
Notamment connu pour La Rue Cases-Nègres, adapté au cinéma par Euzhan Palcy en 1983, Joseph Zobel a connu un destin d’exception : après une enfance passée dans les champs de canne, l’écrivain et artiste martiniquais a su s’extraire de la misère pour devenir une figure emblématique de la littérature francophone. France télévisions lui consacre un documentaire le lundi 12 mai prochain, à 23h45.
Né dans les terres agricoles de Petit-Bourg, au sud de la Martinique, au sein d’une famille modeste, Joseph Zobel grandit dans une société encore marquée par l’héritage colonial et la violence raciale. Orphelin de père, et alors que sa mère travaille comme nourrice dans une famille de Békés, il est confié à sa grand-mère, M’man Tine, une ouvrière agricole au grand cœur qui l’élève dans une « rue Cases-Nègres », ancien quartier d’esclave aux habitations précaires de tôle et de bois.
Dans cet environnement, le jeune Zobel découvre très tôt la dureté de l’existence. Mais M’man Tine nourrit pour lui de grandes ambitions : il sera l’un des premiers enfants de la plantation à fréquenter l’école. Élève brillant, Joseph Zobel poursuit ses études au lycée Schoelcher, là où l’abondance côtoie la pauvreté extrême, et observe avec acuité les injustices sociales. Ce contraste nourrit sa révolte et forge son engagement futur.
Bachelier, passionné par les arts plastiques, il rêve de rejoindre les Beaux-Arts de Paris. Mais la Seconde Guerre mondiale bouleverse ses projets. Resté en Martinique, il débute dans la presse locale avec de courts récits évoquant le quotidien de ses compatriotes. Lecteur assidu de Tropiques, la revue fondée par Aimé Césaire, il trouve en ce dernier un mentor et un ami fidèle. Césaire l’encourage à écrire Diab’-là, son premier roman, publié en 1942 mais rapidement censuré par le régime de Vichy.
Pendant la guerre, Joseph Zobel fonde une famille. Cependant, ses aspirations artistiques demeurent vives. En 1946, il choisit l’exil en métropole. À Paris, malgré les difficultés liées à la guerre et à l’éloignement, il s’immerge dans une capitale en pleine effervescence intellectuelle. Il intègre les milieux littéraires et côtoie les sœurs Nardal, René Maran et Léopold Sédar Senghor. Devenu enseignant, il consacre son temps libre à la création artistique, mêlant écriture, dessin et photographie.
Des « Cases-Nègres » aux Cévennes
En 1950, tiraillé entre la nostalgie de son enfance et la colère face aux injustices, il publie La Rue Cases-Nègres, un récit autobiographique d’une grande puissance. L’ouvrage est salué par la critique et couronné par le prix Lange de l’Académie française en 1954. Il connaîtra une reconnaissance internationale après son adaptation cinématographique en 1983.
À partir de 1957, l’Afrique devient sa terre d’accueil. Enseignant puis producteur radio, il séjourne plus de quinze ans au Sénégal. De retour en France, Joseph Zobel s’installe dans les Cévennes. Là, il élargit son champ artistique : il pratique la sculpture, la poterie, l’ikebana, le yoga et le shiatsu. Sa soif de connaissance reste intacte, tout comme son désir de créer sans limite.
En 1998, il est fait chevalier de la Légion d’honneur, ultime reconnaissance d’une vie dédiée aux arts et à la transmission. Disparu en 2006, Joseph Zobel fait aujourd’hui encore l’objet d’expositions, bandes dessinées et rencontres littéraires qui prolongent l’écho de cet écrivain pionnier des lettres antillaises.
Parmi les hommages, donc, ce documentaire écrit et réalisé par Inès Sabatier, Inès Blasco et Fabrice Gardel. À travers des images privées et le témoignage de ceux qui l’ont connu, de la Martinique aux Cévennes, l’art et la vie de Joseph Zobel seront à retrouver sur France 3, La1ere.fr et france.tv.
Crédits image : France Télévisions
Par Dépêche