
CARTON•Paru le 6 février dernier, le premier livre d’Adèle Yon, mélange singulier de roman, d’essai et d’œuvre (auto) biographique et d’enquête s’est déjà vendu à plus de 85.000 exemplaires. Un succès aussi bien critique que public. Explications
L’essentiel
- Mon vrai nom est Elisabeth, le premier livre d’Adèle Yon, 31 ans, a paru en février 2025 aux éditions du Sous-Sol. Il s’est depuis écoulé à plus de 85.000 exemplaires.
- Ce livre inclassable, entre le roman et l’essai, mêle échanges épistolaires, comptes rendus médicaux, retranscriptions de discussions entre l’autrice et ses proches. Le sujet : mettre à jour un secret de famille sur ce qu’a vraiment vécu Elisabeth, l’arrière-grand-mère d’Adèle Yon diagnostiquée schizophrène alors qu’elle ne l’était peut-être pas.
- « J’ai demandé à mes lecteurs : qu’est-ce que mon livre change dans votre vie, concrètement ? Ils me disent qu’ils appellent leur grand-mère, leur mère et ils posent des questions. Mon livre ouvre la parole », a raconté Adèle Yon au Figaro.
C’est le succès de librairie que personne n’avait vu venir. Mon vrai nom est Elisabeth d’Adèle Yon, 31 ans, s’est vendu à plus de 85.000 exemplaires depuis sa parution en février. Un engouement faramineux – parti pour durer – pour un premier livre. L’ouvrage met d’accord la critique et le public. Sur le site Babelio, par exemple, sa note moyenne est de 4.31 sur 5 pour 1.173 votes d’internautes qui saluent sa « force » et son « originalité », dixit Afleurdelivres, tandis que Michel69004 estime « rare qu’un livre vous bouscule autant ». Pour Télérama, Mon vrai nom est Elisabeth est « un livre puissant », Le Figaro le qualifie de « remarquable » et Le Monde de « vibrant » tandis que Sud Ouest en parle comme d’un « véritable choc ».
Un accueil dithyrambique et quasi unanime pour un livre que les grands éditeurs ont refusé. Sans doute ont-ils été décontenancés par sa forme inclassable entre essai, enquête, roman, (auto) biographie, où s’entremêlent échanges épistolaires, comptes rendus médicaux, retranscriptions de discussions entre l’autrice et ses proches…
« J’ai reçu le manuscrit au courrier un vendredi de juin 2024, et l’ai lu d’une traite, stupéfait et enthousiaste. Cet aspect hybride du texte m’a tout de suite plu. C’était une totale évidence ! », a raconté au Figaro Adrien Bosc des éditions du Sous-Sol. Il a eu le nez creux.
« La folle » dont on ne parle pas
Avant d’arriver dans les librairies le 6 février, il y a une thèse qu’Adèle Yon a soutenu en décembre, décrochant ainsi son doctorat. Son projet : retracer l’histoire de son arrière-grand-mère Elisabeth, surnommée Betsy, qui a vécu de 1916 à 1990 et a été internée pendant dix-sept ans. Dans la famille de l’autrice, cette aïeule était un tabou, « la folle » dont on ne parle pas, sinon au détour d’une anecdote.
Le déclic pour se lancer dans cette entreprise, a-t-elle confié à Quotidien, lui est venu à 25 ans, quand elle a craint d’être à son tour touchée par la maladie mentale. Comme si elle était transmissible de génération en génération : « Je me suis qu’il fallait que je comprenne ce qu’a vraiment vécu cette femme, quelle a été vraiment son histoire pour savoir si je risquais ou non d’être malade. »
« Si tu trouves quelque chose, je ne veux pas le savoir »
Pendant quatre ans, Adèle Yon a tenté de recomposer le puzzle, d’approcher une vérité se dissimulant sous la gêne, l’ignorance et/ou le silence de ses proches. « J’accepte ce que tu fais, je le respecte, mais sache que je ne répondrai à aucune des questions que tu pourras me poser », lui lance ainsi, un matin de janvier 2021, par SMS, l’une des filles de Betsy. Nouveau message quelques minutes plus tard : « Et si tu trouves quelque chose, je ne veux pas le savoir. »
Au fil des pages et du travail de recherche d’Adèle Yon, se dessine l’histoire d’une femme qui a été diagnostiquée schizophrène alors qu’elle ne l’était peut-être pas et qui a subi des traitements d’une violence sidérante, à commencer par une lobotomie. D’autres révélations surviennent donnant à reconsidérer sous un nouveau jour certains souvenirs et récits familiaux.
Dans les lettres qu’écrivait Elisabeth à son (futur) mari André, qui était alors sur le front de la Seconde Guerre mondiale, apparaît son tempérament. « C’est très, très rare de voir une femme de ce milieu-là expliquer en 1940 que, si elle devait choisir un métier – déjà c’est énorme –, elle choisirait un poste d’institutrice de montagne pour être indépendante financièrement », relève Adèle Yon auprès de l’AFP.
« L’histoire d’énormément de femmes »
Mon vrai nom est Elisabeth résonne avec notre époque qui commence à prendre davantage en compte la santé mentale, à appeler par leur nom les violences faites aux femmes et qui identifie plus aisément les oppressions patriarcales. Et puis, c’est peut-être là l’une des explications de ce succès : le secret de la famille d’Adèle Yon fait écho à ceux qui hantent la généalogie de celles et ceux se plongeant dans ces pages.
« J’ai demandé à mes lecteurs : qu’est-ce que mon livre change dans votre vie, concrètement ? Ils me disent qu’ils appellent leur grand-mère, leur mère et ils posent des questions. Mon livre ouvre la parole. Cette histoire, ce n’est pas seulement celle d’Elisabeth, mais d’énormément de femmes », faisait remarquer Adèle Yon au Figaro.
