L’architecture épistémique du Savoir Africain transcende les contingences réductionnistes du rationalisme occidental et s’inscrit dans une vision holistique de l’Être et du Cosmos. Héritier d’une tradition initiatique millénaire, l’Africain, dans son essence primordiale, ne dissocie ni l’ontologie de l’épistémologie, ni la science du sacré. La dislocation contemporaine de cette approche intégrale, induite par l’hégémonie du paradigme cartésien-capitaliste, a engendré un hiatus métaphysique entre l’Être intérieur et l’Être extérieur, générant ainsi une aliénation ontologique qui condamne l’individu africain à une errance intellectuelle et spirituelle.

L’Africanité du Savoir : Une Science Immanente

L’Africain moderne, happé par les sophismes de la pensée exogène, méconnaît la conformité intrinsèque de son modèle de création aux lois du cosmos. Cette méconnaissance l’éloigne d’une posture ontologique qui le positionnait naguère en Maître de l’Univers, au sens où son système de pensée, articulé autour des principes de Maât, incarnait un équilibre transcendantal entre l’ordre cosmique et les dynamiques humaines.

L’épistémologie africaine ne se limite pas à une simple organisation des connaissances empiriques ; elle est avant tout une heuristique de l’Être, une quête inlassable de la Vérité dans ses manifestations multiples. Loin d’être un artefact folklorique, elle constitue un champ méthodologique structuré, où la cosmogonie se déploie en une taxinomie rigoureuse des phénomènes naturels et sociaux. Cette imbrication du rationnel et du spirituel, du visible et de l’invisible, confère à la pensée africaine un caractère polysémique, dont l’appréhension nécessite une lecture symbolique et analogique du réel.

Fracture Épistémologique : Un Schisme Civilisationnel

L’avènement du rationalisme occidental, fondé sur l’impératif catégorique de la séparation entre le sujet et l’objet, a imposé une dichotomie artificielle au sein du Savoir africain. Ce dernier, historiquement ancré dans une logique d’interdépendance entre l’Homme et l’Univers, se retrouve fragmenté par l’intrusion de modèles conceptuels exogènes qui, incapables d’en saisir la substance, l’ont réduit à une collection d’artefacts dénués de pertinence heuristique.

Cette rupture, symptomatique d’un processus d’aliénation systémique, a conduit à une marginalisation des modes de connaissance autochtones, relégués au rang de superstitions ou de proto-sciences. Pourtant, une analyse rigoureuse des structures cognitives africaines révèle leur capacité à élaborer des modèles de compréhension du réel d’une finesse inégalée. En effet, les cosmologies africaines ne sont pas de simples narrations mythiques, mais des matrices symboliques codifiant les principes fondamentaux de l’univers, principes que la science moderne redécouvre sous des formes mathématisées.

La Science et l’Axiologie de Maât : Un Ordre Universel Indépassable

La pensée africaine, à travers Maât, pose les fondements d’une axiologie du Savoir où la Vérité, la Justice et l’Harmonie sont indissociables de l’acte de connaissance. Contrairement à l’épistémologie occidentale, qui tend à cloisonner le savoir dans des catégories autonomes et hermétiques, l’épistémè africaine repose sur un Principe d’Ordre universel où chaque élément du réel est interconnecté. Cette imbrication ontologique permet d’accéder à une compréhension intégrale des phénomènes, que ce soit dans les domaines de la physique, de la chimie, de la biologie ou des sciences sociales.

La primauté du mythe dans la transmission du savoir ne relève pas d’une quelconque naïveté cognitive, mais d’une stratégie didactique qui inscrit l’enseignement dans un cadre symbolique favorisant une assimilation profonde des lois du Cosmos. Ainsi, loin d’être antithétique à la rationalité scientifique, le mythe africain en constitue le soubassement herméneutique, une structure d’intelligibilité permettant de donner du sens à l’expérience humaine.

Refondation de l’Épistémologie Africaine

L’enjeu contemporain du Savoir africain réside dans sa capacité à s’affirmer comme une alternative paradigmatique viable face aux impasses de la pensée occidentale. Il ne s’agit pas d’une simple réhabilitation nostalgique, mais d’une refondation épistémologique intégrant les avancées scientifiques modernes tout en réactivant les principes fondamentaux de la pensée africaine.

L’urgence est donc à la revalorisation des savoirs endogènes, non sous une forme passéiste, mais dans une perspective dynamique de synthèse entre tradition et modernité. Loin de se limiter à une simple restitution patrimoniale, cette démarche doit aboutir à l’élaboration d’une théorie de la connaissance (épistémologie) proprement africaine, capable de poser les bases d’un développement scientifique et technologique autonome.

La résurgence du Savoir africain passe par une redécouverte de ses principes ontologiques et épistémologiques fondamentaux. Ce savoir, loin d’être une relique du passé, détient les clés d’un renouvellement intellectuel global, où l’Afrique peut non seulement reconquérir sa souveraineté cognitive, mais aussi offrir à l’Humanité un modèle de pensée alternatif, apte à transcender les limites du réductionnisme occidental. Il est donc impératif d’œuvrer à une refondation systémique du savoir, en réaffirmant l’unité organique de la connaissance et en renouant avec la vision holistique qui a, de tout temps, structuré la pensée africaine.

Ndimo Tine