce la dépigmentation féminine. Une anecdote nous a d’ailleurs été rapportée : vous rencontrez un jour une dame dans la rue et qui vous dit : » C’est grâce à vous que j’ai cessé de me faire décaper la peau ». Mais pourquoi donc ? demande l’auteur. Réponse : » Parce que c’est de moi que vous parlez dans votre livre ». Vous pouvez nous raconter ? Et quel message cette anecdote véhicule-elle ?
Cette anecdote démontre la force, la puissance du travail de l’artiste et aussi sa responsabilité. Je n’ai jamais connu cette dame dépigmentée. J’en avais rencontré une autre qui m’avait inspiré. Celle-ci s’est retrouvée dans ma peinture et a pris conscience des dérives de ce que nous appelons au Sénégal Xessal. J’étais heureux et depuis, cette dame devenue une amie, dévore tous les livres que je produis.
Une thématique revient avec force dans les poèmes de votre recueil Emma : l’enfance. A travers le bébé qui meurt à l’hôpital, à travers l’enfant guerrier, à travers le jeune chômeur. Êtes-vous le défenseur de la cause de l’enfant africain ? Quel message adressez-vous à la jeunesse africaine désespérée aujourd’hui ?
Après la femme, c’est l’enfant, c’est la jeunesse africaine qui me préoccupe et qui est omniprésente dans notre production. Eternel enfant, nous pleurons permanemment les merveilleux moments de notre enfance. C’est dans le poème ‘‘Vélingara ou Wellyaade’’ que j’exprime cette nostalgie ou ce paradis à jamais perdu, comparé au monde d’aujourd’hui dans lequel nos enfants sont menacés, désemparés, abandonnés… Nous défendrons jusqu’à notre dernier souffle cette frange majoritaire de la population. A Vélingara, les mamans nous ont attribué le surnom de Baba Sukabe ou le père des enfants, de tous les enfants. Nous demandons à cette jeunesse d’être patiente et entreprenante. Elle est la relève de demain. Elle doit écouter les aînés, apprendre et comprendre la vie qui est une conquête permanente.
Les adultes sont interpelés dans Emma: « Allo les adultes, vous êtes le refuge de notre sagesse des anciens/ les modèles/ Quel sera votre message/ Votre héritage? »
Nous adultes sommes interpellés, car nous avons des devoirs que nous devons scrupuleusement respecter. Nous devons adopter la droiture et l’intégrité si nous voulons imposer ces valeurs à nos enfants. Si les adultes se battent, désacralisent toutes les institutions, mentent, calomnient, pillent, ne vouent pas un culte sincère à Dieu, portent une kyrielle de défauts, nos enfants hériteront de tout cela et le monde s’effondrera, pour reprendre Chinua Achebe.
Après les enfants, les femmes : Fanta Thiadiel, les héroïnes du Sénégal, les épouses exemplaires, les femmes »traquées par le Trarza ennemi », les femmes aux »Reins perlés », la femme »éventrée par les grossesses répétées », la femme rurale qui »dompte la terre rebelle ». Puis à la fin du poème ‘Dieu te bénisse », vous dites :
»Maintenant on parle de parité
D’égalité d’équité
A quand la flamme de l’espoir
Dans le coeur de cette femme
Miroir des femmes ? »
Etes- vous féministe ?
Si féministe signifie élever sa plume de poète engagé et défendre la parité, l’égalité, l’équité entre l’homme et la femme, alors oui, je suis féministe. Si encourager les filles à rester à l’école et y réussir c’est être féministe alors je suis féministe. Je milite pour une société égalitaire au sein de laquelle les droits humains sont respectés. La femme, la mère de l’élu de Dieu est notre partenaire et non notre adversaire. En bon héritier de la tradition, je soutiens que la femme est le centre de la famille, de la société, elle doit assumer correctement ses devoirs de mère et d’épouse mais je demeure convaincu qu’elle doit participer à l’effort de développement communautaire et jouir de tous ses droits.
