Poètes, mes semblables…
Hommes de rien, mais de tout, vous qui savez poser les mots justes sur les émotions les plus profondes, recevez ma part de poésie. D’humanité !

Sans vous rappeler – à tous les deux – que lorsque j’ai lu vos textes si puissants, si vrais, j’ai été en proie au doute quant au destin de l’humanité. D’une part, vous vous indignez face à un acte barbare qui s’est récemment déroulé en Haïti : un gang a brûlé vif un bébé de deux mois sous les yeux de sa mère. Quelle horreur ! D’autre part, vous semblez poser la question de la place de la poésie dans un monde qui se déshumanise. Qui se défait.
Le fait est là, la question cruciale. Tout se joue en cet instant fragile. Le silence face à cette situation serait un abîme. Je me réjouis donc de savoir que vous, poètes, accordez une place à la souffrance des autres. Mieux encore, vous portez un regard empreint d’empathie sur la misère humaine. Voilà l’une des raisons, parmi mille autres, qui donnent à la poésie tout son sens. Son prestige.

Je suis contraint de dire que le poème ne pèse rien face aux armes. Néanmoins, il demeure un puissant souffle qui brave le chaos. Et même si la poésie n’est pas une voix dominante dans ce monde, elle est une voix qui compte. Quand les cœurs sont étreints, les lumières éteintes, elle reste la dernière braise dans l’hiver des âmes.

Poètes, mes semblables…
En lisant, de manière croisée et sensée, vos textes, j’ai retenu trois mots qui, me semble-t-il, condensent tout l’esprit de vos propos : vivre, espoir et poésie.
Vivre, c’est avoir l’audace de combattre les dangers. Danser avec le vent des défis. Senghor avait déjà senti, en 1950, qu’il était urgent de protéger l’homme contre la tyrannie des robots. Cela nécessite un combat… L’espoir ? Je crois qu’il est une force spirituelle qui donne sens à notre vie. Il est la douce lumière qui perce l’obscurité. Une étincelle qui ranime les cœurs fatigués et ouvre la voie vers un avenir insoupçonné. «L’espérance luit comme un brin de paille dans l’étable», écrivait Jules Supervielle. Et la poésie, au-delà d’un art, traduit les émotions les plus profondes, les pensées les plus universelles. Cette idée me fait penser à Paul Laurence Dunbar, Claude McKay, Langston Hughes et Sterling Brown. Tous des poètes renaissants. Renaître, c’est le maître mot. Pour cela, il nous faut du courage. De l’audace !
Bref, suivant ce triptyque, les hommes ont l’obligation de vivre poétiquement dans l’espoir. Bien sûr, pour que le monde ne se défasse pas… s’il en est encore temps. J’espère qu’il en soit ainsi.
Ce qui est certain, dans l’espace fracturé du monde moderne, où le sacré et le numérique s’entrelacent dans le ballet silencieux des algorithmes, il nous faut encore plus de voix pour explorer les fondements qui régissent nos vies.

Chers amis poètes…
Je dois maintenant vous dire que, tant qu’un seul vers subsiste, tant qu’un seul cœur écoute, l’humanité n’est pas entièrement perdue.

Fara Njaay
Poéte, écrivain

Dakar, le 26 février 2025