A Mr Ibrahima Diome un grand Ecrivain de son état

Merci infiniment pour ce retour si chaleureux. C’est un véritable baume pour l’âme que de recevoir ce genre de message, car il atteste que l’art, loin d’être mort comme certains le prétendent, continue bel et bien de vivre, de vibrer, de respirer en nous. Il démontre que l’acte d’écrire n’est pas un geste vain, mais bien un souffle essentiel, un souffle de vie qui anime encore des cœurs, des plumes et des regards. Oui, l’écriture existe toujours, elle palpite entre les doigts de celles et ceux qui, dans le silence ou l’éclat du monde, prennent le temps de contempler, de penser, de rêver, et surtout d’écrire.

Car écrire, ce n’est pas seulement jeter des mots sur une feuille. C’est un labeur minutieux, une quête de vérité et de beauté. C’est passer des jours entiers à chercher, à formuler, à reformuler, à raturer, à gommer, pour faire émerger, dans l’épaisseur du silence, une œuvre digne de ce nom. L’écrivain est un sculpteur du verbe. Il polit les phrases comme on cisèle un marbre, jusqu’à ce que le rêve prenne forme et que l’émotion devienne palpable. Pour citer ces beaux vers : « Sculpte, lime, cisèle / Que ton rêve flottant / Se scelle / Dans le bloc résistant. » Et pour reprendre les mots d’Alfred de Musset, qui sonnent comme une vérité intemporelle : « Ah ! Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie. »

Mais au-delà de l’acte d’écrire, il y a l’acte de lire, d’écouter, de voir. Il y a des lecteurs et lectrices qui ne se contentent pas d’un regard superficiel, mais qui scrutent les textes avec une sensibilité vive, critique, pénétrante. Des lecteurs qui déchiffrent les mots pour en extraire l’âme du poète. Grâce à eux, la poésie continue de vivre, de circuler, de toucher, de bouleverser.

Et pourtant, de nos jours, un certain nombre de personnes persistent à penser que la poésie se résume uniquement à la rime. Selon eux, point de rimes, point de poésie. Quelle erreur ! La poésie est infiniment plus vaste, plus riche, plus plurielle. Elle se manifeste sous une multitude de formes : vers réguliers ou libres, versets, prose poétique, calligrammes et calligraphies, et bien d’autres encore. Réduire la poésie à la seule rime, c’est l’enfermer dans une cage alors qu’elle est, par essence, un oiseau libre.

Prenons pour exemple la poésie africaine, avec des figures illustres telles que Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, Moustapha Wade, David Diop… Leurs poèmes sont de véritables chants puissants, enracinés dans la mémoire, la culture et les luttes de tout un continent. Ces textes riches d’images, de symboles, de rythmes intérieurs, traduisent l’âme collective de l’Afrique. Et pourtant, ils ne reposent pas sur des rimes classiques. Mais aujourd’hui encore, ces œuvres comptent parmi les plus grandes, les plus belles et les plus marquantes de la littérature mondiale.

Malheureusement, beaucoup de jeunes poètes actuels croient que l’on ne peut faire de poésie qu’en imitant les styles de Victor Hugo, Rimbaud, Baudelaire ou Verlaine. Ils pensent que si l’on ne marche pas dans les pas de ces géants européens, on s’égare. Mais à ceux-là, je dis ceci : avant d’ouvrir mes bras aux autres cultures, je plonge d’abord mes racines dans ma propre terre, je puise dans la richesse de mes origines. C’est en cela que je m’inscris dans la pensée de Senghor, qui parlait d’« enracinement puis ouverture ». Car comment accueillir l’autre si l’on ne se connaît pas soi-même ? Comment écrire pour le monde si l’on ne parle pas d’abord depuis sa propre histoire, sa propre langue, sa propre musique intérieure ?

La véritable poésie ne se mesure ni aux règles rigides ni aux étiquettes esthétiques. Elle se reconnaît dans la force des images, dans la profondeur du propos, dans la beauté intrinsèque du langage. Elle est vibration, émotion, lumière. Elle dépasse  les formes pour toucher l’essence.

En fin de compte, l’important n’est pas d’écrire comme Hugo ou comme Senghor, mais d’écrire avec sincérité, avec intensité, avec fidélité à soi-même. L’important est de faire parler son cœur, de sculpter son âme à travers les mots, et de laisser dans le monde une Trace qui parle au silence.

Par Mouhamadou GUEYE