Le nom de la romancière AMINATA SOW FALL, Grand prix de la Francophonie de l’Académie française, revient dans votre parcours. Vous avez publié un livre dans une maison d’édition qui porte son nom ; vous lui dédiez votre premier roman où elle est considérée affectueusement comme votre »maman ». A-t-elle joué un rôle dans votre écriture ? Avez-vous des auteurs qui vous ont inspiré ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que c’est ma maman adoptive, par la grâce de Dieu que je remercie. Le vendredi matin, si je tarde à l’appeler, elle me dit d’un ton affectueux et en riant : « Mon fils, je vais mobiliser une délégation qui va venir à Kolda te tirer les oreilles. » C’est merveilleux. Je n’ai baigné que dans un environnement féminin. Je dois tout aux mamans qui m’ont élevé, éduqué, inspiré. Un bon fils honore ses mamans. Je suis heureux d’avoir immortalisé Maamabobo, ma maman biologique par un recueil de contes, et dans des poèmes, nos mamans Fatoumata Idy Sow, Andrée Marie Diagne qui m’appelle « Mon grand fils, je suis fier de toi », et Aminata Niang Diao. Ma maison d’édition porte le nom de Maman Aminata Sow Fall, mon héroïne, mon modèle et inspiratrice en écriture et dans la vie, porteuse de valeurs africaines et universelles positives.
Vous considérez-vous plus comme écrivain sénégalais ou africain ? Pensez-vous qu’il y ait une âme littéraire africaine transversale ? Que pourriez-vous suggérer pour un panafricanisme littéraire ?
Je me considère comme un écrivain africain du Sénégal. Dans ma production, j’ai éliminé toutes les frontières artificielles imposées par les colonisateurs. J‘étais comme un poisson dans l’eau à Rabat pendant le SIEL et au Bénin lors du FILAB. Vous avez noté que c’est en Afrique que j’ai été le plus primé et non au Sénégal. Parce qu’il y a une âme littéraire africaine transversale. C’est cela le panafricanisme. RACINES et HUMANITAS ont été préfacés par le grand Pierre Tsemou du Congo Brazzaville. LE NID DE LA TORTURE va être réédité au Maroc, HUMANITAS transformé en livre audio par Une voix… une Histoire, une maison d’édition de la Guadeloupe de notre soeur Manick Tsiar Titeca. Il faut un partenariat et des échanges entre éditeurs et écrivains africains. Il faut multiplier les salons, les festivals comme le FILAB organisé par notre brillant frère béninois Komi Ezin. Il faut de la coédition et des prix littéraires africains qui offriraient le même bonheur que tous ces prix européens tant convoités.
Vous êtes éditeur. Dites-nous d’abord un mot sur votre maison d’édition. Puis, quel regard jetez-vous sur la qualité de l’édition du livre en Afrique ?
C’est en 2020 que nous avons fondé les Editions Aminata Sow Fall en se fixant l’objectif suivant : contribuer à l’émergence de la nouvelle littérature et universelle par la détection, la formation et la publication de talents de tous les âges. L’Anthologie de la littérature Casamançaise, notre premier ouvrage financé par la direction du livre et de la lecture a désenclavé toute la région naturelle de la Casamance. Aujourd’hui avec l’appui de la DLL (militante de l’équité territoriale), de nos partenaires et nos propres ressources, nous avons publié, à ce jour, plus de vingt ouvrages répartis dans les collections suivantes : Arc-en-ciel, Hiéroglyphes, Kurukanfuga, Naange, Agora. Mais, nous ne faisons pas que de la publication. A nos yeux, une maison d’édition doit faire de l’animation culturelle. Il faut que le livre aille dans les écoles et rencontre le lectorat scolaire. Bibliovélo nous a permis de mener beaucoup d’activités innovantes de lecture. Actuellement, les Editions Aminata Sow Fall portent le projet d’une anthologie panafricaine avec la participation de nombreux poètes africains. Le titre est : 3 juin 2023 L’appel de Rabat Pour un Sénégal de paix et de prospérité. Nous allons coéditer avec une maison d’édition de la Guadeloupe une série de contes version audio, nouvelle perspective en matière d’édition. L’édition en Afrique se porte bien, il y a beaucoup de livres, il en faut encore, car il y a beaucoup de sujets à explorer. Les maisons d’édition doivent se soutenir et non s’entredévorer. Les grosses cylindrées doivent appuyer les petites cylindrées. Chacun a son champ à défricher. Renforçons nos capacités et je l’ai dit, sortons de notre zone de confort. Améliorons la qualité de nos productions. L’éditeur occupe une place centrale dans la promotion des oeuvres littéraires et de l’auteur. C’est un pilier de la promotion littéraire qui doit développer des compétences en Relations Publiques et Médiatiques, Organisation d’Événements Littéraires, Stratégies de Marketing et de Communication. Au Bénin, Manick Tsiar Titeca, notre formatrice nous a appris que : « L’intégration des nouveaux médias, des réseaux sociaux aux influenceurs et à l’intelligence artificielle, dans les stratégies de promotion littéraire est devenue indispensable pour atteindre et engager un public moderne. L’éditeur et l’auteur qui maîtrisent ces outils peuvent exploiter leur potentiel pour élargir leur lectorat, établir une présence en ligne solide et stimuler l’intérêt autour des oeuvres littéraires. »
Le ministère de la culture a institué un fond de soutien aux éditeurs ? Comment avez-vous accueilli cette mesure, sous la double casquette d’écrivain et d’éditeur ? A-t-elle commencé à produire des résultats ?
