
Par-delà l’ombre épaisse de la nuit de Khadim Bamba Syll
Hello Edition 2025
Je suis tombée amoureuse de la couverture avant même de tomber amoureuse des mots.
Ce bleu profond ma couleur fétiche m’a happée comme une invitation silencieuse :
Celle d’un voyage intérieur, étoilé, un peu mystique, forcément poétique.
Je me suis dit : « Si l’intérieur est aussi beau que la façade, je suis perdue… »
(Spoiler alert : j’étais irrécupérable dès la première page.)
J’ai ouvert le livre. Mauvaise idée.
Ou peut-être la meilleure.
Je n’ai rien vu venir. Pas de plan, pas de boussole. Juste une poésie brute, vaste, sans GPS, sans pause, sans ceinture. J’étais à bord. Destination : l’ailleurs, l’intime, le vertige.
Khadim Bamba Syll ne te caresse pas dans le sens du verbe. Il t’attrape par le col avec des vers mystiques, te colle une déclaration d’amour presque religieuse, te jette dans un poème de voyage, te fait sourire avec une paire de seins comparée à des canons de guerre (oui, ça arrive), et termine avec une méditation sur l’amour, l’exil ou l’identité. Un recueil qui fait réfléchir… mais qui, parfois, m’a aussi fait dire :
« Mais… il a osé écrire ça ? En vrai ? Et ça passe ? Bah… oui, ça passe. Trop bien même.”
Le titre ? Par-delà l’ombre épaisse de la nuit.
Rien que ça. Pas un petit crépuscule timide non. Une ombre ÉPAISSE, une nuit qui ne plaisante pas. J’ai donc ouvert ce recueil comme on entre dans un tunnel en pleine nuit… sans torche, mais avec foi. Et là, surprise : le poète m’attendait au tournant, armé de vers brillants, d’ironie subtile, et de beaucoup (beaucoup) d’émotions.
Je pensais tomber sur quelques vers doux pour accompagner mes soirées tranquilles.
Mais non.
Le poète nous parle de sa mort………
Dès les premières pages, on comprend que le poète ne se contente pas d’écrire : il convoque les muses, dérange les morts, réveille les étoiles et s’invite au panthéon des grands, rien que ça. Dans Nécropole, il demande même qu’on lui érige un tombeau digne des martyrs et des poètes à majuscule. Khadim, si tu lis ceci, on veut bien la stèle, mais seulement si tu promets de continuer à écrire depuis l’au-delà.
L’amour, toujours… ou presque.
L’amour chez Khadim est une affaire sérieuse. Très sérieuse. Trop sérieuse ? Non.
Heureusement, le poète, s’il s’emporte, sait aussi nous faire sourire. Dans Deux poires, on assiste à une déclaration passionnée à… une paire de seins. Comparés à des « gueules de canons », des « musettes emplies de gorgées » et des « mangues mûres » (rien que ça), ces attributs sont décrits avec une tendresse explosive et un sens de la métaphore qui ferait rougir un marchand de fruits.
Mais Khadim ne s’arrête pas là. Il y a aussi L’autre sexe, L’étreinte, Ivresse, Sérénade, autant de poèmes où le cœur bat, le corps exulte, et où parfois, le lecteur rougit (ou rit, selon son taux de fer poétique).
Quand le poète devient philosophe de salon (ou de mosquée).
Entre deux soupirs d’amour, Khadim devient un sage. Un vrai. Dans La non-poésie, il règle ses comptes avec les faux poètes, ces « papes païens au pénible poème » (on espère qu’il ne pensait pas à nous). Dans Mufti, il interroge les sermons trop dogmatiques avec l’audace d’un enfant qui demanderait à l’imam combien de houris l’attendent au paradis (spoiler : il n’a pas reçu de réponse claire).
Le recueil est aussi traversé par des réflexions sur la mémoire (Mémoire et l’oubli), la communauté (Communauté), le deuil (Deuil, Nosmélie), et même le premier livre publié (Le premier livre : oui, il en parle, et il n’est pas tendre avec son propre passé littéraire).
Une langue qui voltige… parfois un peu trop.
Il faut le dire : Khadim Bamba Syll aime les mots. Il les chérit, les cajole, les malaxe, les roule dans la farine de ses émotions. Parfois, c’est du grand art. Parfois, c’est du grand écart. On passe d’un vers sublime à une image surréaliste sans prévenir, comme dans Soleil immolé où le soleil finit en crématorium. On reste bouche bée, mais on admire l’audace.
Lire Par-delà l’ombre épaisse de la nuit, c’est comme monter dans un train littéraire avec un conducteur qui est tour à tour poète, prophète, philosophe, amoureux transi, et parfois humoriste malgré lui. On est secoué, amusé, ému, parfois perplexe, mais jamais ennuyé.
Et puis franchement, un poète qui écrit :
« Je suis le faucon mussétien et l’oiseau sacré des mers l’alcyon »,
Ça mérite qu’on lui laisse un bout de ciel pour planer en paix.
Et Si les thèmes abordés sont d’une richesse indéniable l’amour, la foi, la mort, l’exil, la mémoire, la condition humaine –, on regrette parfois une absence de fil conducteur, une trame qui relierait ces éclats poétiques comme les perles d’un même chapelet. Le recueil semble avancer au rythme des inspirations du poète, sans toujours prendre le temps de construire un itinéraire pour le lecteur.
Bref Par-delà l’ombre épaisse de la nuit n’est pas un simple recueil de poèmes, c’est un kaléidoscope d’émotions, un journal intime en feu, une prière parfois blasphématoire mais toujours sincère. On en ressort un peu sonner, un peu amoureux, un peu perdu – mais heureux d’avoir traversé cette nuit-là.
Cher Khadim, continuez à écrire comme on crie, comme on aime, comme on rêve. Et promis, à votre prochain recueil, on s’attache. Cette fois, avec ceinture.
Preitty_writer ,Pikine le 29 juin 2025