
Maïmouna,
Toi, dont la mère vend du caaf au cœur de la brousse sénégalaise, recluse dans un quotidien frugal et immuable. Ta grande sœur a dû livrer un combat acharné contre l’inflexibilité maternelle pour que tu puisses, enfin, t’extraire de ce carcan rural. Toi-même, révoltée par l’intransigeance de la vieille, tu as ruminé ton amertume, convaincue que ton destin ne devait pas se résumer à la poussière des marchés et à la rudesse des travaux domestiques.
Finalement, à force d’insistance, te voilà affranchie. Ndakaaru t’ouvre ses bras, cette métropole palpitante où tout semble possible, où les illusions prennent des allures de promesses. Mais hélas, dans l’effervescence urbaine, ton esprit vacille. L’éclat des néons, les murmures envoûtants de la nuit, l’arrogance des avenues bondées…ont troublé ta raison.
Ignorante des lettres et des chiffres, mais dotée d’une beauté resplendissante, tu attires sur toi des regards avides. Ta grande sœur, soucieuse de ton avenir, et son époux, bienveillant et avisé, te trouvent un prétendant digne de ce nom : un jeune homme de bonne famille, éduqué, respectueux, et nanti au-delà du raisonnable.
Mais toi, Maïmouna, étoile fugace en quête d’éphémère, tu déclines cette offrande. Pourquoi t’enchaîner si tôt aux impératifs du mariage ? Il te faut d’abord, dis-tu, explorer les vertiges du désir, embrasser la liberté dans les bras des séducteurs de la capitale. L’amour, crois-tu, ne saurait se conjuguer avec la prudence.
Pauvre enfant… Tu ignores encore que les galants de Dakar et ceux de Louga se valent en duplicité, que les promesses murmurées à l’ombre des lampadaires ne résistent jamais à la lumière crue du jour. L’ivresse du présent t’aveugle, te voilà lancée sur un sentier périlleux, où l’illusion danse avec la désillusion.
Même si tu n’as jamais été à l’école, la vie elle-même t’a appris les rudiments de l’existence. N’as-tu donc rien retenu ? Maïmouna, es-tu donc une enfant ?