Mariama Bâ, née en 1929 à Dakar, a légué à la littérature sénégalaise et africaine un héritage inestimable. Orpheline très tôt, elle fut élevée par ses grands-parents et bénéficia d’une éducation musulmane traditionnelle. Diplômée de l’Ecole Normale en 1947, elle débuta sa carrière d’institutrice et, malgré son statut de mère de neuf enfants, se consacra à la défense des droits des femmes. Pionnière de l’émancipation féminine, elle fut membre de plusieurs associations socioculturelles et son engagement reste gravé dans l’éducation, symbolisé par le Lycée des Jeunes Filles de Gorée qui porte aujourd’hui son nom : la Maison d’Éducation Mariama Ba (MEMBA).

Son premier roman, « Une si longue lettre », paru en 1979, est une œuvre marquante de la littérature africaine. Lauréate du Prix Noma en 1980, cette lettre poignante est un cri du cœur de Ramatoulye, une enseignante sénégalaise, à son amie Aissatou. À travers cette correspondance, Ramatoulye partage son désarroi face à sa propre vie. Mariée à un fonctionnaire, Modou Fall, et mère d’une dizaine d’enfants, sa vie bascule lorsque celui-ci l’abandonne pour épouser Binetou, une jeune fille proche de leur fille Daba. La mort de Modou laisse Ramatoulye seule, confrontée aux difficultés d’élever ses enfants.

Mariama Bâ dépeint avec justesse les tensions et les drames des mariages polygames. Les deux couples principaux, fondés sur une amitié d’enfance, se brisent sous le poids de considérations socioculturelles et traditionnelles. La société sénégalaise, dépeinte dans toute sa complexité, est mise en cause. Les personnages féminins, manipulés par des matriarches implacables, subissent les conséquences d’une tradition pesante et d’une modernité en conflit.

À travers ce roman, Mariama Bâ aborde des thèmes cruciaux tels que la polygamie, l’amour, l’amitié, l’émancipation des femmes, l’éducation, et le système des castes. Elle offre un regard perspicace et critique sur une société en pleine mutation, déchirée entre modernité et traditions archaïques.

« Une si longue lettre » demeure une œuvre incontournable qui résonne encore aujourd’hui, témoignage intemporel des combats pour la liberté individuelle et la justice sociale.