Le Sénégal est un pays de Culture. C’est le Fonds d’Aide à l’Edition du Ministère de la Culture et du Patrimoine Historique qui a boosté l’édition au Sénégal. En tant qu’écrivain et éditeur, je félicite et remercie vivement le Ministère et la DLL de leur assistance. Cette volonté politique porte ses fruits. Aujourd’hui, tant de manuscrits qui dormaient à l’intérieur du pays sont transformés en livres avec l’émergence de jeunes mais ambitieuses maisons d’édition.
Le livre Le Guide du futur écrivain est un véritable »Art poétique » où vous prescrivez une conduite aux potentiels nouveaux écrivains, comme Boileau le faisait aux jeunes poètes du 16e siècle. Je retiens sept qualités nécessaires : la patience, la persévérance, la modestie, l’inspiration, le don, la maîtrise et l’humilité. Comment ces dispositions s’accordent-elles pour faire un bon écrivain ?
C’est Seydi Sow, Grand Prix du Chef de l’Etat pour les Lettres en 1998, qui par une brillante contribution, conseille dans LE GUIDE DU FUTUR ECRIVAIN, ses héritiers. C’est l’adoption de toutes ces dispositions qui fera de tous ces jeunes talents de grands écrivains. L’humilité et la patience constituent les vertus essentielles.
Travail finalement ardu. Mais l’écrivain peut-il vraiment vivre de son art en Afrique ?
Il y a des écrivains qui vivent de leur art. Le plus important est la passion, le plaisir du texte et de l’écriture et enfin l’immortalité. Si Dieu donne l’argent, il atterrira dans nos mains littéraires ou autrement parce que nous avons été utiles pour l’humanité.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles l’écrivain africain est confronté aujourd’hui ?
L’écrivain est confronté à d’innombrables obstacles en Afrique. Le premier est qu’il travaille dans un environnement défavorable. Il ne vit pas de son art. Il exerce une autre activité qui nourrit sa famille. Quand il est libre et inspiré, il écrit. Il est assailli de problèmes quotidiens qui bloquent son inspiration ou son travail d’écrivain. Le livre ne rapporte pas beaucoup. En Afrique, les gens n’ont pas la culture de l’achat, mais du don ou du prêt. Parfois, l’écrivain subit la censure ; il est obligé d’appliquer une stratégie de masquage pour se protéger. D’autres ont du mal à se faire publier malgré la qualité de leur manuscrit.
Votre oeuvre est immense. Je ne vous demanderai pas votre livre préféré. Vous aviez répondu à la présentatrice de l’émission radiophonique L’encre et la plume de la chaîne sénégalaise Rewmi qu’un parent ne préfère pas un enfant aux autres. Mais vous avez tout de même un extrait que vous aimez, notamment un poème… Peut-on goûter au plaisir de l’écouter ?
Savourez plutôt un extrait de LE NID DE LA TORTURE, page 27
… Depuis des jours, des nuits, des semaines, des mois, il en était ainsi. Elle ne mangeait presque pas, dormait peu, ne recevait personne, ne sortait guère. Elle n’avait plus écrit une seule lettre, une seule syllabe, un seul mot, une seule phrase, un seul paragraphe, un seul chapitre sur la feuille du cahier d’écolier encore moins sur la page de l’ordinateur. Dans ses oreilles sensibles, rien, le vide complet. Pas un seul murmure n’alimentait l’esprit et l’âme de cette dame possédée par l’écriture…
Le groupe Espace littéraire vous remercie de votre disponibilité. Nous avons été édifiés. Bon vent, l’artiste !
Je vous remercie infiniment et demande à Dieu de bénir Espace littéraire !
Le 21/10/2023
