(SenePlus) – La démocratie sénégalaise vient de vivre un événement majeur avec la victoire surprise de l’opposant Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle du 24 mars, selon l’écrivain et journaliste Elgas dans une tribune publiée samedi 30 mars 2024 dans Le Monde.
« C’est une longue et éprouvante séquence politique qui vient de s’achever », souligne Elgas. En effet, malgré « le mérite » du nouveau président Diomaye Faye, « la figure centrale de cette victoire reste son mentor, Ousmane Sonko », leader charismatique du parti d’opposition Pastef empêché de se présenter lui-même en raison de son incarcération politique.
Pour Elgas, « la démocratie sénégalaise balbutiante, récemment rudoyée par l’entêtement coupable de l’ancien régime, a tenu ». Mieux, elle en sort « renforcée » par cette élection où l’opposition l’a emporté dès le premier tour, ce qui « place un peu plus le pays dans une position particulière, celle de phare dans une région sahélienne malade des transitions politiques ».
Les débuts prometteurs du nouveau président
Dans son discours de victoire, le nouveau président Diomaye Faye a promis de « rassembler » selon Elgas, s’écartant du « triomphalisme trop tapageur » et de la « verdeur radicale » longtemps associée à Pastef. Cette modération était « la suite logique d’une campagne express de pacification » menée avec Ousmane Sonko, qui a « ménagé son principal bourreau, le président sortant Macky Sall, sacrifiant l’invective plus radicale sur l’autel d’une réconciliation à marche forcée ».
Si l’euphorie est légitime, Elgas appelle néanmoins à « examiner tout le tableau de cette dernière séquence politique, avec distance et sang-froid ». Elle a en effet révélé « des blessures qu’il appartiendra au nouveau régime de panser » afin que « le pays puisse reconquérir ce qu’il a de plus cher sur le plan politique, et qu’il a perdu dans la bataille : sa cohésion nationale ».
Un régime sortant responsable de sa propre chute
S’il convient de « mettre au crédit d’Ousmane Sonko d’avoir fermement tenu tête à ce régime », Elgas estime aussi que Pastef a « bénéficié de l’inanité d’un régime finissant ». Macky Sall et son entourage ont en effet « multiplié les ratés » et leur « bilan indéfendable » a « condamné le candidat de la majorité à un plafond électoral ».
Plus encore, en s’acharnant de manière « disproportionnée » contre Ousmane Sonko, qualifié de « martyr », le régime sortant serait « la première cause d’une fracture nationale ». Cet « acharnement répressif » a « beaucoup fait perdre » au Sénégal, à la fois « économiquement » et « en termes de stabilité ».
Les zones d’ombre du passé de Pastef
Si Macky Sall porte « la responsabilité première dans le chaos récent », Elgas estime qu’il faut aussi « ne pas oublier ce que ce parti porte comme responsabilité dans la surenchère de la violence ». Longtemps, Pastef a en effet « théorisé une défiance radicale contre les institutions » et légitimé « une terreur » basée sur l’idée de « œil pour œil, dent pour dent ».
Cette rhétorique radicale s’est aussi traduite par une « logique inquisitoriale » et une « chasse aux traîtres sur les réseaux sociaux ». Des excès idéologiques qui ont « étouffé la pluralité du débat ». Désormais au pouvoir, Pastef devra « assainir une pratique et un lexique » en abandonnant ces références belliqueuses selon Elgas.
Malgré ces zones d’ombre, l’éditorialiste appelle à ne pas sombrer dans le « catastrophisme » et à laisser « une chance » à ce « coup d’Etat démocratique » qui incarne un espoir pour la démocratie sénégalaise. Les prochains mois diront si ce renversement du pouvoir se conclut par « le chaos » ou sait se révéler « être une des manifestations les plus éclatantes de la démocratie sénégalaise en marche ».